Différences n°30 - janvier 1984

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Sommaire du numéro

n°30 de janvier 1984

  • Les rendez-vous de Cayenne: Haïtiens, Brésiliens, Hmongs, ils affluent vers cette "France de l'Amazonie" par Véronique Mortaigne
  • En allant à l'expo: le C.C.I. de Beaubourg lance la plus grande exposition jamais consacrée aux jeunes issus de l'immigration par Sophie Soria
  • Ils se mettent en dehors de la société: les reproches que l'on fait aux gens du voyage par Jean Bertrand Bary
  • Les apatriés: Ces français qui sont restés en Algérie après l'indépendance par Amaar Hadjih
  • Les médecins de la plume: les écrivains publics par Jean Bartoli
  • Cinéma d'auteurs: Noir et blanc (journées cinématographiques d'Amiens) par J.P. Garcia
  • Les princes du paveton: les frères Amara par Daniel Chapuis
  • Coréens, Ainu et quelques autres: les minorités au Japon par Albert Levy
  • Silence on (re)tourne: pour la 1ère fois à la télé l'histoire des Arméniens
  • Le système Verbie: l'analyse d'un avocat sur le système de défense adopté par Me Vergès pour Klaus Barbie par Pierre Alain Gourjon
  • Issieu le 6 avril 1944: la directrice de la maison d'enfants raflée par la Gestapo sous la responsabilité de Barbie raconte...
  • Un exode de plus: Arafat a quitté Tripoli. Une nouvelle étape de la longue marche des Palestiniens par Jean Roccia [moyen-orient]
  • 1982 = 1933: un bilan avec André Wurmser d'une année chaude préparé par Dolorés Aloïa.
  • La parole à Merzak Allouache; par Stéphane Jakin

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Magazine créé par le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), édité par la Société des éditions Différences. 89, rue Oberkampf 75011 PARIS Tél. : (1) 806.88.33 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Albert Lévy RÉDACTION Rédacteur en chef .Jean-Michel Ollé Secrétariat de rédaction/maquettes: Véronique Mortalgne Service photos : Abdelhak Senna Culture: Daniel Chaput Relations extérieures : Danièle Simon ADMINISTRA TION /GESTION Khaled Debbah PROMOTION/VENTES Marle-.Jeanne Salmon ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO: Laurence A DNET/POM, Dolorès ALOIA, Jean BARTOLI, Jean Bertrand BAR y, Julien BOAZ, Bernard BULLIARD, Jean-Pierre GARCIA, Pierre Alain GOURION, Amar HADJIH, Pauline JA COB, Stéphane JAKIN, Jack LESSONGIVER, Robert PAC, Jean ROCCIA, Anne SIZAIRE, Sophie SORIA. ABONNEMENTS 1 an: 150 F; 1 an à l'étranger: 180 F ; 6 mois: 80 F. . Etudiants et ch6meurs, 1 an : 130 F, 6 mois: 70 F ljoindre une photocopie de la carte d'étudùmt ou de la carte de pointage). Soutien : 200 F ; Abonnement d'honneur: 1 000 F. Vente à l'étranger: Algérie 14 dinars, Belgique 140 FB, Canada 3 dollars. Maroc 10 dirhams. PUBLICITÉ AU JOURNAL Photocomposition - photogravure impression: C.P. Paris Commission paritaire n 0 63634, ISSN 0247-9095. Dépôt légal : 3097 PHOTO COUVERTURE: Abdelhak Senna La Marche antiraciste du 3 décembre à Paris Différences - N° 30 - Janvier 1984 SBMMAIRE' JANVIER POINTCHAUD ........................................ S Les rendez-vous de Cayenne Haïtiens, Brésiliens, Hmong: ils affluent dans cette « France de l'Amazonie », Véronique MORTAIGNE ACTUEL .. -------------------10 En allant à l'expo Le CCI de Beaubourg lance la plus grande exposition jamais consacrée aux jeunes issus de l'immigration. Sophie SORIA PRÉJUGÉS 13 Ils se mettent en dehors de la société? Les reproches que l'on fait aux gens du voyage Jean Bertrand BARY GROS PLAN .. ------------------1. Les apatrlés Ces Français qui sont restés en Algérie après l'Indépendance. AmarHADJIH DOSSIER-------------------18 Coréens, Alnu, et quelques autres ... La deuxième partie de notre grande enquête sur les minorités du Japon. Albert LEVY CULTURES .................................... ·24 Silence, on (re)tourne Pour la première fois à la télé, l'histoire des Arméniens. Serge HUREAU RÉFLEXION· ................................ -32 Le système Verble L'analyse d'un avocat sur le système de défense adopté par Me Vergès pour son client Klaus Barbie. Pierre Alain GOURION Isleu, & avril 1944 En exclusivité pour Différences, la directrice de la maison d'enfants raflée par la Gestapo sous la responsabilité de Barbie raconte ... H~TOIRE .. ------------.. ---... 35 Un exode de plus Arafat a quitté Tripoli. Une nouvelle étape de la Longue Marche des Palestiniens. Jean ROCCIA DÉBAT .. ------------------3S 1983 1933? Un bilan, avec André Wurmser, d'une année chaude. Préparé par Dolorès ALOIA 3 La nouvelle municipalité de Dreux a fait résilier l'abonnement de la Bib!iotbèque à Différences. Offre spéciale d'abonnement aux Drouais qui auraient le front de vouloir continuer à le lue: 100 F. Abonnement normal: 150 F. Je m'abonne: NOM ________________________________ ___ Prénom Adns~ ______________________________________________________________________________ _ Code postal _____________________ Commune ----------------------~---------------------- Profession ____________________________________________________________________________ _ Bulletin dûment rempli accompagné d'un chèque à retourner à : Différences (Service Abonnements), 89 rue Oberkampf, 75011 PARIS. Abonnement 1 an : étranger : 180 F ; chômeur et étudiant : 130 F. DIFF. 29 4 CHERS lECTEUR Avenir, que nous veux-tu? ' autre soir, en gare de Toulon, ce dialogue: - Comment, Madame, vous avez pris une couchette? Vous n'avez pas peur? A Marseille, il ne monte que desArabes ... Moi, je préfère passer la nuit assise jusqu'à Paris. par la fenêtre ... -Ah ? .. . - S'il Y avait un risque, ça se saurait, non? Ces temps-ci, les Arabes, c'est plutôt eux qu'on brutalise dans les trains, et qu'on jette La peur de l'Autre est mauvaise conseillère. Tout d'abord, elle ferme les yeux et déssèche le coeur. Puis elle fait naître la haine et justifie la violence. Peut-on « raisonner» ces gens qui croient dur comme fer que l'insécurité ambiante, le chômage, n'importe quelle difficulté, proviennent des immigrés? et qui souhaitent les renvoyer« chez eux » pour que tout s'arrange? Faute d'une attitude amicale, nous voudrions qu'au moins, en cette année qui commence, chacun reconnaisse les données réelles de notre société, où de multiples communautés humaines sont désormais durablement imbriquées. Lorsque, par exemple, on licencie des immigrés dans une branche industrielle, cela n'apporte pas pour autant du travail aux Français. Bien au contraire, c'est le signe de mutations encore mal dominées, exigeant des solutions defond, dont dépend l'avenir commun des uns et.des autres. La crise ne choisit pas ses victimes en fonction de leurs origines. Et les diviser sur une telle base n'a aucun sens au regard de la situation actuelle. Feuilletez l'annuaire du téléphone. Il n'est guère de ville, de région, où les noms alignés ne traduisent la diversité de notre population et les strates successives qui l'ont formée depuis toujours. Les enfants de ceux qui se prénommaient Luigi, Esteban, Mélinée ou Dora sont déjà rejoints dans nombre de pages par les Joao, les Yasmina, les Youssouf ou les Marijan ,. dans moins de vingt ans, ce sera leur descendance. C'est à'nsi. Et c'est encore moins surprenant en cettefin du 20e siècle. Plus que jamais, les progrès qui amplifient les échanges et unifient la planète nous invitent à rencontrer et connaître des hommes différents de nous - à plus forte raison s'ils partagent notre existence quotidienne. La Marche pour l'égalité et contre le racisme, qui vient de s'achever triomphalement à Paris a heureusement suivi cette voie. Les jeunes, dits de la« seconde génération »refusent le ghetto physique et moral qu'ont connu leurs parents,. ils entendent cependant rester eux-mêmes, avec leur vécu, leur passé, leurs attaches: comment le leur reprocher quand, de nos provinces, monte également la revendication des différences. Beaucoup de Français, sans doute, auront découvert à cette occasion que les « Beurs» - comme ils s'appellent eux-mêmes - ne ressemblent pas à l'image effrayante ou misérabiliste qu'en donnent trop souvent les médias et certains discours politiques. Plutôt que de s'ignorer ou s'affronter, ne vaut-il pas mieux examiner sans passion comment « Vivre ensemble avec nos différences » en se rencontrant, en discutant, comme le propose le Mrap, dans les AssiSes locales, départementales et nationales dont il a pris l'initiative? Au lieu d'accuser un voisin qui n'en peut mais, n'est-il pas plus logique d'agir au coude à coude pour résoudre les problèmes? Ce serait le moyen d'assumer dans de bonnes conditions les mutations sociales et culturelles de notre époque, non moins pressantes que celles de l'économie. D Différences - N° 30 - Janvier 1984 5 A l'embouchure du Maroni, la ville de St Laurent vit à l'ombre de son quartier officiel. Les hauts bâtiments coloniaux en brique, bois et tôle, construits en 1858 pour accueillir le bagne, abritent aujourd'hui des services administratifs. Des familles venues des communes de forêt ont élu domicile dans le «Camp de la transportation ». Entre la sous-préfecture et les canons surannés encore braqués sur l'ancienne Guyane hollandaise - le Surinam - un buste de Marianne fixe l' effigie de la reine Willemine plantée sur l'autre rive. La frontière : une passoire Alanguie par la chaleur et le colonianisme, écrasée par l'arrêt du cycle de l'or et la disparition du bagne en 1940, St Laurent accumule à présent les bidonvilles. Au bord de Maroni, le quartier "chinois" grouille d'une activité fébrile et transfrontalière. Jusqu'à la nuit tombante des pirogues bondées font la navette. Au poste de contrôle, un gendarme métropolitain, short et petite moustache, soupire : « Ce n'est plus une frontière, c'est une passoire ! » La forêt, les pluies, la fièvre jaune n'ont pas découragé les volontés migratoires. Des centaines d'Haïtiens entrent clandestinement en Guyane, acheminés en bateau jusqu'au Surinam avec la complicité de passeurs. A l'autre bout du pays, sur la côte est, des Htapouilles" (1) débarquent régulièrement des Brésiliens en mal de travail. Etonnant, ce quatre-vingtdix- septième département français, morceau d'Amazonie grand comme trois fois la Belgique, où vivent 73 000 Créoles, Indiens, Noirs marrons (2), Blancs et Asiatiques, tous Français, auxquels s'ajoutent 25 000 étrangers. Un puzzle ethnique impressionnant, né du mythe de l'or et de la volonté de conquête. Les premiers colons étaient fascinés par 1'« enfer vert » et St-Laurent du Maroni - Guyane française - DE FIL EN AIGUILLE ... F1ut-il craindre les réactions en chaîne? Le 20 mars 1967, Srnsky, un commerçant blanc lâche son chien sur un marchand de clous, infirme et noir, qui stationnait devant sa vitrine. Des témoins propagent la nouvelle à travers la ville. Srnsky, qui s'était déjà taillé une solide réputation après le renvoi « à coup de pieds aux fesses » de deux de ses employées (elles avaient refusé de servir des clients Blancs avant les Guadeloupéens) est pris à partie. Son magasin est mis à sac, puis incendié. Basse-Terre connaît alors trois jours d'émeute. La tension monte en Guadeloupe et deux mois plus tard, les ouvriers du bâtiment entrent en grève. Le 26 mai 1967: réunion paritaire à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Point-à-Pitre. Dehors, grévistes et CRS face à face, sur le mur une inscription: « Sale Nègre ». Une pierre vole, puis des dizaines. C'est affrontement violent. Les CRS tirent dans la foule et, toute la nuit, sur des isolés, sans sommation. Bilan : 45 morts. Le gouvernement en profite pour décapiter le GONG (Groupe d'organisation nationale de la Guadeloupe) principal mouvement autonomiste à l'époque. La répression, le procès des militants du GONG, tout se déroule dans la plus parfaite indifférence de la Métropole. 0 LES RENDEZ- VOUS DE, CAYENNE Haftlens, Brésiliens, Hmong ••. Ils ses prétendus trésors. Les nouveaux migrants sont à présent attirés par les salaires et le niveau de vie, les plus hauts de cette région du monde. Les immigrés en règle avec la loi, environ 15 000, représentent 26 "10 de la population, et de source officielle, on estime à 10 000 le nombre d'étrangers en situation irrégulière en Guyane. Doit-on encore une fois évoquer le sacro-saint seuil de tolérance ? Lesee m'ap n Dans un département où devenir fonctionnaire reste la panacée (outre la sécurité de l'emploi, cette situation présente l'avantage de salaires majorés de 40 %), les travaux "subalternes" ont vite été laissés aux mains des étrangers. Les immigrés constituent la majorité des ouvriers du bâtiment, la totalité des ouvriers agricoles, la quasi-totalité de la main d'oeuvre de la pêche artisanale et industrielle. 6 Si, dans l'ensemble, les Brésiliens sont payés au SMIC, il n'en va pas de même pour les Haïtiens, moins exigeants sur les salaires. Chassés parla misère et la dictature, les Haïtiens se sont expatriés en masse dans les pays du Bassin Caraïbe. En Guyane, comme ailleurs, ils sont considérés comme la lie de la société. « Ou ka pran mo pou oune m'ap !» (Tu me prends pour un Hai"tien), dit-on en créole pour répondre à une insulte. A Cayenne, la multiplication des bidonvilles, les difficultés sanitaires d'une partie de la population, et surtout la recrudescence des délits mineurs, leur sont attribuées. Dans une question écrite au ministre de l'Intérieur, le député Elie Castor (PSG, apparenté socialiste, proautonomiste) a récemment insisté sur « les difficultés que rencontrent les services de la police nationale, compte tenu de l'entrée massive des étrangers en Guyane, pour assurer le contrôle de l'immigration, lutter contre la criminalité qui se développe de plus en plus et assurer lq sécurité de la population. » Discours ambigu, s'il en est: rejet larvé d'une communauté, stratégie de l'amalgame, xénophobie. Coup de fusil Une banale querelle à la sortie d'un restaurant va réinstaurer en novembre dernier, un climat d'affrontements à Cayenne. Un coup de feu dans la nuit, et Robert Radjou, un marin-pêcheur marti ·niquais, s'écroule. Le tireur, patron du restaurant est réunionnais, mais Blanc. «Les témoins s'excitent, les pierres volent, la radio locale RTM J02, d'obédience PSG propage que « un Blanc a tué sans raisons un Nègre guyanais » rapporte l'hebdomadaire Information Caraibe. Des groupes s'en prennent alors à tous les Blancs qu'ils croisent dans la rue, mais aussi aux Noirs non-guyanais. affluent dans ce cc territoire français d'Amazonie »» Au petit matin le bilan sera depuis fort longtemps, et à jets d'implantation de lourd: 20 blessés, 27 maga- l'insu de tous. Hmong ont été stoppés. sins saccagés, des voitures Le sentiment d'hériter de tous incendiées. 