Différences n°260 - octobre 2006

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Sommaire du numéro

n°260 de octobre 2006

  • Actes du olloque: antisionisme et antisémitisme
    • Ouverture du colloque par Mouloud Aounit
    • Antisémitisme, antisionisme et antiisraëlisme par Pierre Stambul
    • Sionisme et colonialisme par Denis Sieffert
    • Les difficultés du débat sur le Proche-Orient en France par Pascal Boniface
    • « antisionisme, antisémitisme » pourquoi ce débat par Pascal Lederer
    • L'extrême-droite, l'antisémitisme et le sionisme d'extrême-droite par René Monzat
  • La guerre du Liban: crimes de guerre et échec militaire par Pierre Stambul [Moyen-orient]
  • Supplément au n°259: Tsiganes, Rroms, gitans et gens du voyage
**synthèse du témoignage de Jeanne Gamonet
    • La situation des Tsiganes, Rroms, gitans et gens du voyage et les droits de l'Homme par Malik Salemkour
  • Appel à la 3e journée européenne d'action sur les migrations
  • Journées de l'éducation: couleurs de l'antiracisme par E. Verlaque


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Journée! turopttnnt d'.ction SUt Its mlgr.tions 2 Sommaire ---~ ~- - - -- - - - -~- Edito : International ' Dossier ' Immigration ' Discrimination · Education ' Kiosque COlloque du 13 mai 2006 : Antisionisme et antisémitisme 3 International 19 • La guerre du Liban: crimes de guerre et échec militaire Rroms 21 • Tsiganes, Rroms, Gitans, Gens du voyage • La situation des Rroms, Tsiganes, Gitans, Gens du voyage et les droits de l'Homme Immigration 23 .Appel à la troisième journée européenne d'action sur les migrations Education 24 .Journées Education des 10 et 11 juin 2006 à Paris: Les couleurs de l'antiracisme Mémoire Ull livre de Paul Muzard Ed. Algériells en Dauphillé Algériens en Isère « Différences ' 43, bd de Magenta 75010 Paris Tél. : 01 53 38 99 99 Fax: 01 40 40 90 98 6€ le numéro Abonnement :21 € (4 numéros/an) IMPRIMERIE Impressions J·M. Bordessoules Téléphone: 0; 46 ;9 01 32 Commission paritaire n° 0108H82681 M. Bedjaoui, ministre algérien des Affaires Etrangères, a écrit : « La lecture de quelques passages de cette belle réalisation de portée historique m'a fait revivre la ferveur des moments aussi pénibles que chaleureux que i' ai passé à Grenoble dans les années cinquante ... Je suis convaincu qu'en ce moment où les Algériens et les Français s'acheminent vers une réappropriation de leur histoire commune, les nombreux témoignages que vous apportez dans votre ouvrage contribuerons concrètement au travail de mémoire lancé des deux côtés de la Méditerranée ». cOuoeCTIoeDEDDOEcnON Directeur de publication: Mouloud Aounit Directeur de rédaction (') : J.-c. Dulieu jcd.mrap®Wanadoo.fr Responsable productions (' ) : S. Goldberg Assistant prod./rédaction (') : J. Grzelczyk Administratrice (*) : M.-A. Butez (~) - Bélléroles Notre sélection A chaque numéro, nous vous proposons une sélection de livres, romans, essais, études, enquêtes ... ainsi que des fiches de cinéma. Voici la sélection du trimestre. N'hésitez pas à nous faire parvenir vos notes de lecture. CltCILIA GABiZON JOHAN WEISZ .O.. PA ~= SUR LES JUIFS "':": DE FRANCE OPA sur les juifs de France JCO Cécilia Gabizoll, Johan Weisz Editions Grasset I7,50euros Une enquête sur un exode programmé (" Sarcelles d'abord ,,) par deux journalistes (Figaro et Radio Shalom ) peu suspects de gauchisme! Dans cette enquête de 3 ans au coeur de la communauté juive, on voit entre autres omment des intellectuels venus de l'extrème gauche font cause commune avec l'extrême-droite pour fustiger la France " antisémite et pro-arabe ". La rencontre entre le sionisme et le marketting est inédite, et mérite le détour. Suite de notre sélection p. 18 Israël, Palestine, vérité sur un conflit Alain Gresh Editions Fayard - 12,50 euros La longue histoire de ce conflit, avec un chapitre. Du judaïsme au sionisme " ? Gresh confirme qu'Israël, malgré le fait colonial, est un Etat reconnu, et qu'on ne peut le rayer de la carte, car « une injustice ne peut être réparée par une autre injustice ». A lire absolument. les voleurs d'avenir René Monzar Ed. Textuel - 19 euros Spécialiste des extrêmes droites, Monzat dans cet excellent ouvrage distingue en particulier trois droites identitaires : « celle qui se réclame du passé indo·européen et chrétien de l'Europe, une droite identitaire juive avec l'apparition de courants sionistes d'extrême droite, propageallt un racisme agressif et enfin une droite idelltitaire musulmane, s'incarnant dans certains courants communautaristes ou intégristes » ... Est-il permiS de critiquer Israël? Est-il permis de critiquer Israël ? Pascal Boniface Ed. Robert Laffont - 19 euros Auteur en 2001 d'une note interne au PS sur le conflit israëlo'palestinien, Boniface a été la cible d'une véritable campagne de déstabilisation. Une analyse pertinente , en particulier de l'OPA lancée par la droite et l'extrème droite sur la communauté iuive. Un paragraphe sur · judéophobie, réalités et dramatisation" retiendra notre attention. Edita ' International ! Dossier ! Immigration i Discrimination i Education ! Kiosque 13 2 - - - - - Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP Chers amis, lorsque s'est fondé, en 1943, le Mouvement National contre le Racisme pour combattre la politique nazie et vichyste de déportation et d'extermination des juifs de France, la lutte était dangereuse, difficile, pleine de risques, mais claire : il s'agissait pour ces résistants de sauver le plus grand nombre de juifs possible du destin épouvantable que leur préparait l'idéologie