1 es indésirables crée un juste « Les sentiments nationalistes sentiment d'amertume. Si à connotation raciale de ceux l'on s'en tient uniquement qui se sentent devenir minori- aux quatre dernières années, taires dans leur propre pays les Guyanais ont vu arriver, étaient assez évidents depuis en 1978 des familles de petits des mois », commente le colons réunionnais qui même hebdomadaire. Et · avaient dû quitter Madagasd'évoquer les événements de car, en 1980 des planteurs ruijuillet 1967 en Guadeloupe, nés, expulsés des Nouvelles qui avaient tourné à l'émeute Hébrides lors de l'indépenet déclenché une répression dance, et des paysans Hmong meurtrière. De même, l'année sortant des camps de réfugiés passée, le viol d'une jeune de Thailande. fille par deux Dominicains Suspects de par leur passé dans la banlieue de Point-à- politique (les Hmong ont été Pitre avait donné lieu à une chassés du Laos par les comtragique chasse à l'étranger. munistes du Pathet Lao, puis (3) ont collaboré avec l'armée Indésirables Comment expliquer que de tels réflexes se développent chez ceux-là même qui revendiquent le respect de leur identité? américaine pendant le conflit vietnamien), choyés, en terme de subventions et d'électoralisme, par Paul Dijoud, le secrétaire d'Etat aux DOM TOM d'alors, les premiers Hmong sont arrivés en Guyane en parias. Dans un pays où les clivages ethniques sont déjà fortement marqués (hiérarchiquement: les Blancs, les Créoles, les Asiatiques, les Noirs marrons et, tout en bas de l'échelle, les Indiens), ces nouveaux arrivants ne trouvent pas leur place. Chassés par des régimes progressistes, on pourrait penser les classer dans la catégorie des colons. En fait, ceux-ci sont pauvres. Donc, économiquement, ils n'apportent rien à la Guyane, ce qu'on ne manque pas de leur reprocher également. A Cayenne, les Chinois, qui contrôlent tout le commerce de détail, sont toujours tutoyés et nantis du surnom de "chin". On dit des Haïtiens qu' « ils sont pires que les Indiens ». marqué par les grandes puissances pour le Bassin Caraïbe, comme l'a prouvé l'invasion américaine de Grenade. Beaucoup d'étincelles: attention au feu ! 0 Véronique MORTAIGNE (1) Tapouilles: petits bâteaux de marchandise (2) Noirs ayant fuit l'esclavage pour fonder des communautés en forêt. (3) Voir Différences nO 18. L'article Scènes de chasse en Basse-Terre. A leur décharge, on pourrait évoquer la politique de peuplement menée en Guyane Le tollé a été général, et depuis mai 1981, tous les pro- A tous ces clivages, s'ajoutent le climat d'effercescence qui règne en ce moment en Martinique et en Guadeloupe, où fIes attentats se sont multipliés ~ ces derniers mois, et l'intérêt ~'------___ ----' _ -L.IJ Différences - N ° 30 - Janvier 1984 7 lE MBIS MARCHE OU TRÊVE Après le spectaculaire échange de prisonniers entre Israël et l'OLP. Le secrétaire général du PC israélien, M. Meir Vilner, déclare : «Cet accord, prouve qu'il est possible de parvenir à une compréhension pacifique entre Israël et l'OLP sur la base de la reconnaissance des intérêts de nos deux peuples ». (24 novembre). Un accord pour mettre fin aux combats qui se déroulent depuis le 3 novembre dans le Nord-Liban est officiellement annoncé à Damas par le prince Saoud El Faysal, ministre saoudien des Affaires étrangères et son homologue syrien Abdel Halim Khaddam. L'accord comporte quatre points qui doivent être mis en oeuvre dans un délai de quinze jours : 1) cessation immédiate des hostilités ; 2) retrait de toutes les forces combattantes palestiniennes de la région de Tripoli dans un délai de deux semaines; 3) un comité de coordination dirigé par l'ancien Premier ministre libanais Rachid Karamé, supervisera le retrait ; 4) les dissidents et la direction de l'OLP entameront un dialogue pacifique pour régler leurs désaccords. (26 novembre). Après un très violent duel d'artillerie entre le contingent américain de la force multinationale et des positions druzes surplombant la montagne, huit marines américains trouvent la mort. Une voiture piégée explose à Beyrouth faisant quatorze morts et quatrevingt- trois blessés. (6 décembre). L'ambassadeur du Koweit à Paris déclare : « La stabilité dans la région exige que les Etats-Unis reconsidèrent leur politique au Proche-Orient ». (6 décembre). De son côté l'ambassadeur de Syrie à Paris estime que les « récentes opérations militaires des contingents occidentaux au Liban constituent un dépassement de la mission de cette force ». (6 décembre). A Jérusalem, un attentat revendiqué par l'OLP cause la mort de quatre personnes et en blesse quarante-trois. (6 décembre). Le Premier ministre israélien, Ytzhak Shamir, affirme que « les auteurs de l'attentat ne resteront pas impunis» et que le gouvernement israélien s'oppose à ce que l'ONU aide à l'évacuation de Yasser Arafat et de ses hommes; le ministre de l'Energie, Ytzhak Modaii, demande même que l'Etat hébreu s'empare du chef de l'OLP et le traduise en justice. (7 décembre). 0 HAPPY BEUR DAY La Marche pour l'égalité et contre le racisme, dont l'idée fut lancée cet été par une dizaine de jeunes de la cité des Minguettes, quitte Marseille avec le soutien de la CIMADE, du MRAP, d'autres organisations, et de Françoise Gaspard. (15 octobre). « La France, c'est comme une mobylette. Pour avancer il faut du mélange », un slogan dans la marche (20 octobre) . «Je salue dans cette démarche non violente la plus belle riposte contre le racisme», déclare Mme Georgina Dufoix, secrétaire d'Etat à la Famille, à la Population et aux Travailleurs immigrés. (20 novembre). « Le message des immigrés est porteur d'espoir, parce qu'il asseoit les bases de cette société pluri-culturelle, qui se fait sous nos yeux et à laquelle nous n'avons qu'à gagner », déclare à Amiens Huguette Bouchardeau, secrétaire d'Etat à l'Environnement et à la Qualité de la vie. (28 novembre). Le MRAP dans un communiqué appelle à la manifestation finale de la Marche pour l'égalité: «Cette Marche répond aux exigences présentes de la lutte contre le racisme, en affirmant les droits légitimes des immigrés et de leurs enfants, en soulignant qu'ils sont partie intégrante de la société française d'aujourd'hui et de demain, pluri-ethnique et interculturelie. « Vivre ensemble avec nos différences est indispensable. 8 C'est la seule façon féconde de construire l'avenir commun ». (29 novembre). « Il faut essayer de culpabiliser le racisme, qui est un danger beaucoup plus immédiat en France qu'une renaissance du fascisme », déclare Alain Finkielkraut, écrivain. (30 novembre). « Le problème de la double identité me passionne» déclare Edgar Morin, sociologue. (30 novembre). « Il est du devoir des hom-. mes publics de ne jamais rien dire, de ne jamais rien faire qui puisse favoriser des attitudes de xénophobie, de racisme, d'antisémitisme, car nous connaissons tous les maux que peuvent engendrer de telles dérives », déclare Pierre Mauroy à Lille, en inaugurant le Centre communautaire juif de la métropole nordique. (27 novembre). « Si on ne les entend pas, ce sera la bestialité et la barbarie, la guerre civile, l'émeute et le sang, car le cap du racisme routinier a été franchi, » déclare Bernard-Henry Lévy. (30 novembre). Le cardinal L ustinger rejoint la troupe des marcheurs à Auvers-sur-Oise et déclare qu'il faut« vivre dans la paix nos différences ». (ler décembre). Les quatre partis de la majorité (PS, PCF, MRG, PSU), réunis au siège du PSU, estiment que cette Marche « constitue une réponse à la montée du racisme sensible dans certains secteurs de l'opinion et qui s'est traduit par de nombreuses agressions racistes et par la tonalité xénophobe donnée par certains partis de droite à la campagne des municipales ». Ils concluent : « La gauche toute entière soutient pleinement cette initiative qui s'inscrit dans ses idéaux et s'accorde avec ses perspectives d'une société plus libre, plus égalitaire, plus fraternelle». (ler décembre). « Notre but était de sortir de chez nous, de quitter pour quelque temps les Minguettes. En nous mettant «en marche » en parcourant les routes, les départements, on voulait créer une étincelle, allumer le front de l'antiracisme. En finir avec le ghetto des cités de transit », déclare Bouzid, l'un de la Marche. (1er décembre). Et Farid de constater: « Ce sont toutes ces personnalités qui sont venues nous voir et non pas nous qui avons fait la queue devant les ministères pour avoir leur soutien ». (ler décembre). «Récupérés, nous? C'est plutôt l'inverse qui se passe» remarque Christian Delorme, le prêtre de la Marche (1er décembre). Le final parisien de la Marche, de la Bastille à Montparnasse couronne à coups de « you-you » stridents une initiative amorcée dans une indifférence quasi-générale, et rassemble près de 100.000 personnes. (3 décembre) 0 AU PAYS DE L'APARTHEID M. Allister Sparks, correspondant en Afrique du Sud de l'Observer et du Washington Post, annonce qu'il est inculpé de violation des lois sur la censure, pour avoir cité Winnie Mandela, épouse du dirigeant du Congrès National Africain (ANC) , emprisonné à vie. Mme Mandela fait l'objet d'une mesure de « bannissement », qui interdit notamment toute référence dans la presse sudafricaine aux personnes qui en sont frappées. M. Sparks est passible d'une peine de trois ans d'emprisonnement. Ce journaliste est également accusé d'avoir publié « de fausses informations» sur la politique sud-africaine, à partir de renseignements émanant d'une organisation politique noire à Washington selon lesquels les forces de l'ordre auraient constitué un « escadron de la mort » pour éliminer des personnalités de l'ANC. (22 novembre). M. Harvey Tison, rédacteur en chef du Star de Johannesburg, est inculpé lui aussi aux termes de la Loi sur la sécurité intérieure, pour un article citant M. Olivier Tambo, président du Congrès National Africain (ANC). (30 novembre). Les Noirs et les Blancs seront imposés de la même 3 décembre: Les Beurs sont dans Paris façon à partir de l'année prochaine, annonce à Pretoria le responsable national sudafricain des Contributions directes. Dans un communiqué, M. Mickey Van der Walt déclare que le régime fiscal actuel appliqué à la population noire serait abandonné en 1984 en faveur d'un système unique et paritaire, fondé sur «l'équité» pour tous les groupes raciaux. (1er décembre). Près de trois cents familles noires vivent sous la menace d'une déportation après l'expiration d'un ultimatum des autorités leur ordonnant d'évacuer leur village de Mogopa (Transvaal), dont leurs ancêtres avaient acheté les terres en 1911. Aux termes d'une loi adoptée en 1913, Mogopa forme une «tâche noire» interdite sur un territoire où les Noirs n'ont pas accès à la propriété foncière. (30 novembre). . BARBARIES Deux jeunes Maghrébins, âgés de 19 et 20 ans, sont frappés à coups de poings, de gourdins et de barres de fer à la sortie d'un bal à Butten (Bas-Rhin). Les quatre auteurs, dont deux mineurs, sont écroués à Strasbourg. (15 novembre). Différences· N° 30 . Janvier 1984 Quatre candidats à la Légion étrangère, Enselmo El Viro-Vidal, 22 ans, Marc Beani, 20 ans, Xavier Blondel 24 ans et Alain Kerbiriou, 21 ans, s'en prennent à Habib Grimzi, passager maghrébin du train de nuit BordeauxVintimille. Après l'avoir lynché, deux d'entre eux le jettent par la portière. Il en est mort. (16 novembre). Dans un communiqué, le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) précise que: « Lourde est la responsabilité de ceux qui, depuis des mois, à des fins politiques, s'emploient systématiquement à susciter l'hostilité contre les immigrés .- le mensonge et la haine ne peuvent que conduire à la violence meurtrière ». Il demande des sanctions exemplaires contre les criminels. Il demande que la loi de 1972 soit renforcée pour permettre l'intervention des associations antiracistes dans la défense des victimes. Français et immigrés de diverses origines doivent aujourd'hui cohabiter dans la paix, agir ensemble pour le bien commun. C'est à cette fin que le MRAP soutient la Marche pour l'Egalité qui arrivera à Paris le 3 décembre, et qu'il organise des Assises nationales sur le thème 9 « Vivre ensemble avec nos différences ». (16 novembre). Un douanier âgé de 37 ans, M. Jean Aubert, tue un jeune Algérien, supposé passager clandestin, alors qu'il tentait de quitter un paquebot amarré au poste 88 du port de la Joliette, à Marseille. (22 novembre). Un adolescent âgé de dixsept ans, Abdelhamid Benadi, meurt aux Minguettes quelques heures après avoir été atteint d'un coup de fusil de chasse dans le dos. Il s'agit, semble-t-il, d'un accident. (22 novembre). Un incendie, d'origine criminelle, détruit ep partie un café maghrébin d' AsnièreS' ainsi que l'appartement du propriétaire. Peu de temps après le début de l'incendie, un coup de téléphone revendiquant l'action parvenait au commissariat de police de la ville, indiquant: « Ici l'association Charles Martel, on vient de Jizirf! la démonstration de ce qu'on est capable de faire avec les Bougnouls de la place Voltaire». (24 novembre). 0 NI NOIR, NI ARABE Dans le 14" arrondissement, dans un immeuble appartenant à M. Pelegrin, un appartement est en vente. Un ressortissant malien, M. Bocar Thiam, fonctionnaire international en poste à Washington, est intéressé par cette vente. Le propriétaire, soucieux « de préserver la notoriété de son immeuble », signale au gérant de l'agence chargée de cette vente « qu'il ne voulait ni d'un Noir, ni d'un Arabe ». M. Thiam a porté plainte pour refus de vente d'un bien à une personne en raison de ses origines raciales. La 17" chambre correctionnelle de Paris a condamné le propriétaire à une amende de 2.000 F et à verser à la victime 5.000 F de dommages et intérêts. (30 novembre). Le 28 mai 1981, deux videurs d'une boîte de nuit à Sisteron étaient partis « tirer dans le tas de Maghrébins» dans le quartier Beaulieu. Dans cette expédition, quatre personnes furent grièvement blessées, qui portèrent plainte. Le tribunal correctionnel de Digne reconnaît les deux inculpés coupables du délit de coups et blessures avec armes et les condamne à 3 ans de prison, dont une avec sursis. Il reçoit d'autre part la constitution de partie civile du MRAP. (22 septembre.). JCTUEl - Pour l'égalité, contre le racisme - Attention à la Marche C'était hier ... JuChé sur un abri de bus, un grand Noir regarde fixement le cortège comme pour se persuader qu'il ne rêve pas. Une femme arabe entre deux âges rit et pleure à la fois. L'émotion vibre à chaque pas. A Montparnasse, un des marcheurs dira : « Je croyais les non-racistes morts et ils sont revenus à la vie. Moimême je me sens revenir d'une longue maladie. » Ils sont une poignée à Marseille, le 15 octobre. Ils partent «pour ne pas craquer, pour ne pas ramper ». C'est la Marche de la dernière chance. Encouragés tout au long du chemin, ils finissent en apothéose à Paris, accueillis par 70.000 personnes, peut-être plus : leur Marche devient celle de toutes les chances. Il n'est pas trop fort de dire que ce jour-là, le sens de l'histoire a tourné. Leur histoire et la France de toutes les couleurs. Dès le lendemain, le quotidien reprenait ses droits. Pourtant rien ne sera plus comme avant. o Q Z

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...: - ::.: la nôtre. Quiconque était avec eux le 3 décembre ne pourra jamais oublier. Une force humaine immense et chaleureuse se dégageait de ces milliers d'hommes et de femmes, jeunes ou. vieux, français ou immigrés, qui marchaient ensemble. Aucune banderole politique, aucune étiquette, rien que des êtres humains pour une fois unis dans et par lIeurs différences. Toumi salue ~ Au soir du 3 décembre, un message fut lancé : « Demain démarre la seconde Marche vers une société qui propose l'espérance aux différences. La route sera longue. » Mais la dynamique est créée et les jeunes immigrés ne se laisseront plus faire. Ils ne se sentent plus seuls car les Français non-racistes sont sortis de l'ombre et ont peut-être enfin compris que le respect de leur propre existence passait par la défense de celle des "beurs". Partout des collectifs, des comités pour l'égalité sont en train de naître, sans violence et sans haine. « Le silence est mort », la Marche l'a tué. Et la solidarité françaisimmigrés n'est déjà plus un simple slogan. «Nous sommes présents aujourd'hui et surtout pour l'avenir ». La Marche était aussi impossible à arrêter que le cours du temps. Elle puisait sa force dans le fait d'être partie liée au futur. La récente montée du racisme apparaît de plus en plus 10 comme l'ultime sursaut contre ce qui sera, ce qui est déjà : une société pluriculturelIe dont nous avons du mal à mesurer la richesse. La confiance Un des marcheurs a dit: «Aujourd'hui, je reprends confiance en moi. Nous devons tous avoir confiance en nous, la lutte contre le racisme passe par là. »Farid, Djamel, Malika et les autres ont pris conscience de leur force, de leur capacité d'agir à travers la non-violence et le dialogue. Et Christian - un des créateurs de la Marche - Patrick et tous les Français qui étaient présents se sont prouvés qu'ils pouvaient lutter activement contre le monstre-racisme et, qu'avec les immigrés, ils sauraient l'écraser. «Notre main est tendue vers vous, ne la laissez pas sefatiguer. » 0 Anne SIZAIRE - Jeunes issus de l'immigration- En allant , a l'expo ... C'est demain, à Beaubourg. Alors, 1984, l'année beur? Ouvrir un espace tel que le Centre Georges Pompidou à l'expression des Enfants de l'immigration semble tenir d'une gageure en ces temps troublés. C'est cependant le défi qu'a relevé l'équipe animée par Josée Chapelle, organisatrice de cette exposition qui se tiendra du 17 janvier au 23 avril 1984. « Je veux insister sur le fait que c'est à la fois une exposition et un lieu d'animation. Nous avons voulu une mise en contact directe, au plus proche de la parole des jeunes euxmêmes » affirme-t-elle. Personne en effet ne parlera à leur place. Des représentants de la deuxième génération, des enfants des cités qui revendi- Différences - N° 30 - Janvier 1984 quent leur identité et recréent une culture sont présents pour parler : « La société française est mu/ticulture//e et ces jeunes sont là pour le prouver» poursuit Josée Chapelle, « il y a un fossé entre cette réalité des faits et l'idée que les gens s'en font; c'est ce vide que nous avons voulu combler. Nous avons construit un espace d'expression, un lieu scénique ». Cette expo pas comme les autres l'est à plus d'un titre. Guy Jacquet, metteur en scène et concepteur, a imaginé une structuration de l'espace qui symbolise l'histoire, l'ima-ginaire et l'actualité des jeunes issus de l'immigration. « Le point de départ est un couloir, l'espace de l'arrachement, où l'on marche en suivant le pourquoi, l'historique des parents» explique Guy Jacquet. « Puis l'espace II, le creuset, est celui de l'expression, de la mise en place des matériaux que les jeunes nous amènent, peintures, sculptures, photos, vidéos» ajoute-t-il. Cet espace est un ensemble de cellules et d'alvéoles qui s'organise autour d'un «espace scénique» où ont lieu des animations (1). Danse, théâtre, musique, poésie, débats permettent ce contact direct entre les jeunes et le public, en rapport avec les thèmes proposés dans les cellules et constituent «une expo qui s'abolit en quelques secondes et donne la place au spectacle» précise Guy Jacquet. Le vécu des enfants d'immigrés en France est intégré à cette réflexion sur l'espace: les ZUP, espace subi par ces jeunes, les cités de transit où se reconstitue une vie communautaire, «espace concédé» par la société, puis l'opposition « dedans-dehors » entre leur culture (famille, langue, ghetto) et la culture dominante à l'école et dans la ville sont présentés là. Mais le "creuset" que montre la deuxième partie de l'expo intègre également les « espaces créés» par les enfants d'immigrés: ceux où ils jouent dans les cités, ceux qu'ils imaginent, comme le pays de leurs origines ou l'Amérique. C'est ainsi que Farida Belghoul a filmé le retour de son père en Algérie, regard d'une jeune fille sur l'itinéraire de son père, travailleur immigré en France depuis de longues années. C'est ainsi que, à Argenteuil, des jeunes Maghrébins s'appropriant les rêves du «modèle américain» ont monté un fast-food: California Burg. « On nous dit souvent «fast-food de métèques » ou « ça vous fait quoi d'être patron à 20 ans? ». Mais notre but c'est de montrer qu'il y a des possibilités de cohabitation et que l'union fait la force» affirme avec conviction Nordine, l'un des 54 actionnaires de cette entre- 11 prise autogérée qui emploie aujourd'hui quatorze salariés, ex-jeunes chômeurs de la cité de Bezons. « Nous avions des problèmes de jeunes, donc de fric, et nous avons décidé de donner du boulot à notre motivation pour réussir » ajoute Nordine. Un discours que l'on n'a pas l'habitude d'entendre, pour le moins étonnant ! Réseaux Car, comme le montre l'espace III de l'expo, celui de la "construction", ces jeunes prennent en charge leur devenir et se regroupent en associations, dans des radios locales et dans la presse. L'agence Im'média (2), qui a réalisé environ 40 % des photos de l'expo est «une société de réalisation multimédia, un réseau d'information et de diffusion de l'information, du quotidien qui n'apparaît pas dans la grande presse » explique Paulo Moreira, photographe à lm 'média. « Nous refusons le spectaculaire, nous donnons un regard de l'intérieur puisque nous avons des correspondants dans les banlieues, les cités, aux endroits où l'immigration est la plus vivante et nous sommes également issus de là, de ces réseaux associatifs », conclue-t-il. Im'média, tout comme d'autres associations «d'enfants de l'immigration », est présente dans l'espace III qui interroge la société française sur la place qu'elle entend leur laisser. Et une dernière photo, saisissante, clôt l'exposition. On voit un peintre en bâtiment repasser en blanc, sur ordre de l'office HLM, une fresque peinte par un ouvrier marocain dans la cave d'une cité de Mantes-La-Jolie. La peinture recouvre le paysage mental alors que par le soupirail se profilent des motos, des voitures... 0 Sophie SORIA ·(1) Tous les jours à 15 h et à 19 h. (2) Agence Im'média, cio Média Soleil, 23, rue des Cendriers, 75020 Paris, publie un seize pages sur la Marche pour l'égalité. BANQUE PARISIENNE DE CREDIT une banque à dimension humaine SIEGE SOCIAL 56, RUE DE CHATEAUDUN 75009 - PARIS TEL. 280.68.68 GROUPECdF CIIABBONJIJlGES DE FRANCE 9, AVENUE PERCIER 75008 PARIS · TEL (1 ) 563 11,20 12 CRÉATIONS EXCLUSIVES GOTTEX HENRI DANIEL VILLE PLAGE COCKTAIL SOIR GOTTEX, la « Rolls » du maillot de bain. Vente en gros et renseignements au: 25. BD POISSONNleRE • PARIS·2° • TeL. 236-52·53 , . ---_._-_._ .. _- , \ .( tricosim J -, . . ... SocI0tc .l nollyrl h ' ; IU C,q)lldl d t' ~J~)U non 1r111lCS 41 RUE DU SENTIER PARIS 2" TELEPHONE 233 8243 / CCP PARIS 7456 42 ~~ ~Jy;:9 PRÊT A PORTER FÉMININ ~ ~8,~UE D'ABOUKIR @)

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Aucun préjugé non plus, certainement, ces habitants d'une autre commune de la même région (mais de l'autre côté de la capitale) qui protestaient avec vigueur contre l'installation d'un terrain dans leur voisinage, si bien que le Maire a dû ecnre: « J'ai honte de voir comment nous traitons les Gens du voyage ... ». Séculaire, multiséculaire, ce rejet des Tsiganes et autres Gens du voyage est aussi ancien que l'irruption de ces « nomades» dans notre société sédentaire. Racisme? Oui, sans doute, mais complexe (au fait, quel racisme est simple ?) et avec ses notes spécifiques. Ellquelés L'immense majorité des Tsiganes et Gens du voyage sont français. Le fameux carnet anthropométrique de 1912, qui en faisait des gens à part, dûment fichés et étiquetés, au sein de la nation, ne les mettait pas à part pour le don du sang à la patrie. Autant ou plus que l'ethnie, ce que la société dominante, bâtie sur la vie sédentaire, rejette, ce sont des traditions issues du monde du voyage et qui perdurent chez les Voyageurs sédentarisés - car elles sont leur identité, leur patrimoine. Le rejet ancestral a double racine: dans l 'Histoire, les Tsiganes - ou, comme on dit souvent, en généralisant l'appellation Diff~nces- N° 30 ' ,Janvier 1984 Belles caravanes el Mercédes. Mais que fonl-Ils ? d'une ethnie : les Gitans - furent pourchassés de ville en ville et de frontière en frontière, à la fois comme étrangers - étrangers et comme vagabonds - inquiétants. Mais de quoi vivent-ils? Une interrogation qui fuse, quand l'observateur du dehors voit stationner « de belles caravanes et des Mercédès ». A vrai dire, des Mercédès, du moins des neuves, je n'en ai pas vu beaucoup.. . Faut-il rappeler qu'une caravane de sept mètres, demeure permanente d'une famille souvent nombreuse, ne peut se tracter qu'avec un camion ou une forte cylindrée. Et l'on doit ajouter que la caravane, payée à tempérament, représente un loyer que ne compense aucune allocation. En revanche, quand on rencontre encore des vieilles roulottes à cheval, on crie à la misère et à la saleté ! La vérité c'est qu'il y a chez les Gens du voyage d'importantes différences de niveau de vie, mais 13 que pour la grande majorité, l'existence quotidienne est dure: on «survit ». Les métiers traditionnels relevant de l'artisanat, et souvent de l'artisanat ambulant, subissent le contre-coup de l'industrialisation, et la reconversion n'est pas aisée: restent les chaudronniers - si célèbres jadis qu'une tribu rom en a pris le nom, les Kalderash à Vannerie, rempaillage sont encore pratiqués. La «chine », vente au porte-à-porte, se heure aux règlementations sur le démarchage à domicile. Un bon nombre sont vendeurs sur les marchés. C'est ainsi que se sont reconvertis bon nombre de gens du cirque - circasiens - non sans garder la nostalgie de leur art. Sans prétendre être exhaustifs dans l'énumération des métiers, n'omettons pas les saisonniers à la campagne, et ceux qui, sédentarisés, ont un emploi «comme tout le monde » ... Dans toutes les sociétés rurales, les nomades se sont toujours heurtés aux terriens, très attachés à la propriété privée. Toutefois, dans l ' ancienne France, les « Bohémiens» n'étaient pas, de loin, les bandes les plus dangereuses ; et quand, du vol de volailles, on passe au vol d'enfants (comme si les familles tziganes n'avaient pas assez d'enfants !) il y faut l'imagination des romanciers et des mélodramaturges. Les nomades Tenons-nous à l'accusation actuelle de délinquance : il en est de la délinquance « gitane» comme de la délinquance « bronzée ». Taxerat- on de pédantisme la citation d'un rapport officiel? Il s'agit du rapport Menga sur la protection de la jeunesse, qui consacre quatre pages aux Tziganes. Il conclut à la nécessité: «d'obtenir une évolution positive de l'image que se fait l'opinion publique des nomades en général, et notamment rétablir les vérités les concernant, à savoir que seul un petit nombre se livre à la délinquance ». Le rapport va plus loin, lorsqu'il remonte aux causes: «II s'agit d'un problème ancien, à vrai dire vieux de cinq siècles, lié à la non-reconnaissance par les pouvoirs publics d'une identité culturelle propre aux Tsiganes ». Et c'est le rappel du fer rouge, des galères et de la pendaison. La non-reconnaissance d'un groupe humain par les lois et par l'opinion, le refus d'identité entraînent la marginalisation. Les lois sont une chose. L'opinion publique est sans doute plus lourde encore. J.B. BARY IiRDS PLAN , - Français d'Algérie - LES A PATRIES Famille Makouche à Kouba (Alger) A mon approche, les enfants s'arrêtent de frapper dans le ballon. C'est visible, je les dérange. Ils sont chez eux, dans leur quartier, un quartier du vieil Alger. A Kouba, plus précisément. Connaissent-ils la famille Chiche? Tous en coeur répondent: « Oui, oui c'est la Roumi, elle habite au sixième étage! ». Sur ce qui semblait être un immeuble bourgeois d'époque, il ne reste plus que des vestiges. Au dernier étage, au fond du couloir, l'appartement de Madame Chiche. Au coup de sonnette insistant, des pas trainants s'approchent de la porte. Je l'imagine aisément me dévisager à travers le judas. «Je suis journaliste français, je suis venu faire un reportage sur les français d'Algérie ». La porte s'ouvre sur un visage ridé, ratatiné, cependant souriant et aimable. On se retrouve projeté vingt ans, trente ans en arrière, tant la fidélité du décor est exacte. Un vieux poste TSF trône au milieu du salon alors que l'électrophone susurre une chanson de Charles Trénet, Sur les quais de la Seine. Au mur, des affiches de publicité vantent le mérite d'une crème adoucissante dont la marque n'existe plus depuis longtemps. La blancheur de Tide est contestée aujourd'hui par des marques encore plus agressives. Quant à la lotion Bianco, on sait depuis longtemps qu'elle n'a jamais fait repousser les cheveux sur les têtes dégarnies. La photo de De Gaulle voisine avec la photo cadrée de son fils légionnaire à Sidi-Bel-Abbès. Tout y est, jusque dans le verre d'anisette qu'elle me sert accompagné des sempiternelles olives vertes. Français deuxième génération Elle est très accueillante Madame Chiche. Elle a cette générosité des gens du Sud avec des étrangers. Elle m'explique qu'elle ne sort plus, qu'elle est trop vieille pour descendre les étages. Alors les enfants de l'immeuble viennent la voir et lui font ses courses. « Jamais je n'ai eu de problèmes avec eux », me ditelle. Et comme pour marquer le coup, elle appelle la petite fille de la voisine et lui donne un morceau de chocolat: « chokrane » (merci), dit l'enfant en se jetant sur ses genoux. 14 Que faut-il comprendre par là ? Eux qui disent, dès le départ, qu'ils ne font pas de politique, se mettent à parler de leurs problèmes dès qu'ils se sentent à l'aise dans leurs rapports avec administration algérienne, avec les « indigènes », comme ils les appellent toujours ici. « Bien sûr ils sont très gentils, mais ce n'est plus comme avant ». En me racontant son enfance à Bab-El-Oued, elle écrase une larme sur son visage ridé. Elle a rencoritré son mari à un bal musette de Saint-Eugène. Les promenades le long du littoral, les week-ends à Moretti, le mariage en 1926, et le marché noir pendant la guerre mondiale. Tout y passe, jusque dans le moindre détail. Dans l'immeuble se trouvaient un docteur, une coiffeuse, un épicier, même une religieuse. Une vraie ville, « vous vous rendez compte, Monsieur»! On ne s'ennuyait jamais. Bien sûr; maintenant, il y a Marcel, son fils de quarante-huit ans qui vient la voir de temps en temps. Il est français, comme elle. Mais français de deuxième génération. C'est-à-dire tous ceux qui ont eu entre zéro et vingt ans au moment de l'indépendance. Comme leurs parents, ils sont résidents permanents en Algérie. Ils ont des cartes de séjour valables dix années, renouvelables automatiquement. Marcel a réussi. Il a une entreprise de menuiserie et fait travailler quatre Algériens. Son travail prospère, « on ne nous crée pas d'ennuis, mais on est assommé par les impôts ». Ce qui ne l'empêche pas d'avoir deux petits bateaux et une résidence à Tichy sur le littoral kabyle. Prendre le bateau ? Impossible Comme les Chiche, il y en a des milliers répartis dans toute l'Algérie. Madame Marco, à Bab-Bel-Oued, m'a raconté qu'en 1962, des voisins étaient venus lui dire de partir avec eux, que la guerre était finie et que les Algériens leur feraient du mal s'ils restaient. Elle a fait tous ses bagages. Et puis, subitement elle a quitté le bateau où elle les avait chargés pour revenir sur cette terre où elle était née. En rentrant chez elle, elle a trouvé sa maison occupée par une famille algérienne. Elle a été récupérée, puis relogée, par les soeurs de NotreDame d'Afrique. C'est ainsi que dix mille pieds-noirs sont restés. Regroupées dans les grands centres urbains comme Alger, Oran ou Différ,ences - N° 30 - Janvier 1984 Annaba ils vivent difficilement à l'exception des quelques propriétaires restant. Par amour pour ce pays, son soleil, ces Français d'Algérie, comme ils aiment à la rappeler, ne se sentent pas du tout concernés par la métropole, mais plutôt abandonnés. Dans son plus bel accent de Bab-BelOued, « Roger le pêcheur» comme on l'appelle ici me disait « qu'en cinquante ans d'existence, j'ai été une seule fois en France, et c'est en 1942, pour faire la guerre à l'Allemagne, et depuis, je n'ai jamais quitté ce quartier, alors qu'on ne vienne pas me parler de Paris et de son métro ». Et pourtant dans ce pays où sont enterrés leurs parents et grands-parents, rien n'est comme avant. Les rues où ils aimaient tant s'exhiber et qui s'appelaient rue d'Isly, rue Charras, ou boulevard Bru ont pris les noms des martyrs morts pour l'indépendance. L'Algérie musulmane interdit la vente et la production de charcuterie, ça leur manque. Leur moyenne d'âge est de 77 ans. Impossible donc d'entreprendre quoi que ce soit au plan professionnel, dans un pays dont la croissance démographique est une des plus importantes du monde. Alors, pour vivre, ils reçoivent 15 un subside du consulat qui leur permet à peine de subvenir à leurs besoins. Créé sous le gouvernement Barre, le Fonds provisoire de secours permet de répondre difficilement aux besoins sans cesse croissants des personnes âgées. Subventionnés par les ambassades, des bénévoles et par des cotisations, son budget de fonctionnement s'élève à peine à 54000 F. A ce jour deux cents cinquante quatre personnes sont secourues régulièrement par ce fonds. A cela s'ajoute l'aide du service social qui dépend du ministère de la Solidarité nationale qui alloue une pension dite minimum vieillesse. La tête de la Toussaint L'entretien des cimetières, qui revient aux familles aidées par une association, In Memoriam, pose quelques problèmes. Pourtant, à la fête de la Toussaint, ceux d'Alger sont nettoyés pour la cérémonie religieuse qui se déroule au cimetière de Bologhine. Autour de Monseigneur Duval, archevêque d'Alger ou de son coadjuteur, l'évêque Teissier, le corps diplomatique présent à Alger se regroupe puis se rend au cimetière israélite où il retrouve M. Serror grand rabbin d'Alger pour la commémoration de tous les fidèles défunts. Le problème le plus important est le problème des 587 propriétaires présents encore en Algérie, et des 398 467 000 F que représentent la valeur de leurs biens. 89 % d'entre eux ont plus de 75 ans. Certains désirent vendre et venir en France finir leur vie. Mais voilà, la législation algérienne en matière de vente et de succession n'est pas aussi simple que ça. Depuis mars 1981 une loi autorise la vente des biens et la liberté des transactions immobilières au profit des personnes physiques résidant en Algérie. Elle est progressivement mise en place. Mais à ce jour, aucun transfert de fonds n'a été encore enregistré. Quant à la succession, l'Etat algérien réclame, comme souvent, un droit très important et certains successeurs se retrouvent dans l'impossibilité de régler la taxe. Donc ils abandonnent les biens, qui deviennent vacants et reviennent à l'Etat. Cependant, les personnes dépossédées avant le 15 juillet 1970 ont été indemnisées par le Gouvernement français. Lors de mon passage, les autres attendaient avec impatience les résultats de là visite du Président Chadli en France. Malgré ces problèmes, cette propriétaire de la rue d'Isly me disait: «Si vous plantez un palmier, une fois que ses racines ont pris, si vous le déplantez, il meurt ». D AmarHADJIH .... .::::;;-.. milliers visiteurs D'après un récent sondage, 60% des'Français teraient visiter une centrale nucléaire. Mois sent que ce souhait n'est pas réalisable. Or centrales nucléaires, en construction ou en ~Qr\lIr'", font l'objet de visites organisées par EDF. En 1982, ont accueilli plus de 300000 personnes, professionnels, enseignants, étudiants et lycéens, .. ELECTRICITE DE FRANCE lFKER-PARIS 24 RUE DES PETITES·ECURIES 75010 PARIS TÉl. 24713 ~4 IFKER -MARSEILLE 5 RUE GABRIEL·MARIE 13010 MARSEILLE TËL 1411 ï ~ 02 5~ IFKER-NANfES Il RUE DE STRASBOURG 44000 NANTES TÉL (40147 lb 411 IFKER-LYON 110 RUE D~GUESCLIN 69006 LYON TÉL (7) ~52 60 04 IFKER-BORDEAUX 65 RUE IUDAlQUE 33000 BORDEAUX TÉL (56) 96 7~ 61 STEFANY prêt à porter féminin 193, Faubourg Poissonnière, 75009 rARIS Tél. : 526.34.64 Métro: Barbès·Roch.chouer' 16 ENCDNTR .. - Ecrire, disent-ils - f!l!ri\1ain ',.publie .' ~~ ,~- LES , MEDECINS DE LAPLUME Les écrivains publics ~ n'aident pas '---....:....:'--'--'-'-_"--___________ ---'::; que les Illettrés E crivain public : celui qui rédigeait les écritures des autres, dit le dictionnaire. Ça peut se conjuguer au présent: l'officielle Académie des écrivains publics, après trois ans d'existence, compte cent membres. Plusieurs centaines de postulants attendent son agrément pour s'installer et, si l'on considère les «francs-tireurs» (aucun statut ne régit encore la profession (1», ils sont plus d'un millier à exercer en France. Pourquoi? Pour qui? « En 1979, nous étions deux ou trois, explique Huguette Spitz, présidente de l'Académie; on nous considérait avec ironie: «Tout le monde sait lire et écrire ». Notre fonction a disparu avec les lois de Jules Ferry,. mais le besoin était resté. On s'adressait au curé ou à l'instituteur, qui n'avaient pas forcément les qualités de rédacteur ou de discrétion requises. Un écrivain public, ce ne doit être qu'une plume,. mais avant, il y a un temps d'écoute, très important: il permet de garder, dans le travail qui nous est soumis, la façon de s'exprimer propre au client ». Attention aux idées reçues ! Ce dernier ne se recrute pas seulement, loin de là, parmi les immigrés. Bien sûr, ceux-ci n'hésitent pas à consulter: « Il s'agit de problèmes de cartes de séjour, d'entrées en France au titre du regroupement familial, voire de clandestins, raconte Myriam Chatet, dont le cabinet, moderne et accueillant, a pignon sur rue Différences - N° 30 - Janvier 1984 près de la gare du Nord ; pour ces derniers notre rôle se borne à consulter les textes et la réglementation, C'est déjà beaucoup, .. » M ais, dans paradoxalement, un pays qUI compte - aux dires de Libération - deux millions d'analphabètes, ce ne sont pas les illettrés - ni les "étrangers" - qui constituent le gros des demandeurs « d'oreille et de plume» (symbole de l'Académie). «J'ai absolument toutes les couches sociales de la population dans ma clientèle », dit Myriam Chatet. Et, de fait, nous verrons pendant notre visite un homme d'affaires international venir lui confier un télex urgent pour une de ses usines africaines. Et le compteur du taxi, devant le cabinet à la devanture métallique, de ronronner: time is money ... Un télex? Chez un écrivain public? «Nous sommes dans une période de grande spécialisation, reprend notre interlocutrice; et, à force, on en vient à perdre les généralités. Le téléphone, les média nouveaux (radio, télévision, photo instantanée), sont, pour une bonne part, créateurs des besoins de notre clientèle », répond en écho Huguette Spitz. Aussi le "fond" du travail est-il amené par des personnes, affairées, qui n'hésitent pas à utiliser les services de l'écrivain public comme ceux d'un spécialiste - ès écriture - au même titre que ceux d'un 17 comptable. D'où le télex chez Myriam Chatet. Ou bien, par des personnes pour qui le temps n'est qu'un stigmate, cruel, de leur difficulté à s'exprimer scripturairement. Tous ceux qui sont bien en peine d'envoyer au fonctionnaire qui refuse d'écouter leurs doléances orales, la lettre qui fera avancer leurs problèmes administratifs, financiers - professionnels . L a demande dépasse « roffre ». Tous les écrivains publics interviewés sont unanimes. Il serait temps de s'interroger sur les raisons et, surtout, sur les remèdes à apporter à l'acculturation rédactionnelle, d'une part grandissante de notre société, pour qui l'écriture est synonyme d'handicap. Et si, de l'aveu des professionnels, on ne cache plus ses visites chez l'écrivain public, doit-on se réjouir de voir progresser un métier qui, majoritairement, pallie un manque fondamental dans l'expression? La conclusion appartient à Huguette Spitz: «L'écrivain public pourrait aider les gens à s'épanouir, à écrire des choses qui leur seraient propres,. car il ne faut pas faire des gens des assistés ». Jean BARTOLI (1) Le ministère de la Communication avoue ne pas connaître la profession! C'est le ministère de la Culture qui devrait statufier prochainement sur ce problème.

Se développe alors une immense diaspora de la misère qui conduit, vague après vague, les Coréens ruinés, affamés, vers la Mandchourie (sous protectorat japonais en 1932) et le reste de la Chine, vers la Sibérie, le Sud-Pacifique et le Japon luimême. Les chroniques relatent l'arrivée de ces migrants venus spontanément ou recrutés par les agents des entreprises, sans logement ni ressources, tentant de retrouver des parents ou des habitants de leur village, errant avec leur nombreuse famille à la recherche d'un gagne-pain. Certains repartent. A partir de 1926, trois mille Coréens par jour passent le détroit dans un sens ou dans l'autre. Ils se construisent des baraques où ils peuvent, s'abritent parfois dans des cimetières abandonnés; leurs ghettos s'entremêlent avec ceux des Burakumin. Comme eux, on les voue aux travaux les plus durs, les plus mal payés dans les mines de charbon, les industries textiles, chimiques et métallurgiques. A la misère, s'ajoute l'assimilation forcée: ils doivent changer de nom, parler japonais, renier leur culture et leur histoire, prêter serment d'allégeance à l'Empereur. Des révoltes éclatent en Corée contre les occupants. Au Japon, les Coréens s'organisent pour obtenir une vie plus décente, des salaires égaux à ceux des Japonais. Ils dynamisent la vie 20 syndicale, adhèrent au Parti communiste naissant. Le pouvoir s'emploie à susciter contre eux méfiance et hostilité. En septembre 1923, un tremblement de terre dévaste les régions de Tokyo et du Kanto. Les Coréens qui fuient, comme tout le monde, sont accusés de profiter de la panique pour faire la révolution, d'empoisonner l'eau potable, de menacer la population japonaise. Tandis que s'enfle la rumeur, que monte la peur, la chasse aux Coréens tourne au massacre : 6 600 tués en quelques mois. En avril 1929, sur le chantier d'une centrale électrique à Niigata, où travaillent 20 000 hommes, les 500 Coréens, qui gagnent à peu près deux fois moins que les autres, envoient leurs représentants négocier avec la direction. Ils sont attaqués par des ouvriers japonais. Ils affichent un appel où s'exprime leur sens élevé de la dignité et de la solidarité: « Travailleurs japonais! Vos intérêts ne sont en rien opposés aux nôtres. Si notre vie s'améliore, il en sera de même de la vôtre ( ... ). Il est évident que nous ne sommes pas vos ennemis. Au contraire, nous sommes frères ( ... ). Dressonsnous ensemble et combattons pour de meilleures conditions de travail » ... Bientôt, le fascisme impose sa loi de fer, et réprime durement toute contestation. Plus de 50 000 Coréens seront arrêtés en vertu de la « Loi sur le maintien de la paix publiqu e ». Les bidonvilles au Japon et leur répartition géographique (Carte extraite du livre de Jean François Sabouret « L'autre Japon les Burakumin » Ed. Maspéro) 500km , t En 1939, le nombre des émigrés coréens au Japon dépasse le million. Il doublera dans les années de guerre, par la mise en oeuvre de la «Loi sur la mobilisation de la main-d'oeuvre ». Ils sont dirigés vers les industries d'armement, dans les ports et sur les fronts pour la manutention et le transport du matériel militaire. Et quand explosent les bombes atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki, cette catastrophe nationale coûte aux Coréens un tribut particulièrement lourd. 53 000 d'entre eux vivaient à Hiroshima, importante place militaire, dans les baraques et les dortoirs des ghettos, soumis au travail forcé, faméliques. Le matin du 6 août 1945, lorsque tout à coup « le soleil devint noir» dans un fracas d'apocalypse, sur les 280000 morts immédiats par l'explosion, le feu et les radiations, on évalue entre 30 000 et 40 000 le nombre des hommes, femmes et enfants coréens (comptés alors comme japonais). A Nagasaki, trois jours après, ils seront entre 10 et 20000 parmi les 100 000 victimes. Pour le peuple japonais, la guerre s'achève dans un désastre inouï. Des 2 365 000 Coréens dénombrés sur le territoire nippon en 1945, les trois quarts regagneront leur pays - coupé en deux, le Nord occupé par les Soviétiques, le Sud par les Américains. Différences - N° 30 - Janvier 1984 21 ODEURS DE CUISINE Tampura Pour deux personnes: un oeuf entier (1 volume), eau (2 volumes), farine tamisée (3 volumes) ; huile de friture; crevettes et/ou coquilles Saint-Jacques et/ou poisson blanc (daurade, bar, colin, seiche ... ); légumes au choix (carottes, aubergines, poivrons, pommes de terre, patates douces .•. ). Mélanger l'eau et l'oeuf. Ajouter la farine en tournant doucement. Couper les crustacés, poissons et légumes en petites tranches. Les sécher avec un torchon. Les tremper dans la pâte qui doit les recouvrir d'une mince pellicule, puis les mettre à frire dans l'huile. Les retirer après cuisson. Manger chaud avec sauce de soja et/ ou jus de citron et/ou sel. A vec la même pâte, on peut réaliser des desserts à l'aide de pommes ou de bananes (laissées auparavant saupoudrées de sucre pendant une heure). Les beignets peuvent alors être flambés au rhum. 0 Si leur situation s'est en général améliorée, les 680 000 Coréens du Japon continuent de souffrir aujourd'hui de graves discriminations. Etrangers pour la plupart (1), ils sont écartés de divers avantages sociaux, ne peuvent accéder à certains emplois, professions ou écoles, sont soumis à d'étroits contrôles, ceux surtout qui ont choisi la nationalité nord-coréenne et qui ont constitué d'actives associations, créé des établissements scolaires et universitaires, des entreprises, des banques, des hôpitaux, des journaux, pour échapper aux inégalités culturelles et aux pressions économiques. Ceux qui, victimes des bombes d'Hiroshima et Nagasaki, ont regagné leur pays réclament en vain les indemnités et les soins dont bénéficient les nationaux. Dans la vie courante, ils subissent encore les vieux préjugés, qui se traduisent par des refus d'embauche, des injures, des attitudes de mépris, des humiliations dont souffrent en premier lieu leurs enfants. Mais la lutte s'avère souvent efficace: l'histoire du jeune Park Jonk Suk le prouve. En août 1970, nouvellement diplômé, il obtenait un emploi à la société Hitachi. Mais il avait passé l'examen d'admission sous son nom japonais, celui-là même qu'on avait imposé à sa famille au temps de la colonisation. Son origine découverte, l'embauche fut . annulée. Procès, comité de défense, la presse est alertée, le Conseil Mondial des Eglises apporte son soutien moral et financier, menace de boycotter Hitachi aux Etats-Unis. Finalement, la grande firme dut céder. Aux termes du jugement rendu après quatre années de procédure, elle reprenait Park Jonk Suk au poste prévu, payait l'arriéré de son salaire ainsi que des dommages-etintérêts; elle s'engageait en outre par écrit à ne plus pratiquer de discriminations selon l'origine parmi les candidats à l'embauche (y compris sur la base des «registres familiaux » permettant de découvrir les Burakumin). Quant au héros de cette douloureuse affaire, il proclamait: «J'ai résolu maintenant de vivre avec mon identité de Coréen au Japon ». C'est en 1895 que les maîtres du Japon s'emparent de l'île chinoise de Taïwan. De là, et à partir de la Corée, ils poursuivent leur expansion par tous les moyens sur la majeure partie de la Chine, avant d'étendre leur main-mise sur toute l'Asie du Sud-Est, au cours de la Seconde guerre mondiale. De la première période de domination coloniale, outre les Coréens, le Japon a conservé une population d'origine chinoise, il est vrai beaucoup moins nombreuse, quoique tout autant maltraitée. De 1970 à 1978, plus de 63 000 Chinois ont acquis la nationalité japonaise; 55 000 restaient étrangers à cette dernière date. Quant à l'archipel des Ryukyu - cent quarante îles dont la plus connue est Okinawa - ses habitants émigrés au Japon ne sont pas officiellement recensés comme tels, puisqu'ils possèdent la citoyenneté japonaise. Selon l'idée qu'on a de leur intégration dans la vie nationale, on les compare aux Antillais ou aux Corses. Paradoxalement, cette ethnie, dominée depuis des siècles, se situe au moins pour une part, à la source de l'histoire japonaise. A la charnière de l'archipel nippon et de la Chine, c'est sans doute par les Ryukyu qu'au 3e siècle avant J.C., a transité la civilisation yayoi. Lieu de passage et d'échanges, alors même que la société japonaise se fermait aux courants extérieurs, un royaume relativement autonome y prospérait au Moyen-Age. Ses chefs, à l'ère Togukawa, se rendent à Edo (Tokyo) avec un impressionnant équipage à la chinoise, pour montrer leurs richesses et leurs techniques, pour souligner la spécificité de ces terres lointaines. Mais l'heure de la centralisation approche. En 1879 (huit ans après la décision de supprimer la souveraineté territoriale des seigneurs féodaux dans tout le Japon), Ryukyu devient une préfecture. La modernisation écrase et disperse sa population : les plus pauvres vont chercher du travail à l'étranger ou dans les zones industrielles de la « métropole », les hommes dans les mines, les femmes dans les filatures. Avec leurs salaires misérables, ils rejoignent les Burakumin, créent leurs propres bidonvilles près des rivières. Eux aussi servent d'enjeu aux divisions entretenues par le patronat conquérant ; des entreprises affichent : « On n'embauche ni Coréens, ni originaires des Ryukyu ». Dans le même temps, le rouleau-compresseur du colonialisme brime la culture originale des Ryukyu, ainsi que leur langue, conservatoire du japonais classique, totalement interdite en 1940. Il en reste aujourd'hui surtout le folklore pour touristes. Le teint clair, le sourcil épais, voici les Ainu, premiers habitants du "'apon Les Américains débarquent à Okinawa en mars 1945. Pendant trois mois, la guerre fait rage. La population, sans armes, participe aux combats: il y aura plus de 100 000 morts. Sous l'occupation des U.S.A., de nouvelles exactions assombrissent l'histoire tragique de l'île: terres enlevées aux paysans pour construire des bases militaires, abaissement du niveau de vie, surveillance des activités politiques, dissolution des organisations qui demandent le retour au Japon. Celui-ci n'aura lieu qu'en 1972, vingt ans après le traité de paix; mais 53 070 des bases américaines demeurant au Japon pour assurer sa « sécurité» sont encore concentrées à Okinawa, pièce-maîtresse du dispositif stratégique des EtatsUnis en Asie. 22 Images du Japon: Hiroshima, 1945 Environ 40 ()()() Coréens .ont péri lors de l'explosion de la première bombe atomique Jeunes femmes jouant au Uta-garuta, pendant les fêtes du Nouvel an. A Okinawa, un monument commémore un aspect particulier des combats de 1945 : la Tour NordSud rappelle que, parmi les défenseurs de l'île, à l'extrême-sud du Japon, se trouvaient côte à côte ses habitants et des soldats venus de l'extrême-nord, les Ainu. Ce symbole de l'unité nationale, pardelà les données purement géographiques, perd beaucoup de sa signification humaine quand on connaît le passé et le présent de ces deux populations, au sort également cruel. Les Ainu ? Parlons-en enfin. Le teint clair, le sourcil épais, le système pileux développé les apparentent aux habitants des îles Kouriles et du Kamtchatka (aujourd'hui soviétiques). Leurs ancêtres, originaires de l'Asie septentrionale, comptent à coup sûr parmi les plus anciens habitants connus de l'archipel nippon. Des noms de lieux attestent leur présence ancienne sur l'ensemble du territoire. Sans doute furent-ils chassés peu à peu vers le nord et l'est par de nouveaux arrivants venus du sud-ouest. Leur Saga (Yukar) - dont la lecture demande plusieurs jours - raconte comment les Wajin (non-Ainu) trahirent le traité de paix qu'ils avaient signé, assassinant le chef ainu Shakushain et repoussant ensuite vers l'île de Hokkaido, les tribus qui ne s'y trouvaient pas encore. Ce même épisode, vu par l'histoire officielle japonaise, s'appelle « la révolte de Shakushain », qui fut dûment matée en 1669. A la fin du 18e siècle, il n'y avait plus d'Ainu hors de Hokkaido, où ils vivaient en nomades, chasseurs et pêcheurs, adorateurs de l'Ours. Sous l'Ere Meiji, cette région n'échappe pas à l'expansionnisme du nouveau Japon capitaliste. Une puissante « ruée vers le nord» s'organise pour la mise en valeur de Hok- ,, Lw _ J \ __ --1 \ '- -- ~ .".., l l \ \ .. Z t 0 ~ 1 kaido. Comme en Corée, on déclare les terres sans propriétaires. Les Ainu sont poussés encore plus au nord, vers les Kouriles ; ceux qui restent sont parqués dans des « réserves » sur les sols stériles. En 1868, Hokkaido est officiellement annexé. En dix ans (1872-82), 10 % du budget de l'Etat sont consacrés au développement des mines, des industries, des fermes expérimentales. Et c'est bientôt par l'assimilation forcée qu'ici comme ailleurs, le colonialisme japonais s'emploie à faire disparaître le « problème ainu ». C'est un ethnocide en règle: interdiction aux autochtones de parler leur langue et de pratiquer leurs coutumes « barbares ». Racontant toujours à leur façon les événements, les manuels scolaires japonais ne parlent pas de conquête, mais d'« avance ». Résultat : après vingt-cinq ans de ce régime, en 1904, des observateurs affirment que les Ainu ont cessé d'exister. Mais les peuples ont la vie dure: aujourd'hui, on évalue le nombre des survivants à 25 000, soit 0,5 % de la population de Hokkaido (5 millions d'habitants). Et la résurgence des peuples opprimés, qui secoue les idées et les habitudes acquises un peu partout dans le monde, se manifeste aussi là-bas. L'Association Utari (2) dénonce les inégalités frappant les Ainu : leur revenu D'atteint que le quart de la moyenne nationale: 30,9 % sont assistés; seulement 3,8 % de leurs enfants vont au bout de leurs études secondaires. Elle stigmatise les discriminations dans l'emploi, ou les mariages, comme les Burakumin, avec cette différence que les Ainu sont reconnaissables et qu'il n'est pas besoin de détectives privés pour connaître leurs origines. Différences - N° 30 - Janvier 1984 23 REPÈRES 6" siècle. Premiers documents écrits évoquant la dynastie régnante. 10" siècle. L'empereur Engi (901-922) proclame l'abolition de l'esclavage. 13" siècle. Début de l'invasion de l'fie d'Hokkaido (appelée Ezo : Barbarie) peuplée par les Ainu. 1603. Ieyasu Togukawa prend le titre de shogun et instaure un «féodalisme centralisé ». La capitale politique est transférée à Edo (Tokyo). L'Ere Togukawa se caractérise par la pacification et l'unification politique du Japon, sous l'étroit contrôle d'un pouvoir fort. Le système des castes est strictement réglementé, et la marginalisation des horscastes (hinin, et a) s'accentue. Août 1871. Edit d'émancipation des Burakumin. 1873-74. Violences paysannes contre les Burakumin dans le centre et le sud du Japon. 1874. Fondation du Mouvement Démocratique pour le respect des Droits de l'Homme. 1889. Adoption d'une Constitution instaurant un régime parlementaire. Toutefois, l'empereur conserve la direction suprême de l'armée, de la diplomatie, désigne le gouvernement et contrôle ses activités; il peut prendre des édits sans l'approbation de la Diète (parlement). 1897. La Corée placée sous le protectorat du Japon. 1923-24. Pogroms contre les Coréens au Japon: 6 600 d'entre eux sont massacrés. 1927. Premières élections au suffrage universel. 1941. L'aviation japonaise bombarde la flotte des EtatsUnis à Pearl-Harbour (Hawaï). Le Japon entre dans la Seconde guerre mondiale et se lance à la conquête de toute l'Asie du Sud-Est. 10 août 1945. Le Japon capitule sans conditions. 1945. La majorité des quelque deux millions et demi de Coréens mobilisés dans l'armée et l'industrie de guerre au Japon repartent dans leur pays; il en restera un peu plus de 600 000. 1946. Promulgation de la nouvelle Constitution; l'empereur perd tous ses pouvoirs et renonce à l'affirmation de son ascendance divine. 1950-1953. Guerre de Corée. 1964. Les 18e Jeux Olympiques se déroulent à Tokyo. En 1973, s'est tenue la première convention nationale de la Ligue de Libération Ainu, qui a récusé vivement toute forme de paternalisme et revendiqué avec force la reconnaissance de ce peuple, de son identité culturelle, de ses droits individuels et collectifs ... Burakumin, Coréens, Okinawans, Chinois, Ainu: le Japon, on le voit, est loin d'être ce pays unique et uniforme qu'on veut bien parfois nous décrire. Bien au contraire, il est constitué d'un ensemble de groupes différents que l'on cherche, pour seule cause de profits, à diviser. Même si, de très loin, le multiple apparaît souvent uniformisé, il nous faut, à nous Européens, écouter les différences du Japon. 0 Albert LEVY (1) De 1952 à 1980, 102 455 Coréens ont obtenu leur naturalisation. En 1981, 667 325 étaient considérés comme étrangers, les 2/5 se réclamant de la Corée du Nord et les 3/5 de celle du Sud. 75 à 80 OJo d'entre eux sont nés au Japon. Ils sont concentrés dans des régions où vivent également les Burakumin: Osaka (186 548), Tokyo (74 687), Hyogo (70 486), Aishi (56 700), Kyoto (47 074), etc. Si d'année en année, on constate une nette croissance des mariages «mixtes» coréens/japonais, c'est surtout, semble-t-i1, entre habitants des buraku. (2) Dans leur langue, Ainu signifie: peuple; ils se nomment eux-mêmes Utari ou.Watari (camarades). ICUl1URESl L 'histoire du peuple arménien sur Antenne 2. Silence on. (re) tourne cc Si les arbres étaient des crayons, les océans de l'encre, ils ne suffiraient pas à dire ce que le peuple arménien a souffert ... n(1) . «L es Arméniens? Ah! les pauvres », entendra-t-on à Sarcelles. «Encore des étrangers », dira-t-on à Dreux, « Vive la différence », clamerons-nous à Plaisance. C'est à un pélerinage, à une descente aux enfers (dont ils reviendront vivants) que Jacques Kébadian et Serge Avédikian nous ont invité sur Antenne 2 en novembre, à l'occasion de la projection de leur film en deux parties « Sans retour possible ». Est-ce une question d'âge, de génération qui donnerait le désir de s'en retourner sur soi, de se réconcilier avec ses « vieux », de retrouver les histoires qu'ils racontent le soir et qu'on se dépêche d'aller quêter à leur chevet avant que la nuit ne les emporte? Pas seulement. Il est des générations, celles de certains peuples, pour qui le désir d;en savoir toujours plus des histoires de leurs parents devient une question terrible qui les torture jusque dans leurs lits, mêlant rêves de paradis perdu et cauchemars d'apocalypse infernale ... Génération de Fassbinder, de Hélène Cixous, de Marguerite Duras, génération du troisième Reich, de la guerre d'Algérie, d'Hiroshima ... Génération issue principalement des peuples dispersés dont l'histoire, faite d'un grand exode, remonte toujours à un affreux déchirement, l 'horrible séparation d'avec sa terre, sa langue, sa propre mère, tout ce qui vous nourrit. C'est du génocide arménien, dans toute 24 sa portée politique qu'il aurait pu être question, si on avait osé lever les tabous qu'il recèle. En fait, c'est de la loi du silence, que Jacques Kebadian et Serge Avédikian nous parlent. Mais c'est aussi, paradoxe du titre même de leur film, à leur retour à eux, qu'ils nous permettent d'accéder symboliquement. Comme une messe Ce film est comme une messe, il en va de Pâques et du jugement dernier. Les Arméniens n'ont pas eu droit à une guerre, ça, c'est affaire de grands. Eux, sont de simples martyrs et ils nous renvoient aux premiers chrétiens. Il n'y a pas de guerre que les Arméniens auraient livrée et perdue. Si on prend en compte la monstrueuse logique de la loi du sang ou de la violence, les Arméniens ne s'y retrouvent pas, tant ils ont été pris en traîtres. Comment s'étonner alors que cette révolte aille s'exprimer jus- , qu'en un terrorisme délirant? Puisse un jour les mots de reconnaissance d'une cour internationale lever le trouble. Pour les rescapés du génocide, il n'y a guère d'autres recours qu'en la religion, seul lieu où sont citées des calamités aussi terribles que celles qu'ils viennent de connaitre et auxquelles ils ont pu par miracle échapper, quasi réssuscités. On nous parle dans le film d'un garçonnet pour lequel être enfoui dessous les cadavres fut la seule protection aux coups des massacreurs. Une femme encore parle d'elle comme étant passée par la mort : « Pendant les massacres, j'avais six ans, dans notre village, le 26 juin... Ce jour-là je suis morte ». Le plus tort de tout est que ces mots sont produits là tout simplement, mots terribles, mots de Bible: « Trois gendarmes, arrivent, l'un dit : « Tuons-la! » L'autre dit: « Elle est déjà morte, on ne peut se venger que sur les vivants ». Je n'oublirai jamais enfin une autre séquence du film, celle où on voit un homme sur son lit, désespéré d'avoir perdu son Pater Noster en Arménien. Vision après laquelle, je ne pourrais plus employer de la même façon l'expression « perdre son latin ». C Serge HUREAU Première partie: « Les Arméniens, portrait d'un peuple dispersé », diffusé le dimanche 6 novembre 1983 à 21 h 40. Deuxième partie: L'Arménie d'ici, làbas » diffusée le dimanche 13 novembre 1983 à 21 h 40. « Que sont mes camarades devenus ... », le troisième volet de cette enquête du souvenir, porte plus sur la mémoire de l'enfance. Une enfance retrouvée à travers quelques camarades comme Vartan, Mardiros, Avédis et les autres tous les absents. Un film plein de tendresse de chaleur et d'ivresse, où les Arméniens sont aussi à la fête entre Vodka, rire, chanson et poésie. Il sera diffusé sur A2, le 6 janvier 1984, pour le -nouvel an arménien (2) (i) Témoignage d'une Arménienne de quatre vingt treize ans (2) Rens. : Association Audiovisuelle Arménienne 9, rue des Petits-Hôtels 75010 Paris Tél. : 523.51.50. Différences - N ° 30 - Janvier 1984 LA PAROLE DES VIEUX Différences s'est entretenu avec Serge Avédikian, l'un des réalisateurs de cc Sans retour possible n au sujet de la génèse du film. Différences: Quel regard portez vous aujourd'hui sur votre démarche? Serge A védikian: Je suis né en Arménie, j'avais quinze ans quand je suis arrivé en France. La mémoire a fait son travail tout doucement. R y a quelques années, ma femme et moi attendions un enfant et mon grand-père allait mourrir. J'ai ressenti comme l'urgence de le faire parler de son histoire, de la tragédie de son peuple. J'ai rencontré à cette même époque Jacques Kebadian, un réalisateur de métier. Très vite, on a partagé les mêmes sentiments. On étaient l'un et l'autre très attachés à la parole des « vieux », en tant que parcelle de terre, de couleurs et d'odeurs. Différence : En fait, il s'agissait de rendre compte d'une parole, d'une mémoire? Serge A védikian: Oui, et même d'une véritable pathologie. Les Arméniens n'ont pas pu enterrer leurs morts et cela est resté très sensible dans les inconscients. Dès lors, la mémoire ne pouvait plus être parole unique, nous sommes allés au-devant d'autres« vieux ». Rs nous attendaient presque afin de se délivrer. Rs nous ont apporté à chaque fois, la chaleur, le sang, la différence. Leurs témoignages devenaient pour nous la chose essentielle, dans la Une scène du film « L'Arménie d'ici, là-bas ». 25 mesure où les images morcelées de leur mémoire se reconstituaient peu à peu sous nos yeux. Différences: C'était aussi pour vous l'occasion de voyager dans votre propre histoire ? Serge A védikian : Bien sûr, on a vécu très fort le tournage en Arménie soviétique de la troisième partie de notre travail. Nous avons réalisé des images jamais vues dans Que sont mes camarades devenus qui sera diffusé début janvier pour le nouvel an Arménien. J'y ai retrouvé des amis, c'était très émouvant. Les Arméniens sont profondément chrétiens, ils ne tiennent pas à emmerder les foules avec leurs malheurs. On n'a pas d'étiquette, nous étions décidés à écouter jusqu'au bout. Nous sommes contents d'avoir fait ça, d'être partis à la recherche de notre vérité. Nous souhaitons que les gens de notre génération se libèrent de cette pathologie et trouvent un moyen d'expression, comme nous avons tenté de la faire nous-mêmes. Nous avons voulu faire un film sur la . mémoire collective des Arméniens, on a fait quelque chose de très personnel en souhaitant le faire partager. R était difficile de plaire à tout le monde et notamment à ceux qui ne tenaient pas du tout à nous voir remuer tout ça. 0 Propos recueillis par Stéphane JAKIN CULTURES - Orgue de Barbarie - Les frères Amara Les princes du paveton Les frères Amara font revivre de leur timbre gouailleur, la grande tradition du limonaire et de l'orgue de Barbarie. Différences a cassé une petite croûte avec eux ... A Pprochez, approchez, « bonnes gens » : d'origine Kabyle et fils d'une marchande de quat'saisons Jean-Paul et Jean-Claude sont de vrais saltimbanques, des enfants de la « manche» et de la rue Mouffetard. «Approchez bourgeois, prolos, manants faites cercle faites cercle, écarquillez les yeux ». Ils ressucitent Villon, Préjean, Rictus et Bruant en une ode à la vie, au vin, à l'amitié. Ils chantent « La Java bleue », « Les Canuts» et « Le Temps des cerises ». « Approchez, damoisaux, demoiselle ». La chanson est pour eux le moyen essentiel de faire rêver, de parler le langage du coeur. Mais ce ne sont pas seulement de gentils chanteurs des rues, la haine et le mépris, ils connaissent et pour cause: « Pendant le spectacle, entre nos chansons, ont fait allusions au problème du racisme et de la xénophobie, on parle, on discute avec les gens, on a soutenu les « bougnoules» de Dreux. Le métissage est pour nous un privilège, on porte sur le monde un regard plus large, plus authentique. Notre salon à nous, c'est la rue, le pavé, c'est là qu'on respire, c'est là qu'on lutte, qu'on rigole, car la vie n'est pas qu'une vaste sinistrose ». «Approchez, amoureux de la vie ... » (1). « On en a chié, mais ça valait le coup. On a pas la grosse tête, on a été 26 vacciné au sirop de la rue à l'époque où il y avait encore des paquerettes entre les pavés ». En avril 1984, ils partent grâce à l'Alliance Française faire une grande tournée, en tant qu'ambassadeurs de la chanson populaire française, au ProcheOrient, au Pakistan, aux Indes, en Thaïlande, en Indonésie. D'ici là, avec un peu de bonheur, vous pouvez peut-être les apercevoir sur le pont St-Louis, derrière Notre-Dame, qui semble les protéger en s'élançant entre terre et ciel de toute sa magie. 0 Daniel CHAPUT (1) Extrait de : Le Saltimbanque un texte de JeanClaude Amara. FELA ET LES FÊLÉS. « La négritude, une force de l'âme ». On s'est bousculé au portillon l'autre soir à l'espace Balard pour assister à l'unique concert que Fela Anikulapo donné dans la capitale. Tous les fêlés de l'afrobeat étaient là, venus partager ce grand moment de bonheur. Vingt musiciens, quatre choristes, cinq danseuses et dans les coulisses le professeur hindu, le guru ghanéen veille sur son protégé. Sur scène l'ancien admirateur de Charlie Parker et de Miles Davis chante, mêle jazz et musique traditionnelle. Fort de son expérience américaine et européenne mélangée à son feeling africain, il fustige l'armée, la police, l'internationale des voleurs: le soul devient plus agressif. Drapé dans la bannière du panafricaine, Fela fait sonner les trompettes, l'orgue et les percus, alors même qu'au Nigéria les tracasseries se multiplient à l'encontre de celui qui n'a pas hésité cette année, à se présenter aux élections présidentielles afin de se rapprocher de ses racines détruites par l'esclavage et le colonialisme. Les sonorités de Fela déménagent, décoiffent littéralement et s'élèvent au rang des pyramides qu'en Egypte les esclaves noirs ont bâties de leurs mains. La révolte est là, elle est musique d'abord. 0 D.C. i ___ A l'oeil __ _ AU PAYS DE BAAL. Carrefour de la pré-histoire, des routes marchandes de l'Orient, tour à tour sous influence sumérienne, babylonienne et enfin assyrienne, la Syrie de Baal et d'Astarté, l'un des berceaux de la civilisation du croissant fertile, est devenue islamique après avoir été araméenne et byzantine. C'est au fil de cette mémoire que le Petit Palais nous conviait récemment encore à l'occasion de l'exposition la 000 ans d'Art en Syrie. De son côté, la Maison des cultures du monde s'est inscrite dans la manifestation en invitant quatre musiciens Syriens à venir faire le « boeuf », interprètes à la fois de musique classique et de musique populaire et tous solistes dans leur spécialité. Salim Kusur joueur de Nay, Samir Hilmi joueur de 'Oud, Nabil Khayat percussionniste et enfin Yarob Jbeil joueur de bouzouk. Du très grand art, où l'alternance de soli et de musique d'ensemble a donné un rythme au spectacle digne des plus belles soirées orientales de la Cour de Damas, à une époque pas si lointaine. 0 Julien BOAZ Différences - N° 30 - Janvier 1984 FRAPPE: Véritable mélodie, Guem le magicien raconte et fait vibrer les percussions comme les échos de toutes les savanes. Combat de coqs et La nuit a peur du soleil sont autant de morceaux qui composent un album original, d'ambiances et de rythmes très afros. 0 D.C. Felin, par Guem, spécial instrumental. Le chant du monde. 27 , t

Lever de rideau 

DESPOTE.' A la cour du roi Hérode le Grand, « il valait mieux être un cochon qu'un prince, car on y respectait au moins l'interdiction de manger du porc ». Dans une ambiance baroque, le vieux roi des Juifs cherche un successeur pour le royaume de Judée. A sa demande, Sangali, le conteur de la cour, évoquera la légende de Nabounassar III dit Barbedor, roi de Cham our , roi sans héritier qui se succède à lui-même, à l'infini. Le décor est planté: intrigues, complots, assassinats, l'histoire du despote le plus détesté par les siècles se déroule sous nos yeux. Un spectacle pour les petits et les grands, sur une mise en scène de Julian Negulesco, d'origine roumaine. La transposition théâtrale se fait par l'intermédiaire du conte et les effets spéciaux dominent avec un certain bonheur. Malgré quelques longueurs, les Rois Mages finiront, comme dans le roman, par arriver à Bethléem. L; D.C. Hérode le Grand. D'après Gaspard, Melchior et Balthazar, de Michel Tournier - Théâtre de la Mouette. CUlTURES - Cinéma d'auteurs - Noir et .blanc Pend~nt I~sjournées cinématographiques d'Amiens, marquées cette annèe par la présence d'un cinéma d'auteurs et par la rencontre de trois Afriques, l'Afrique noire francophone, l'Afrique australe et l'Afrique de l'exil, deux réalisateurs, l'un québecquois l'autre voltaïque, se sont ouverts l'un à l'autre sur le sens de leur démarche, à l'occasion d'un forum de presse à la Maison de la Culture. D ,une part, il y avait Arthur Lamothe, réalisateur de La mémoire battante, qui mène aujourd 'hui encore tout un travail cinématographique avec les communautés indiennes du Nord du Québec. D'autre part, Gaston Kaboré, le réalisateur de Wend Kuuni (Le don de Dieu), un conte transposé en pays Mossi, quand l'Afrique n'était pas encore un lieu très fréquenté par les expéditions coloniales. Arthure Lamothe: J'ai bien aimé votre film. C'est le premier que je vois réalisé dans une version nationale sous la forme d'un conte. On touche à une sorte d'humanisme africain. Gaston Kaboré : C'est un conte que j'ai écris moi-même, il s'agit d'une fiction impliquée dans le substrat culturel et social d'une société traditionnelle, dont je voulais faire la peinture. Je voulais en même temps porter un regard sur les enfants, car leur univers peut être à la fois celui d'une souffrance terrible et d'une tendresse extrême. Arthur Lamothe: Oui, j'ai remarqué la justesse du jeu des enfants et l'émotion qui s'en dégageait, c'est un point fort de votre film, tout comme le fait qu'il n'y a pas d'acteurs professionnels. Gaston Kaboré : En fait, je suis allé audevant d'un village de paysans à trente kilomètres de Ouaga et le film s'est fait tout doucement avec eux. Arthur Lamothe: J'ai bien aimé Wend Kuuni parce que les notions d' espact"eC' de temps y sont comme des vagues tranquilles. Gaston Kaboré : Oui, le film se situe avant la période du traumatisme colonial, dans un monde très symbolique où la terre est très présente. Wend Kuni: Un film où ~L(!~ !lotions d'espace et de temps sont comme des vagues tranquilles» 28 Quand on raconte une histoire chez nous, au coin du feu, on ne la restitue plus dans un cadre temporel, ce qui nous permet de préserver une certaine universalité. Arthur Lamothe : Par le jeu de la mise en scène, le cadrage éclate et l'environnement se reconstitue. Gaston Kaboré : Je voulais que la poésie du conte garde toute sa dimension, que chaque image puisse faire l'objet de plusieurs lectures et que le spectateur puisse inventer son propre langage. Je n'ai pas essayé de démontrer quoi que ce soit, j'adhère à une certaine philosophie du dépassement. C'est l'espoir qui nous pousse à lutter, une lutte de tous les instants où des choix sont à faire. Arthur Lamothe: On est bien d'accord, il est essentiel de faire passer la vision de l'histoire que porte le colonisé. Dans mes films, je suis toujours très attentif à cela. En Amérique du Nord, on est plus facilement raciste vis-à-vis des Indiens par exemple, que vis-à-vis des Noirs ou des Juifs. (leorges Washington premier utilisateur de la guerre bactériologique Georges Washington, le héros national, a été l'un des premiers utilisateurs de la guerre bactériologique. Sa politique consistait à faire parvenir dans les communautés indiennes, des couvertures cOQtaminées par la vérole et autres maladies du même genre. Gaston Kaboré: Dans Mémoire battante on est sans cesse renvoyé à l'image de l'Indien. Arthur Lamothe: A ce qu'il en reste, même si les jeunes souhaitent retrouver la culture des anciens. Il est question de créer un gouvernement des Indiens du Canada. Mais ce n'est pas très simple dans la mesure où les trois ou quatre groupes ethniques principaux s'éparpillent de l'Atlantique au Pacifique. Gaston Kaboré : Une véritable autodétermination serait peut-être préférable. Arthur Lamothe : Depuis une dizaine d'années quelques signes vont dans ce sens. Par exemple les directeurs d'écoles indiennes choisissent maintenant leurs propres professeurs. Gaston Kaboré: Une histoire du Canada vue du côté des Indiens serait la bienvenue. Arthur Lamothe : Je souhaite aller dans ce sens avec les Indiens avec qui je partage maintenant une certaine proximité. 0 Propos recueillis par Julien BOAZ Différences - N° 30 - Janvier 1984 ___ Cinémois __ _ Un oubli qu'il nous faut réparer. Un grand film sous un titre fleur bleue. Les coeurs captifs de Michaël Radforf. Le titre anglais était plus probant : Another time, another place (Grande-Bretagne, 1983). Le nord de l'Ecosse, une île, probablement. L'année 1944. La fin de la seconde guerre mondiale approche, des prisonniers italiens sont affectés aux travaux agricoles dans une ferme isolée. Les coeurs captifs, c'est la relation entre l'un de ces prisonniers et Janie, la jeune épouse du fermier. Cela, c'est la fiction, l'histoire. Le film est un alliage subtil fait de la rencontre de la terre présente, des uns (admirablement cadrée et saisie, ainsi la lumière rare du soleil sur les blés courbés par le vent, l'humidité de la roche qui suinte sous la pluie ... ) et du souvenir, des rives, des absentes, de la méditerranée italienne des autres. Les coeurs captifs, c'est le regard respectueux de deux communautés, l'une sur l'autre. Un grand film sur les différences. Y'a tellement de pays où aller, de Jean Bigiaoui, Claude Hagege et Jacques Sansoulh (France, 1983), nous plonge dans l'errance d'une famille juive de Tunis, du quartier de la Goulette, plus précisément. Nouvel exil, pris entre trois lieux géographiques, points obligés d'une diaspora répétitive: Montréal, New-York, ou... Sarcelles. C'est à Sarcelles-sur-béton que se retrouvent et se racontent ces nouveaux immigrés, avec tendresse et malice, sans misérabilisme. Y'a tellement de pays où aller nous renvoie, une fois de plus, mais pas une fois de trop, aux racines de cette société pluriculturelle qui annonce toujours « nos ancêtres les Gaulois ». Rêves en rose est un film tchèque vieux de sept ans, déjà présenté en séances non commerciales par la Fédération Jean Vigo et qui trouve enfin l'occasion d'une (petite) sortie commerciale. Le thème du film est assez simple : un petit facteur tchèque de 18 ans s'éprend d'une tsigane. Mais les familles - slovaques et gitanes - pèsent de tout leur poids pour faire échouer ce "rêve". Le film n'est pas manichéen, il est plutôt l'histoire d'une érosion lente, celle d'une passion juvénile sabordée par l'environnement social. Le film de Dusan Hanak peut s'inscrire parfaitement dans le débat général des mariages mixtes. Par là même cette oeuvre, en demi-teintes, nous interpelle. A la poursuite de l'étoile, de Ernanno Olmi (Italie, 1983) a séduit certains criti- 29 Rêves en rose: l'histoire d'un facteur tchèque ques (peu nombreux), en a irrité d'autres lors de sa présentation au Festival de Cannes. Le long cheminement des Rois Mages vers le nouveau-né rédempteur nous a paru bien laborieux. Seuls quelques plans retiennent l'attention. Ils relèv~nt toutefois beaucoup plus de l'anecdote q"\le du propos cinématographiq\ le cohérent. On est bien loin du discours mag:p.ifique et dépouillé de L' Arbre ~ux sabots. Enfin si, à l'approche de Noël, vous voulez méditer sur la naissance d\.!. Christ... Les yeux d~s oiseaux de Gabriel Auer (Fra:p.ce, 1952) est, en quelque sorte, un voyage au pout de l'enfer, intimiste et clos, c'est l'univers aseptisé d'une prison modèle en Uruguay ; une prison qui a nom "Lib~rtad", geôle comparable à ses camps qe la mort qui portaient l'inscription en allemand : « Le travail rend libre ». Da:p.s cette prison où tout est fait pOQr asservir, psychologiquement et physiquement, sont entassés des détenus politiques. Une commission d'enquête de la Croix-Rouge vient voir sur place les conditipns de vie de ces hommes. Le régime militaire en place en Uruguay va ess~yer de récupérer le travail de l'institutipn internationale pour enfoncer encore plus ces hommes dans leur condition de prisonniers, pour essayer de leur "crever" les yeux, après les avoir mis en cage, comme on le fait pour certains oiseaux ... Le film de Gabriel Auer est un cri Perçant, un cri désespéré, un chant qui glace. Même le soleil auquel se réohauffent les prisonniers nous semble froid et pénétrant... Allez voir Les yeux des oiseaux, n'oubliez pas l'Uruguay. Jean-Pierre GARCIA PalestlnlënRëS Revue trimestrielle publiée p:lr l'Institut des ~tudes p:llestinicnnes LE TOURNANT DE TRIPOLI - ENTRETIEN AVEC MAHMOUD DARWICH - POURQUOI LA PALESTINE ? FRANÇOIS CHATELET, GILLES DELEUZE, MADELEINE REBERIOUX, MAXIME RODINSON - MEMOIRE PALESTINIENNE, IBRAHIM ABU LUGHOD - L'INVASION DU LIBAN, MAHMOUD SOUEID - IDENTITE DECHIREE, MOURAD HAïM WAHBA - LA PALESTINE 1856-1882. ALEXANDER SCHOLCH_ ______ N'lOHiver 1984 _____ _ Le numéro 45 F. Abonnement, 1 an (quatre numéros), 140 F. Réglement au nom des Editions de Minuit. 7rue Bernard-Palissy. 75006 Paris 30 '"'OIGNEZ-VOUS A MRAP-SOLIDARITE MRAP-SOLIDARITE, complément du MRAP, créé en vue d'actions ponctuelles et matérielles, a pour but d'intervenir rapidement en faveur des victimes du racisme, tant en France que dans le monde. o Enfants réfugiés d'Afrique du Sud De plus en plus de réfugiés de ce pays et de Namibie (sous domination sud-africaine) vivent dans les pays limitrophes, dits de la ligne de front, dans des conditions extrêmement difficiles. Dans l'immédiat, il nous faut des cahiers, des crayons, des jeux ou de l'argent pour acquérir ces objets. o Victimes d'actes racistes en France En France, de nombreuses personnes sont victimes d'odieux actes de racisme. Le MRAP les conseille juridiquement, mais ne peut les aider pécuniairement à porter plainte et ou faire face à leurs obligations personnelles. MRAP-SOLIDARITE veut prendre ce relais. Membre actif: 50 F. Adhérent: 150 F. Donateur: 200 F. Bienfaiteur: 500 F. Les chèques doivent être libellés à ['ordre de MRAPSOLIDARITE et adressés 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. CULTURES -En direct de la seconde génération- Qu'est-ce qu'elle a ma gueule? Un livre consacré à ceux qui ont transformé nos villes en vastes drugstores culturels. L ,évolution est en marche. Enfin un peu d'air dans la littérature « spécial-immigrés ». Balayées les théories poussiéreuses, « seuil de tolérance, flip des immigrés ». Emmanuel Lemieux a voyagé avec son regard de vingt ans dans les différentes immigrations françaises. Maghrébins, asiatiques, arméniens, africains, au rythme de la « seconde génération ». Loin des analyses pleurnichardes et compatissantes, le tableau sans concession de l'immigration des années 83. Les immigrés s'organisent pour survivre. ' Sauvegarde des traditions de solidarité, restaurants, boîtes de nuit, lieux de culte, librairies, chaque communauté pense à la survie. Point de départ, trois millions et demi d'immigrés en France, ici et maintenant, ils vivent dans des villes devenues de vastes drugstores culturels où grouillent les différences. . Chaudron magique Les racistes de tous poils peuvent se fermer les yeux, la réalité est là, gigantesque chaudron où se mélange la nouvelle génération. L'immigration ne se réduit pas à un problème de flux, de passagers clandestins. 70 070 des étrangers vivent en France depuis dix ans. Le temps de Différences - N ° 30 - Janvier 1984 venir en confiance, vivre le racisme au quotidien, assimiler la culture occidentale, se faire des amis, poser sa valise à souvenir et survivre ... « Il y a des immigrés qui ne sont plus des immigrés honteux, il faudra décaper de nos têtes l'image de l'étranger souffreteux, assisté et parasitaire. La deuxième génération a assimilé les rouages économiques de notre société. » Du « fast food» créé par les loubards d'Argenteuil aux pratiquants du Vo Viet Nam, les yeux grands ouverts d'Emmanuel Lemieux nous font découvrir le côté positif de l'immigration, et ça, c'est nouveau. Pour ceux qui n'ont pas osé entrer dans la pagode de Bagneux, au Centre arménien de la rue de Trévise, au centre culturel des Rastas, Porte de la Chapelle ou chez le marabout de la Place Clichy, entrez dans le chaudron magique. Une nouvelle génération est en train de jaillir. Prenez vo~ billets, ne regrettez rien, et suivez le guide. A la sortie de ces cent pages-témoignage, regardez votre miroir, sans peur ni reproche: « Qu'estqu'elle a ma gueule ? ». C Bernard BULLIARD Qu 'est-ce qu'elle a ma gueule? Emmanuel Lemieux. Editions du Hameau. 150 p.68F 31 TRACES 5744. Quel mystère se cache sous ce nom futuriste? Une revue trimestrielle tout simplement qui, après une période «d'adolescence » en arrive, à son numéro 7, « à maturation, au projet d'être une vraie revue culturelle juive, où se croisent la pensée juive dans la filiation du judaïsme et tout ce qui est inventif dans la philosophie, les arts, la culture» annonce Gérard Rabinovitch, rédacteur en chef. Au sommaire du numéro 7 : un entretien avec Claude Lefort sur la démocratie, des nouvelles et des études inédites de jeunes auteurs ou d'écrivains confirmés (Goethe et le Yiddish , par exemple), enfin une partie magazine. Le numéro 8 qui sort fin janvier propose, entre autres, un récit de Jérôme Charyn, le must des romanciers juifs new-yorkais. « La revue s'appelle Traces 5744 parce que c'est l'année juive, l'année prochaine ce sera 5745, pour ne plus être en exil dans la temporalité» poursuit Gérard Rabinovitch qui veul aller au delà des « représentations » succitées par le destin tragique des juifs en Europe - ghettos, extermination - el «refonder, resymboliser une culture juive» plus intérieure en «tenant compte de l'avancée de monde ». C Sophie SORIA TRACES 5744. 8 rue de la Paix 75002 Paris. Dernier roulement de tambou~pour Manuel Scorza . T ragiquement disparu au mois de novembre, dans un accident d'avion, _ l'écrivain Manuel Scorza est considéré comme l'un des maîtres actuels du roman sud-américain, avec une oeuvre entièrement consacrée aux luttes populaires péruviennes contre la domination des grands propriétaires agricoles et des trusts industriels nordaméricains. Ce qui lui a valu de passer la plus grande partie de sa vie en exil. Quatre titres de Manuel Scorza, de sa grande série La guerre silencieuse, sont disponibles en français : Roulement de Tambour pour Rancas (Belfond); Garambo l'Invisible (Grasset) ; Le Cavalier Insomniaque (Belfond); Le Chant d'Agapito Robies (Belfond). Cette oeuvre dont Scorza justifiait les cinq volumes par le fait qu'il y a cinq saisons au Pérou: l'hiver, le printemps, l'été, l'automne et le massacre» ne sera complète que lorsque La tombe de l'éclair paraîtra en français. 0 flERIB u début de la guerre, A j'étais infirmière, mais j'ai dû quitter l'hôpital militaire de Montpellier: je suis juive. A vec mon mari, qui était ingénieur agronome, nous avons repris un élevage, à Montpellier. J'ai pris contact avec l'OSE, une organisation qui essayait par tous les moyens de sortir les enfants juifs des camps. C'était très aléatoire: la sortie des enfants se faisait un peu au gré du hasard, officiellement et non officiellement à la fois. n m'était difficile de rentrer dans les camps sans statut officiel. J'ai donc pris contact avec la Préfecture de l'Hérault qui m'a donné le titre d'« assistante publique de la Préfecture ». De cette façon, en 1942, je sortais les enfants des camps d'Agde et Rivesaltes et les confiais à l'OSE, qui avait plusieurs maisons en France. J'ai fait ce travail jusqu'au 11 novembre 1942, date de l'entrée des Allemands en zone sud. A ce moment, l'OSE a décidé de dissoudre les maisons d'accueil en zone ex-libre et d'éparpiller les enfants un peu partout. Je suis restée avec une quinzaine d'entre eux. l'OSE ne sachant où les placer, nous avons décidé, mon mari et moi, de partir avec eux en zone d'occupation italienne. Dans une maison que l'on m'a prêtée, à lsieu dans l'Ain, j'ai ouvert un centre d'accueil, officiellement baptisé «Maison des enfants réfugiés de l'Hérault ». Nous n'avons pas été inquiétés jusqu'à la chute de Mussolini en 1943. L'OSE a continué de nous envoyer des enfants, il y en a eu jusqu'à 80 dans la maison. Nous avons réussi à faire partir quelques-uns des plus grands en Suisse et aux EtatsUnis. Après la chute de Mussolini et le retrait italien, la chasse aux juifs et aux résistants s'est déchainée dans la région. n restait quarante-trois enfants à lsieu. Début 1944, nous avons perçu des signes inquiétants: un médecin juif d'un village voisin a été dénoncé, et raflé par la Gestapo. Quel- On tente d'éviter à Barble l'accusation de crimes contre l'humanité : voici ce qui se passait dans sa région quand il était un des dirigeants de la Gestapo à Lyon. Voici le témoignage exclusif de Mme Zlatin, directrice de la maison d'enfants d'Isieu. Mme Roch, une des rescapées. à Isieu avec deux des victimes en 1944. Isieu, 6 avril 44 ques jours avant le 6 avril, je suis partie à Montpellier, où j'étais connue: devant le danger, je voulais disperser les enfants dans les maisons religieuses et les familles que je connaissais. C'est à Montpellier que, le 6 avril 1944, j'ai reçu ce télégramme: «La maison est malade, et la maladie est contagieuse ». La Gestapo est arrivée au petit matin, ils ont raflé tout le monde, les enfants, le personnel, mon mari, et toute la famille d'un médecin, Léon Reifmann, qui, lui, a réussi à s'enfuir par la fenêtre et s'est caché dans les bois. Un des enfants, qui n'était pas juif, a été relâché un peu plus loin sur la route, sur intervention de parents. La maison avait été dénoncée par un certain Bourdon, qui a été jugé en 1944 et condamné à quinze ans d'indignité nationale. Les enfants ont été conduits à Drancy, et déportés le 7 à Auschwitz. Les autorités allemandes avaient attendu, pour agir, les vacances de Pâques, moment où tous les enfants étaient rassemblés à la maison, pour être sûrs de ne rater personne. Mon mari et deux des plus grands garçons ont été emprisonnés à Montluc, à Lyon. ns ont été déportés dans le convoi du 15 mai 1944, à la forteresse de Kaunas. De ce convoi il est revenu deux personnes. Les Allemands m'ont attendue huit jours à lsieu, où je me serais fait prendre à mon retour sans ce télégramme. J'ai pu faire ériger une stèle 32 commémorative au carrefour des routes d'lsieu et de Brégnier-Cordon, grâce à une souscription nationale. C'est Laurent Casanova, à l'époque ministre des Anciens combattants, le R.P. Chaillet et Agnès Bidault, entre autres, qui l'ont inaugurée. Sur la maison, j'ai fait mettre une plaque avec le nom des victimes, enfants et personnel. Ne croyez pas que tout cela soit terminé: la stèle a été profanée deux fois, la dernière fois en 1978. On l'a endommagée et couverte de croix gammées. n manque encore un morceau de tête à l'un des enfants sculptés qui la surmontent. D Propos recueillis par Jean Michel OLLÉ Klaus 8arbie à la Paz en 1972 Un avocat analyse le mode de dé'ense adopté par .- Vergès pour son client, Klaus Barble. Les déclarations tonitruantes de l'avocat de Klaus Barbie, Jacques Vergès, sur les antennes et dans les journaux ont révolté et irrité ; elles ont aussi posé quelques questions, bonnes ou mauvaises. Force en tout cas est de faire le point sur ce procès au-delà et à cause même du caractère téméraire du système de défense imaginé par un avocat qui plaide davantage devant l'opinion que devant les juges. Que nous raconte l'étrange couple Barbie/Vergès, accouplement contre nature - semble-t-il - d'un vieux nazi non repentant et d'un apôtre de l'ultra gauchisme? Tout d'abord que Jean Moulin a été donné par des résistants, puis qu'il s'est suicidé en se tapant la tête contre les murs ... Ensuite que l'organisation de la venue en France de Barbie Dif1érences - N° 30 - Janvier 1984 constitue un enlèvement illégal. Enfin, que l'on ne peut aujourd'hui poursuivre et condamner ce pauvre vieillard à raison de prétendus crimes qui sont prescrits, et par une loi qui ne saurait être rétroactive. Les deuxième et troisième séries d'arguments, de nature juridique, offrent peu de pertinence, et ont été, ou seront, écartés par la Cour de Cassation : le droit international postérieur à la seconde guerre mondiale fait obligation aux Etats de refuge de remettre aux Etats où les faits ont été commis les criminels de guerre ; la notion même de crime contre l'humanité (notion extra-ordinaire) implique rétroactivité et imprescriptibilité. Mais l'essentiel n'est plus là. Il est dans une défense qui tend, qu'elle le veuille ou non, à opérer une banalisation, voire une néantisation de la barbarie nazie. 33 Or, le procès Barbie, s'il est celui d'un homme, est aussi et surtout celui de son idéologie, celui d'un système fondé sur la terreur, la violence, la haine et la discrimination raciale. Barbie n'est pas inculpé du vol d'un cyclomoteur, mais de crime contre l'humanité, c'est-à-dire « d'actes inhumains commis contre des populations civiles» et «de persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux ». Le « boucher de Lyon » est coupable et condamné pour les meurtres de 4342 personnes, la déportation de 7591 juifs et l'arrestation de 14 311 résistants. Il n'a cessé de revendiquer ses crimes: « Si je devais renaître mille fois, je serais mille fois ce que j'ai été (1) ». L'échevau sanglant des atrocités nazies illustrait autre chose que la guerre de Lyon, 1983 : Barbie arrive à la prison de Montluc. conquête: la volonté affichée d'extermination définitive de catégories sociales toutes entières, volonté fondée entre autres sur le mythe du surhomme et le rejet de la différence qu'elle soit ethnique (les juifs), politique (les communistes) ou sociale (les tziganes). Face à ces sinistres réalités, le système de défense Vergès/Barbie nous pousse à l'interrogation: comment fonctionne-til et qui sert-il? On observera tout d'abord que Barbie ne parle pas directement, sauf par avocat interposé. L'objection qui consisterait à nous opposer qu'incarcéré, il en est empêché, ne résiste pas à l'examen: les livres de détenus font florès, et se vendent bien. Ceux de leurs avocats aussi... C'est Vergès, son apparente antithèse, qui le fait au moyen d'une triple contre attaque: diversion, provocation, illusion. Déstabilisation La tactique de Me Vergès, c'est celle d'une défense-diversion par le parallèle abusif entre nazisme et colonianisme, et par l'utilisation destabilisante des inévitables conflits de la Résistance. Soit disant destabilisantes, plutôt, car personne ne songe à nier, par exemple, que 32 000 Français collaborateurs aient émargé aux services de renseignements allemands. C'est une défense-provocation: en faisant faire à son client, bafoueur patenté et du Droit et de l'Homme, le procès des formes du Droit et celui des Droits de l'Homme, l'avocat pousse encore le bouchon. Et l'inculpé aura son Bâtonnier commis, son procès équitable, sa Cour de Cassation et ses juges européens. Ce qui amuse Vergès/Barbie : attraire l'Etat français, de surcroît socialiste, devant la Commission Européenne des Droits de l'Homme! Les droits de l'Homme pour le nazi! L'envie vous viendrait de rejeter tout humanisme mou : on y résistera en encourageant notre système social à accepter la défense plus extrême pour l'accusé le plus ignoble. A l'accepter mais à y répondre. Enfin, c'est une défense-illusion pour l'antique ruse qui consiste pour l'avocat à attirer sur lui la foudre des critiques et à la détourner ainsi de la tête de son client. Il ne s'agit pas d'affirmer que tout avocat s'identifie et se confond avec son client : quand je défends un assassin de droit commun, une femme qui divorce ou un salarié licencié, je ne suis pas cet assassin, cette femme ou ce salarié; avec plus ou moins de distance et de bonheur, j'assiste une personne à laquelle je suis lié par un mandat de confiance. Mais dans un procès de nature politique, c'est une cause qu'il faut défendre. Et quand Vergès défend Barbie, lequel des deux se sert de l'autre? Quand il le fait de la manière que l'on a vue, la question que l'on peut se poser: à qui et à quoi sert cette défense? Vergès/Barbie, ce couple monstrueux, fonctionne comme un système, le système Verbie, car le verbe de Vergès agit comme un verbiage qui dissimule les faits. Les faits: ceux de Barbie, de 1940 à 1942, comme Obersturmführer, à la section des Affaires juives de la SIPO-S.D., puis à la tête du département IV de la Gestapo de Lyon où il 34 apparaît comme un sadique zélé et minutieux. Cet incontestable talent pour la torture, qu'il mettra plus tard au service de gouvernements fascistes sud-américains, ne semble pas le gêner, même en 1973 où il déclare : « Je ne reconnais pas les crimes de guerre. Il n 'y a ni liberté ni humanité, il n 'y a ni bon ni mauvais ... Je suis un SS, c'est comme un surhomme, c'est un professionnel choisi par Hitler ». Les faits, c'est le martyr des enfants juifs d'Izieu , c'est la rafle de Saint Genis Laval: l'écheveau sanglant est trop long pour être ici dévidé. Tout cela est connu. Ce qui l'était moins, c'était la manière qu'aurait ce nazi de se défendre. Cette manière, c'est le système Verbie, système de brouillage idéologique, prôné par le théoricien de la défense de rupture, une défense mise au service, bradée, à la moins noble des causes. Mais à force de ne pas vouloir être connivent avec le pouvoir et les juges, Vergès court le grand risque de l'être, au moins objectivement, avec le fascisme d'hier, et celui d'aujourd'hui. Une affreuse poupée Il existe dans nos magasins de jouets, entre les mini-ordinateurs et les panoplies de cow-boys, une affreuse poupée maquillée et roulée comme une star d'Hollywood: la poupée Barbie. Vne poupée est un jeu; c'est aussi un prétexte, un symbole qui permet à l'enfant d'étranges projections et renvoie aux adultes des reflets déformés. Ainsi se présente, analogie des noms, le dossier «nation France contre Barbie» : un miroir. Que le nazi Klaus Barbie donne à la société française un regain de cohésion, qu'il joue le rôle d'une révélation et d'un catalyseur de nos tensions internes, ne me gêne pas : il nous le doit très largement. Qu'il soit utilisé dans un jeu de glaces truquées, et alors même qu'il se tait, pour diviser et mentir (torture et assassinat de Jean Moulin), que son procès serve de méthode pour affaiblir et occulter la barbarie nazie, voilà ce à quoi il faut s'opposer. Et il ne s'agit pas que de l'Histoire passée: le racisme d'aujourd'hui, dans nos rues, nos maisons, nos écoles et nos ' trains, trouve aussi ses racines dans celui d'avant hier. Barbie nous le rappelle, ce n'est pas inutile. Pierre Alain GOURION (1) Voir De Montluc à Montluc, de Marcel Ruby, préface de Marie-Madeleine Fourcade, éd. L'Hermès. HIS TB IRE -Palestiniens - Un exode de plus Trente-six ans d'exil pour ce peuple sans Etat ne fois de plus, Yasser Arafat et ses fidèles ont repris la Uroute de l'exil. A croire qu'il ne reste plus au peuple palestinien éparpillé qu'à ériger l'exode en stratégie. Il faut dire que depuis l'installation des Philistins (*) au début de la période hébraïque, c'est-à-dire plus d'un millier d'années avant Jésus-Christ, l'histoire des Palestiniens, comme celle des Juifs, s'écrit entre une terre et un exode. A partir de 640 après J. C., l'arabisation de la Palestine s'est effectuée sur une terre délaissée par son ancien maître, l'Empire romano-byzantin. L'émigration juive, largement entamée auparavant, se poursuit. De fait, pendant des siècles la co-existence judéoarabe va durer, sur le mode d'une occupation permanente et largement majoritaire des peuples arabes, et d'un foyer minoritaire juif, plus ou moins protégé ou malmené, selon les périodes, et vivifié par les pélerinages des juifs de la diaspora. A la création, unilatérale, de l'Etat d'Israël, les pays arabes entrent en guerre. Le jeune Etat vainqueur du conflit, occupe une zone plus large que celle prévue par le plan de partage. Jérusalem en particulier, prévue par l'O.N.V. comme partie extérieure aux deux futurs Etats, se retrouve partagée, la ville nouvelle à Israël, l'ancienne ville aux forces arabes. C'est l'exode palestinien: un million de personnes, partiellement encouragées par les autorités militaires israéliennes, quittent leur patrie. Dès 1948, l'O.N.V. proclamera le droit au retour des réfugiés. Elle crée une organisation d'aide aux réfugiés, l'VNWRA. En 1949, la Jordanie annexe ce qui reste de la Palestine arabe, la Cisjordanie. Les réfugiés vont surtout en Jordanie, Syrie, Koweit. Dès cette période, les différences sont profondes selon le lieu d'émigration: quel rapport entre un cadre palestinien au Koweit (17 % des Palestiniens ont suivi des études supérieures) et un paysan réfugié en Jordanie? Seulement l'identité. Le xxe siècle voit s'épanouir la revendication d'un Etat juif en Palestine. Au-delà des luttes et des implications internationales qui ont présidé à la naissance d'Israël, il faut situer le premier exode palestinien en 1948. L'O.N.V., à qui s'en est remis la Grande-Bretagne, ancienne mandatrice de la Palestine, vient de conseiller A Beyrouth, en 1981 1956, crise de Suez, 1964 création de l'O.L.P., guerre des 6 jours en 1967 : c'est l'occupation par Israël de la Cisjordanie, du Sinaï, de la bande de Ghaza, du Golan. La populale partage de la Palestine en trois parties: un Etat juif, un Etat arabe, et les Lieux-Saints. Bien que la décision finale soit différée, la Hagana, armée nationale juive, occupe le territoire prévu par le plan du partage. De violents combats l'opposent à l'armée de libération arabe, qui se crée à ce moment-là. Les populations arabes fuient les zones de combats à Haïfa, Jaffa sur la côte. Le massacre de Deir Yassine perpétré par les forces de l'Irgoun, et l'utilisation qu'en font les deux camps accentuent la panique. (1) Ce sont eux qui ont donné son nom à la Palestine. Différences - N ° 30 - Janvier 1984 35 tion cisjordanienne a été tentée de fuir à nouveau, mais beaucoup sont restés, ou revenus dans les territoires occupés. 175 000 sont partis. , Le premier exode s'était fait surtout vers la Jordanie. La détérioration des relations entre Hussein et l'O.L.P. (Septembre Noir, en 1970) a déplacé une petite partie de la population, mais surtout les leaders, vers le Liban. Les chefs palestiniens sont à nouveau en exil. Après leur départ, il ne faut pas oublier que restent 4 millions de Palestiniens, deux millions en Israël et dans les territoires occupés, un million en Jordanie, un million dans les autres pays du Proche-Orient... et 100000 aux Etats-Vnis. 0 Jean ROCCIA EN DE BA André WURMSER Ecrivain Mon Dieu, quelle guerre cruelle, je trouve deux hommes en moi. L'un dit : Si nous sommes en 1933 ? Hélas oui. ifférences ne poserait pas cette question si elle ne Dcontenait sa réponse. Evidemment oui, nous sommes en 1933. Voilà plus de dix ans que le monde capitaliste est à nouveau en proie à une crise économique : comment certains de ses dirigeants ne songeraient-ils pas à en sortir par la guerre? Quel pays industrialisé ne compte-t-il pas ses chômeurs par millions ? Le déglingage du système monétaire, l'inflation généralisée, l'insolvabilité multipliée, la domination des USA et sa fragilité, la montée des périls : volonté de libération des peuples, accroissement de la production des pays socialistes, comment sortir autrement de tant d'impasses? En 1933, un pouvoir s'est installé en Allemagne à qui les puissances capitalistes ont donné plein pouvoir pour les débarrasser du socialisme. Disons que nous vivons un 1933 aggravé. Car après tout, si stupide que ce fut - « Ah, les cons! » dira Daladier - espérer que sacrifier la Tchécoslovaquie apaiserait Hitler était moins dangereux qu'offrir son pays pour champ de bataille aux euromissiles. Les similitudes sont frappantes: la vague belliciste est toujours nationaliste et aux temps modernes, raciste. Sur mon bureau s'entassent des tracts racistes transmis par des Français de toute la France. La municipalité RPR de SaintLaurent du Var parle des adhérents « colorés » de la CGT. La droite ne fait pas plus barrage au racisme français en 1983 que la droite allemande au nazisme en 1933. Dreux n'en est qu'un exemple mineur. On assassine dans un train un voyageur parce qu'il est Algérien: on n'entendra s'indigner aucun parti de droite, aucun leader de ce côté-là. Si nous sommes en 1933 ? Hélas oui. 36 -Crise et 1983 C'est l'heure du bilan - formule du Débat, sur la France en Maryse, 43 ans, responsable formation Je ne pense pas que ces deux époques soient comparables. Le fanatisme n'atteint pas la même dimension que sous le nazisme. En outre, il y avait Hitler dont l'impact sur les foules et la capacité à mobiliser étaient immenses. A l'heure actuelle, les actions racistes demeurent sporadiques. Il n 'y a pas concentration des esprits sur les arabes ou les juifs. Les peurs sont autres. Peur d'un conflit nucléaire par exemple. Et puis finalement je ne crois pas en la répétition de l'Histoire. Stéphane, 22 ans, avocat stagiaire On peut constater certaines similitudes entre les années 1933 et 1983. Crise économique, présence forte de la gauche, focalisation des gens de droite sur le racisme. En Allemagne, c'était les juifs. En France, actuellement, ce sont les immigrés. Cependant, l'Histoire ne se répète jamais de la même façon. C'est pourquoi je dis qu'il y a un risque sérieux que ce soit comparable. Risque et non pas certitude. Cette éventualité suffit pour que nous soyons vigilants en faisant en sorte que 1933 soit un exemple à ne pas suivre. Histoire- 1933? Dans cette nouvelle Différences s'interroge danger de fascisme Mino, 35 ans, animatrice radio Je suis intimement convaincue que ces deux époques sont comparables. Je nous donne encore un an, un an et demi d'illusion générale. Ensuite, il faudra que tout le monde se rende à l'évidence: « C'est la merde ». Entre 1933 et 1939, il Y a eu six ans de répit. Dans le cas présent, il n 'y a pas six ans à attendre. Patrick, 37 ans, enseignant. La comparaison peut difficilement être établie car il n'y a pas de Hitler en France. D'autre part la situation de la majorité gouvernementale actuelle ne me paraît pas comparable à la majorité de la République de Weimar entre les deux guerres. En outre, l'éventualité d'une guerre mondiale dépasse largement le cadre français. Cela pourrait se jouer entre les Etats-Unis et l'Union Soviétique. Tout ceci ne signifie pas qu'il n'y a pas de montée de la droite à l'heure actuelle. Disons pour être optimiste que les capacités de contre-offensive de la gauche ne me paraissent ni exclues, ni dérisoires. Différences - N° 30 - Janvier 1984 37 André WURMSER Ecrivain Le second dit : Non, 1933 appartient au passé, est bien passé, dépassé. videmment non. Jamais les peuples ne sont intervenus Edans leur histoire comme aujourd'hui pour la paix. Jamais les défenseurs de celle-ci n'ont été aussi nombreux et aussi déterminés. Sans doute, la nature de l'anticommunisme et de l'antisoviétisme n'a-t-elle pas changé: elle comporte toujours les mêmes dangers, mais comptez les forces de paix d'aujourd'hui et comparez-les aux maigres minorités d'autrefois! Même si elles inquiètent l'impérialisme dominant et, dialectiquement, le poussent à la folie, elles le contraignent d'autre part à compter avec elles. Le déclenchement de la guerre était aisé; il est devenu, non seulement périlleux pour qui le déciderait, mais incommode. Quant au racisme, allié des va-t-en guerre, d'imprudents sont favorables aux euromissiles sans être du tout racistes, mais il n'est pas de raciste qui ne soit favorable aux euromissiles - il est, c'est vrai, favorisé par le problème de l'immigration, mais nous sommes échaudés : si une minorité aveugle se laisse entraîner à l'inimitié raciale, les Français sont, dans l'ensemble, résolus à ne pas se laisser gangrener. Il est toujours plus difficile d'entraîner l'humanité dans la honte une deuxième fois que ce ne le fut la première. Non, 1933 appartient au passé, et bien passé, dépassé. De ces deux points de vue, lequel choisirai-je? - Ni l'un ni l'autre. Il n'est pas sûr que 1983 ne présage pas la même suite que 1933, mais ce n'est pas fatal non plus. Pour savoir ce qu'aura été 1983, il faudra vivre 1989 ; fêtes du bicentenaire de la Révolution française ou répétition en son cinquantenaire, de la gùerre mondiale? Nul ne le sait à présent. Rien n'est écrit. La réponse à la question de Différences dépend de nous, de nous tous, de chacun de nous. IlA PAROLE A/ Merzak Allouache Cinéaste algérien de la tendresse et de la révolte, il est à trente neuf ans le réalisateur du merveilleux films néoréaliste à l'italienne Omar Gatlato et des Aventures d'un héros. Après plusieurs années de silence, il nous offre aujourd'hui L'homme qui regardait les fenêtres, un film qui nous plonge dans l'univers de la schizophrénie. e cinéma arabe est à l'image des pays arabes, c'est-à-dire très ~~L diversifié. R est cependant marqué par une thématique com- ". mune, ce regard à nos racines, sur la grandeur de l'Islam. Le cinéma algérien est un cinéma récent, qui a vu le jour au lendemain de l'indépendance. Très ancré dans le processus de libération nationale, il a longtemps balbutié, d'une façon artisanale, à la recherche d'une identité. On reproclle au cinéma arabe d'être trop lent, en fait il est à l'image de notre mode de vie, c'est un problème culturel. Les cinéastes arabes, sont restés des conteurs qui pénètrent douvement dans le récit. R y a là un décalage, une contradiction. En effet le public européen ne va pas facilement vers quelque chose de différent, nous sommes dans la nécesité de trouver un langage plus rythmé, si nous voulons être reconnus. Depuis mon premier film, je porte un regard sur la société algérienne, sur ce qui fait son quotidien, les hommes, les villes. J'essaye de ne pas faire un cinéma populiste, je suis toujours en recherche et mon dernier film, L'homme qui regardait les fenêtres, est peut-être un peu plus difficile, un peu plus hermétique. C'est l'histoire d'un vieux bibliothécaire déçu etfrustré, qui évoque au cours d'un entretien avec un psychiatre la journée et la nuit qui précèdent le meurtre d'un de ses collègues. Oui, le cinéma algérien est nationalisé, c'est un axe très important de notre vie culturelle. Quand je vois ici en France par exemple le nombre de cinéastes qui ne disposent d'aucune structure, d'aucun moyen, je suis assez content de mon sort. Je suis salarié et c'est à ce titre que je peux m'exprimer en toute liberté. 0 38 Propos recueillis par Stéphane JAlON COURRIER Racisme et culture Après avoir lu votre dossier des numéros de septembre et octobre sur le racisme, je me permets de vous livrer les quelques réflexions que ceux-ci m'ont inspirées. Concernant la question ellemême

« Le racisme est-il naturel?

», il me semble nécessaire de définir les termes clés : racisme et nature. Pour le premier : il est apparu au travers des diverses interventions qu'il pouvait être traduit de plusieurs façons : - au niveau social, comme synonyme de xénophobie, - au niveau politique, comme synonyme d'intolérance, etc ... Il faut aussi, je crois, dénoncer la montée de plus en plus préoccupante de ce que l'on peut appeler le « chauvinisme occidental » ou « chauvinisme du Monde libre» qui a, bien sûr, toujours existé mais qui prend de plus en plus des allures de Guerre sainte. Qu'il s'agisse, (pour ne parler que des problèmes auxquels la France est confrontée), du Tchad ou du Liban, le concert des boutefeux, complaisamment relayés par les médias, ne peut que nous inquiéter dans un monde déjà surarmé. L'hétérophobie, ce refus d'autrui, dont parle Albert Memmi me semble bien illustrer le problème à différents niveaux et c'est en tant qu'individu intéressé aux processus de la biologie que je vais essayer de poursuivre, à partir de ce mot. On peut montrer, par l'expérimentation, que la mise en situation nouvelle d'un animal (y compris la mise en présence d'un congénère non familier) provoque chez celui-ci une décharge d'hormones, adrénaline et corticoïdes entre autres, que l'on peut grossièrement qualifier d'hormones du stress. En d'autres termes, une modification de l'environnement immédiat (environnement social compris) de l'animal pourra provoquer chez lui une réponse biologique/semblable à/se rapprochant de/sa réponse à une agression physique, infection ou blessure par exemple .. Tout en nous méfiant de transpositions hâtives, on peut penser qu'il y a là le substrat biologique de la néophobie (peur de nouveau) et donc de l'hétérophobie. Notons que les processus de familiarisation interviennent par la suite pour ce type de réponse. L'existence d'un support biologique aux actes humains semble donner consistance à la notion de « nature humaine ». Pourtant, si l'on approfondit un peu la recherche des déterminants d'un comportement, on peut constater que la réponse d'un individu à un moment donné dépend de son histoire passée et présente, de son « vécu » et ceci est vérifié aussi bien par la psychologie, que la sociologie et l'éthologie. A partir de là où se situe l'individu « normal », le modèle permettant d'affirmer que la « nature» se situe entre telle et telle limite? . J'aurais plutôt tendance à considérer la notion de nature humaine comme une invention qui s'appuyant sur des observations naturalistes idéalistes ( .. .le bon sauvage de J.J. Rousseau) et de soi-disant évidences tend à faire adopter par le plus grand nombre certaines « normes utiles » permettant au groupe sociologique dirigeant et possédant d'asseoir sa domination ou de rentabiliser son système ... Une sorte de «terrorisme idéologique » (on peut lire à ce propos le livre d'E. Badinter sur la création de l'amour maternel: l'amour en plus). Ceci dit (dit sans trop de nuances, j'en conviens), il n'est pas question d'oublier que, en tant qu'êtres vivants, il y a certaines contraintes biologiques auxquelles nous n'échappons pas et qui contribuent à dessiner la silhouette plus ou moins précise de ce qu'est l'humain. Cependant, même deux êtres humains génétiquement identiques (jumeaux) ne vivent pas la même chose et donc seront forcément différents. Clamer la différence, c'est dire qu'il existe un continuum d'êtres plus ou moins semblables, plus ou moins différents. Et si l'on veut à tout prix définir la nature humaine, ce ne peut être que cet ensemble non fini. La différence, c'est d'abord qu'il y ait des hommes et des femmes, et je ne vois en cela rien à redire. Ce qui est intolérable, c'est quand différence signifie inégalité et domination de l'un sur l'autre: inégalité des peuples face à la faim, au développement, au fardeau des guerres, inégalité sociale, inégalité des sexes, etc ... ). Combattre le racisme passe donc forcément par la lutte contre le sous-développement et pour la culture. Vaste problème auquel Différences apporte sa contribution. Bon courage. 0 G. LEBOUCHER Rennes Différences - N° 30 - Janvier 1984 Grenadeset boules puantes Je voudrais apporter un certain nombre de précisions aux articles du n° 28 de Différences consacrés au cinéma et à la guerre d'Algérie et au mystère Audin. Maurice Audin n'était absolument pas déserteur de l'armée française, mais celle-ci l'a simplement porté disparu après l'avoir assassiné. D'autre part, à ma connaissance, il n'est pas le héros de la question, film tiré du livre où Henri Alleg racontait ce que l'armée lui avait fait subir. Pour aller dans le sens de l'article, je signale que le film de Heyneman a très vite disparu des salles, les directeurs de salle ayant rapidement reculé devant les intimidations diverses lancées par les nostalgiques de l'Algérie française : grenades lacrymogènes, boules puantes. Enfin, on cite souvent le comité Maurice Audin comme la seule manifestation contre la torture. C'est oublier qu'avant 1957, de nombreuses personnes, dont Clavel, ont protesté, et que certains ont été emprisonnés pour cela. Jacques LANDON Tours ,",'al mal à la France J'ai mal à votre pays, j'ai mal au pays de mon mari, j'ai mal au pays de mes enfants, j'ai mal au pays qui est devenu le mien depuis quatorze ans date de mon mariage avec un Français. La France n'est plus la France pour moi. C'est un pays étranger au même titre que tout autre dont je ne connais ni la langue ni la culture. Ce mythe de cette terre d'asile, de ce peuple dont je me sentais si proche n'en finit pas de mourir en moi. Je parle le français depuis mon plus jeune âge. Mes professeurs me l'ont si bien enseigné, ils m'ont tant vanté les vertus de tolérance, d'égalité de leur terre que j'y ai cru. Lors des cours de « civilisation française » on nous présentait ce pays comme une nation policée où la courtoisie régnait. Je me sens aujourd'hui comme un être grugé blessé au plus pro- . fond de soi. Mes professeurs ont. oublié de m'apprendre le sens des mots «ratons, melons, bougnouls ». Je l'ai appris ici lorsque je l'ai vu barbouillé sur des murs, entendu lors de discussions. Ainsi donc nous ne sommes que des animaux, des légumes. Des tracts abjects circulent à notre sujet. On a tué un enfant cet été, deux hommes la même semaine. On les a supprimé de façon délibérée parce qu'ils sont Arabes, parce qu'ils ont un faciès non conforme aux canons d'ici. Ils ont commis le délit d'être différents, d'être d'ailleurs. Certaines formations politiques s'en servent par électoralisme. Elles doivent aujourd'hui mesurer les conséquences de leur langage. Le pouvoir ne doit pas être atteint en marchant sur les cada· vres des innocents, on ne doit pas y accéder en bafouant des êtres humains. Quant à la meilleure façon de lutter contre le racisme, elle se trouve en premier à l'école. Comme nous avions au Maroc des cours de civilisation française, il serait temps que celle des autres pays soit enseignée ici. On ne méprise pas celui dont on connaît la culture, dont on parle la langue, celui dont on connaît l'identité. Alors on pourra parler du dialogue Nord-Sud qui n'est aujourd'hui qu'un mot creux ». Mme Haji RIVET Pau Les petites annonces de DIFFÉRENCES PRESSE Des journalistes, rédacteurs, photographes, maquettistes, illustrateurs lassés d'une presse trop individualiste, ont créé un réseau, Presse organisation média (POM, association loi 1901). Leur but : regrouper les professionnels de la presse contraints de travailler en solitaires et réaliser des journaux « à la carte »ou « clé en main », de la rédaction à la maquette et au suivi de fabrication. Pour tous renseignements: POM - 21, rue de Montreuil 75011 Paris. Tél. (1) 371.56.13. n° 1 PHOTO DIVERS Recherche, d'occasion, objec- Pour l'équipement de la tif Canon 200 mm, Canon bibliothèque de Différences, macro. Ecrire ou téléphoner pour l'efficacité de son foncau 806.88.33 (Véronique)n° 2 tionnement, on demande à généreux donateur une LOGEMENT armoire aux dimensions suiJournaliste cherche apparte- vantes: largo 1 m. haut. 2 m, ment 3 pièces. Quartier: 1,2, prof. 0,50 m. Tant qu'à faire, 3 ou 11 e arrdt. Anne Pitois et. d'avoir la bonté d'effectuer la Tél. 233.51.66 poste 286, aux livraison à Différences. n° 5 heures de bureau. n° 3 Je recherche toutes documen- ECHANGES tations ou éventuellement Cherche à échanger Histoire renseignements sur stages Littéraire de la France contre d'oenologie. Ecr. au journal Encyclopedia Universalis. qui trans. n° 6 Ecr. au journal qui transmettra n04 Tarif: 25 F T.T.C. la ligne (26 signes ou espaces) Texte et règlement à Différences: 89, rue Oberkampf 75011 Paris Tél. 806.88.33 Les membres de la Société des amis de Différences bénéficient d'une insertion gratuite par an (maximum 5 lignes) 1 1 1 1 1 1 l, 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Il 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 .1 1 1 1 1 8«-- 39 23 RUE PHILIBERT-DELORME 75840 PARIS CEDEX 17 TÉL. 766 52 62 Nous voulons faciliter votre vie en facilitant vos déplacements. Toujours tous les jours. é RAtP Pour mieux vivre Paris et 1~lle-de·France. • Centre d'Information Téléphonique (CIT): 346.14.14. 40 Tatouages « Comme lui, j'ai aimé, comme lui j'ai souffert ». cc L'holnlne le plus fort sent d'une Inanière instinctive que l'ornelnent trace une ligne de délnarcation infranchissable entre lui et l'anilnal et quand il ne peut broder ses habits, il br~de sa peau n. Théophile Gautier Eages d'ailleurs, rêve de lointain, le tatouage est d'abord une histoire de marins: l'ancre où viennent s'enrouler les cordages, le grand voilier auquel on appartient, les ports de Dakar, Casablanca, Bornéo, Java, Sumatra. Et puis, il yale tatouage des taulards, autres temps, autre moeurs. Les noms de liberté, de puissance, sont gravés. On n'épingle plus l'image de la pin-up au dessus de son lit, on inscrit son image, son prénom dans sa chair. Le tatouage, dans ce cas, est indispensable, comme s'il aidait à mieux vivre, à avancer dans le temps sans trop souffrir de l'emprisonnement. Il devient le compagnon de chaque heure, de chaque minute, celui qu'on regarde, celui qu'on exhibe afin de mieux supporter. Et surtout, c'est le moyen de ne pas oublier, jamais, ce qu'on a vécu, de garder en permanence la marque de la souffrance, et de montrer son passé à l'autre. Un seul regard suffit alors pour savoir ... Le contact s'établit très vite. Le verbe n'est plus indispensable. Et puis, il yale tatouage traditionnel des Africains du Nord, des Asiatiques, celui des lycéens, des collégiens, des prostituées, des motards californiens ; et puis tous ceux qui veulent ressembler à des marins, et ceux qui veulent nous faire croire qu'ils ont fait l'Indochine, ou bien qu'ils sont partis, loin, et ceux qui veulent être quelqu'un d'autre, qui cherchent, qui se cherchent. Tricheurs à leur façon, mais tant pis, c'est une manière d'être, ou de devenir. Ils veulent un navire sur le bras, un aigle dans le dos, parce qu'un aigle c'est beau, parce qu'un aigle, c'est noble. Avec un tatouage, on voyage. « Pourquoi te fais-tu tatouer? Parce que c'est beau, rétorque Philippe, un dragon, une Différences - N° 30 " Janvier 1984 41 panthère, un poignard et son prénom parce que je l'aime }). Et puis il y a tous les autres tatoués, qui n'ont jamais rêvé d'être des héros. Ils portent leur tatouage comme une minuscule oeuvre d'art, un bijou, un très beau bijou d'une très grande valeur. Il se porte d'une manière délicate, derrière l'oreille, sur l'épaule, au creux du coude, sur le pied, à la cheville, au poignet. Le motif est personnalisé. Il est hirondelle, oiseau exotique, papillon multicolore, signe astral. Un objet favori, en somme. Mais comment peut-on choisir son corps comme support? Comment peut-on se dessiner une seconde peau sans parler de malaise, de souffrance ? Théophile Gautier emploie le mot «broder» si délicat et si fin que ceux de «marquer », «ancrer », « piquer» semblent plus justes: parce que ça fait mal de voir quelqu'un se faire tatouer. La boutique d'Elvis, rue de la Roquette à Paris, est attirante, parce que rare. Impossible de ne pas s'y arrêter. Le pourtour des yeux, les bras, le front tatoué, Elvis est déjà une vitrine en soi. « Aujourd'hui, on pique électroniquement. On trempe une aiguille, pourvue d'une pompe à injection, dans l'encre de Chine, et on marque la peau de trois à cinq mille points minute. C'est très rapide et précis. Il existe une quinzaine d'encres de couleurs différentes. De quoi offrir du rêve et des fantasmes }). Cinquante francs pour un prénom, mille pour un aigle. Elvis tatoue tout le monde., partout à tour de bras. Mais le plus angoissant reste le côté définitif, irréversible, du dessin. Les mots « à jamais» et «toujours» l'accompagnent le plus souvent. Message visible, étrange et captivant. 0 Laurence ADNET / POM ! 'ASENDA' -JANVIER 6 A la Mutualité (24, rue St-Victor, 75005 Paris), vingtième anniversaire des premiers Statuts d(~s objecteurs de conscience. Gala débutant à 20 h. avec Olga Forest, Louis Capart, Gérard Pierron et Gilbert Lafaille. Rens. Union Pacifiste de France (1) 603.27.67 0 9 Dans le cadre des lundis du Théâtre du Forum, spectacle de Pierre Bensoussan et Chiquinto Timoteo. Rens. Théâtre du Forum, 15, rue de ['Equerre d'Argent, Niveau 3, 75001 Paris. Tél. : 297.53.47. 0 1 0 Jusqu'au 29 : nouveau tour de chant de Toto Bissainthe, chanteuse haïtienne dans un spectacle intitulé Mémoire, Mémoire. .. Du 31 janvier au 19 février, Jango Edwards, clown-rock américain. Rens. Palais des Glaces, 37, rue du Faubourg du Temple, 75010 Paris. Tél. : (1) 607.49.93. D. Il A 20 h 45, au Centre de Moser, rue de l'Ecole des Postes à Versailles, à l'appel des trois grands courants religieux, juif, chrétien et musulman, se tiendra une réunion de préparation des assises nationales « Vivre ensemble avec nos différences ». 0 15 Dernière de Rue Noire - Ballade irlandaise d'Any Diguet. L'action se passe à Belfast, dans une rue déchirée par les bombes. La Cie Roger Blin et le théâtre du Gué présentent cette pièce au Théâtre de l'Epée de Bois de la Cartoucherie de Vincennes. Rens. Tél. : (1) 808.39.74. 0 18 Jusqu'au 23 mars, grande exposition Jeunes issus de l'immigration au Centre de Création Industrielle du Centre Georges Pompidou à Paris. Différences y participera (voir article dans ce numéro). 0 21 A 20 h 30, à l'Auditorium de Longjumeau (entrée: rue des Peupliers) Essonne, soirée organisée avec le comité local du MRAP, sur le thème du Maghreb avec en première partie: débat avec Ezredine Mestiri, auteur du Guide du Maghreb à Paris, et Slimane Zeghidour (alias Saladin). En deuxième partie la troupe Ned'Jma, avec Moussa Lebriki, présente Et moi je suis resté comme une chaise, la vie d'un immigré racontée à la manière d'un conteur arabe. 23 Clôture de l'exposition Hommage à Jean Giono au Chateau de Cabriès en Provence (Bouchesdu- Rhône) avec débats et projections de films. Tél.: (42) 22.42.81. 0 CULTURES DU MONDE Maison des Cultures du Monde - 101 bd Raspail - 75006 Paris. Tél. (1) 544.72.30. Programme de janvier à mars 84. Conférence du lundi 9 janvier. Jean Malaurie. « L'Arctique de la seconde à la troisième génération ». 2e Festival du film des Musiques du monde, du 11 au 17 janvier. Plus de 40 heures de projection de films pour la plupart inédits et consacrés aux musiques des peuples du monde. Ces films seront également présentés à la Cinémathèque du Musée de l'Homme et à la Cinémathèque du Centre Georges Pompidou. Le livre des délectations et du plaisir partagé, du 26 janvier au 19 février. Vie de Abou Hayyan Attawhidi par le Masrah Ennass. Création mondiale. Spectacle de théâtre marocain mis en scène par Tayeb Saddiki. En langue arabe avec fil conducteur en français. Dans le cadre du cycle « Théâtre et dérision ». Conférence du lundi 6 février. Georges Balandier. « Transgression et dérision ». Zeet (Asphalte), lundi 13 février. Première mondiale du film de Tayeb Saddiki. En langue arabe, sous-titré en français. Kodo du 17 au 26 février. Les tambours d'enfer et les danses de l'île de Sado. Le Japon de retour avec ce fabuleux spectacle au Théâtre des Champs-Elysées. - 2 5 Jusqu'au 23 avril, à la Galerie de la Bibliothèque publique d'Information du Centre Georges Pompidou (Paris 4"), Carnavals et fêtes d'hiver, exposition réalisée à partir de photos d'archives sur les carnavals d'Europe. Rens. (1) 277.12.33. p. 44-49. 0 FÉVRIER 1 Jusqu'au 19, la Compagnie Anne Dreyfus présente, avec le ballet Nuits, créé en 1983, deux autres créations: l'une sur un quatuor de Beethoven, l'autre sur une musique originale de Patrice Boyer, au Théâtre de la Plaine, 13, rue du Gl Gauillaumat, 75015 Paris. Tél. (1) 250.15.65 et 842.32.25. 0 2 3 et 4, à 21 h . Marie des Brumes, création du Théâtre de Sartrouville, en coproduction avec le Théâtre de la Ville, cantate sur un poème scénique d'Odysseus Elytis (Prix Nobel 1979). Rens. Théâtre de Sartrouville, rue Louise Michel. Tél. (1) 914.23.77. 0 7 Jusqu'au 27 mars, tous les mardis de 20 à 22 h, série d'interventions sur le thème : Les communautés étrangères en France " la pratique des relations interculturelles. Le 7 février: Le statut des immigrés; conséquences qui en découlent avec Jacqueline CostaLascoux, Catherine de Wenden et le Gisti. 14 et 28 février: Problèmes rencontrés dans le logement, le quartier, la vie communale, à l'école, dans la vie culturelle, avec Colette Petonnet, Gilles Verbunt, Antonio Perotti, Serge Boulot et Danièle Fradet. 6 et 13 mars: Problèmes rencontrés dans l'économie et la vie de travail avec J .-P. Garson et Jean Weydert. 20 mars: L'expression des immigrés

la vie associative avec des

journalistes de « Sans Frontières », Maria da Garca et André Costes. 27 mars: Incidences de l'immigration sur la société française, en particulier sur la conception de la citoyenneté et de la nationalité avec Jean Lecat, Catherine de Wenden et Jean-Louis Schlegel. Les inscriptions se font au Centre Sèvres, 35, rue de Sèvres, 75006 Paris, de 14 à 18 h. Tél. (1) 544.58.91. Le droit est de 160 F. 0 42 8 Jusqu'au 21 mai 1984, à la Bibliothèque publique d'information du Centre Georges Pompidou (Paris 4e), Théâtres d'Afrique noire, issus des pays de l'Afrique noire d'expression française. Exposition ..:omprenant les sources d'inspiration, les hommes de théâtre, les lieux et le public. Rens. Tél. (1) 277.12.33 poste 44-49. 0 Il et 12, deuxième session du Service National de la Pastorale des Migrants sur le thème, Parents et enfants dans l'Immigration, comment se transmet et se recrée l'héritage culturel et religieux dans l'immigration ? Ruptures, conflits, nouveaux apports? Animateurs: André Costes, Emile Granger, Adil Jazouli, Odile Michelat et Manuel Pimentel. Rens. Centre Culturel Les Fontaines. Tél. (1) 457.24.60. 0 ET ENCORE Mamans. Durant tout le mois de janvier, Mémoires d'Isles,' Maman N. et Maman F. (récits recueillis et adaptés par Ina Césaire) au Théâtre 18, 16 rue Georgette Agutte, à 21 h. Dimanche à 16 h. Relâche dimanche soir et lundi. Rens. Théâtre Campagnol. Tél. 661.14.27. (Voir critique dans Différences n° 28 p. 26). 0 Langue. L'association Langue et Culture, organise le mardi et le jeudi, 23, rue du Laos, 75015 Paris, des cours de français pour les ressortissants du . Sri Lanka ou de tout autre pays de langue anglaise (seconde langue). Ils ont lieu de 21 h à 22 h 30. Tél. (1) 734.70.07. 0 Rythme. L'ACRA vient de créer au Foyer Montorgueil, 46, rue Montorgueil, Paris 2", une activité de danse et d'expression corporelle basée sur les rythmes africains. Pour adultes le lundi de 18 à 20 h., le jeudi de 20 à 22 h. et le mercredi pour les enfants. Rens. (1) 241.93.87, 257.97.81. 0 Dernière minute. Pour ceux qui ont de l'antiracisme entre les oreilles: branchez sur TSF (93 MgH) le 13 janvier à 19 h 30 : c'est Différences qui cause dans le poste jusqu'à 21 h. Chaque mois, une émission centrée sur une immigration différente. Agenda réalisé par Danièle SIMON R IX vêtements BESANçoN: 1, rue Gambetta LA ROCHE-SUR·YON: 11, rue Stéphane-Gulllemé BESANCON : 1 , rue Gambetta LA ROCHE-SUR-YON: 11, rue Stéphane-Guillemé GRENOBLE ST·MARTIN D'HERES: 72, avenue Gabriel-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE ST-MARTIN D'HERES: 72, av. G.-Péri GRENOBLE ECHIROLLES: Grand Place GRENOBLE FONTAINE: Centre Commercial Record ORGEVAL: Centre Commercial "Les seize arpents" AGENCE FRANCAISE • POUR LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE: UN ÉLÉMENT DE COOPÉRATION INTERNATIONALE, UN FACTEUR DE DÉVELOPPEMENT Si la maîtrise de l'énergie est une priorité pour la politique énergétique des pays industrialisés, elle offre aussi une possibilité importante de coopération économique entre ces pays et ceux en développement. En effet. si, au sens strict du terme, les économies d'énergie ne sont applicables que dans les pays où la consommation est déjà forte, où bien souvent sévit déjà Je gaspillage, l'utilisation rationnelle de l 'énergie est applicable partout. Même là où la consommation est faible, où l'effort d 'approvisionnement ou de production d'énergie supplémentaire doit être considérable pour permettre le développement économique, J'augmentation de la consommation doit être soigneusement évaluée et gérée de façon économique pour accroître le niveau de confort, sans augmenter proportionnellement les dépenses énergétiques. Parallèlement, doivent se développer Les énergies LocaLes et renouveLables: hydraulique, géothermie, énergie soLaire, biomasse, énergies du vent et de la mer. Produites et utilisées sur pLace, échappant donc aux circuits marchands, offrant une meilleure garantie d'approvisionnement, plus diversifiées et plus décentralisées, cellesci interviennent de façon décisive pour un développement économique autonome et indépendant. Orienter la coopération en fonction d'une telle démarche est le bon moyen en vue de diminuer les inégalités criantes et de réduire l'écart entre les plus nantis et les plus pauvres. C'est bien de cette façon que l'Agence Française pour la Maîtrise de l'Energie mène sa politique afin de promouvoir, en priorité, dans les pays en développement des technologies adaptées à leurs besoins, de les aider à maÎtriser eux-mêmes leurs problèmes énergétiques. A la fois élément déterminant pour sortir de la crise et moyen de réduction de la tension économique au plan international, la maîtrise de J'énergie concourt, elle-aussi, à préserver la paix. En transformant directement en électricité le rayonnement solaire. les capteurs photovoltaïques peuvent fournir une solution efficace et adaptée pour certains besoins, ainsi du pompage de l'eau au Mali. A.P.M.E. 27, rue Louls-Ylcat, 7150115 Paris. Tél. & .. & ...... 71.


Notes

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