raciste, soubassement du fascisme alors triomphant. Remarquons cependant que le mot" antisémitisme " n'apparaît alors pas dans le nom choisi par ces résistants fondateurs du MNCR, juifs pour la plupart. Le MRAP, fondé en 1949, est l'héritier direct de ce mouvement né dans la clandestinité : son sigle signifiait alors Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix, parce que la découverte de la mise en oeuvre de la destruction massive des juifs d'Europe par le fascisme rendait nécessaire sa prise en compte spécifique dans un mouvement antiraciste. Depuis, le MRAP a toujours tenté d'adapter ses combats aux réalités du racisme. Ainsi, en 1976, bien des choses avaient changé depuis la création du mouvement: la décolonisation, la guerre d'indépendance de l'Algérie, les conséquences du racisme colonial, la violence subie par les immigrés et étrangers accueillis dans des conditions indécentes, sans parler des problèmes liés aux relations entre Israël, ses voisins et les Palestiniens. Au grand dam de nos détracteurs, cette réalité nous a amené à mettre en relief une donnée incontournable et qui donne tout son sens à l'identité du combat du MRAP : l'unicité du racisme. Pour nous, le racisme est un et indivisible, avec toutes les spécificités et les singularités de chacun d'entre eux, d'où la nécessité d'agir sans concession avec la même vigueur contre le racisme quelle que soit sa forme. Le MRAP a toujours affirmé l'universalité de ses valeurs antiracistes ; l'essence du racisme est toujours la même, celle de nier l'égalité en droits et en dignité d'une catégorie d'êtres humains en vertu d'on ne sait quelles particularités qui seraient liées à la couleur, la religion, le mode de vie, la culture ou l'histoire, etc. Le racisme s'en est toujours pris à des minorités, qu'elles soient juives, musulmanes, maghrébines, 'tsiganes, pour mieux les enfermer, les marginaliser, les rejeter, les expulser et, pour ce qui ,est des Juifs, tenter de les exterminer. Le raciste ne supporte pas la différence et transforme toujours cette différence en inégalité pour justifier son rejet de l'autre : il a de l'argent, il sent mauvais, il est bruyant, il a le nez crochu, il vagabonde, etc. Parce que toute concession faite à un racisme entretient et alimente tous les racismes, parce que le danger est grand de voir la lutte contre tel ou tel type de racisme particulier participer à des affrontements ou à des logiques de concurrence entre les victimes, notre fil rouge est et demeure la mobilisation permanente et constante du combat contre le racisme sous toutes ses formes. Cette universalité des valeurs de l'antiracisme s'accompagne toujours de la spécificité, de la particularité de la lutte contre le racisme qui s'exerce sous des formes différentes selon qu'il s'en prend aux Juifs, aux Musulmans, aux Tsiganes, etc. L'histoire joue un rôle fondamental dans l'émergence de telle ou telle manifestation de racisme : si les idéologies fascistes ont façonné l'antisémitisme moderne avec sa mise en pratique dans les camps d'extermination, le colonialisme a quant à lui donné naissance au racisme anti-arabe et anti-noir que les guerres de libé· ration des peuples colonisés ont exacerbé, racisme qui se prolonge aujourd'hui, qui structure certai- « Différences» . Mouvement contre le racisme et pour j'amitié entre les peuples· n° 260 . Octobre-Novembre-Décembre 2006 3 Edito ' International 1 Dossier : ImmigratiOl ' Discrimination 1 Education ! Kiosqu nes discriminations dont sont victimes les enfants de ces peuples colonisés. Si l'instrumentalisation politique de la religion chrétienne par les églises a donné naissance à l'anti-judaïsme, ancêtre de l'antisémitisme, l'instrumentalisation politique de l'islam à des fins terroristes ou dictatoriales donne naissance à cette forme nouvelle et violente de racisme à l'endroit des Musulmans que l'on nomme l'islamophobie . Tous les Juifs étaient coupables de la mort du Christ ; tous les Musulmans sont aujourd'hui coupables et responsables non seulement des Twin Towers mais de l'ensemble des exactions commises par des fanatiques criminels dans le monde arabe au nom de l'Islam. Présentement, dans le domaine de l'antisémitisme, nous avons assisté dans cette dernière période à une dérive inquiétante et qui malheureusement, d'une certaine manière, sert de justification à l'entretien de l'antisémitisme. En effet, de nombreux responsables communautaires juifs et des intellectuels juifs et non juifs ont largement répandu l'idée que la critique du gouvernement israélien était un prétexte pour exprimer, au nom des victimes palestiniennes, un antisémitisme que l'on ne voudrait pas afficher. Cette attitude et cette stratégie sont criminelles: elles participent, par la confusion, à la banalisation de l'antisémitisme en lui faisant perdre de sa caractéristique infamante ; elle nuit au combat efficace contre l'antisémitisme. Pour compliquer les choses, d'aucun s'aventurent à l'organisation de la confusion et de l'amalgame voire à des raccourcis entre sionisme et antisémitisme qui couvrent des réalités, des lectures et des combinaisons multiples. Le conflit Israël-Palestine se greffe sur ces questions. Je rappellerai ici la position intangible du MRAP qui est celle de tous les démocrates, à commencer par ceux qui, en Israël comme en Palestine, luttent pour une paix juste et durable : - Israël est un État qui doit pouvoir vivre en paix avec ses voisins dans les frontières de 1967 internationalement reconnues; - la Palestine doit également être un État souverain dans ces mêmes frontières ; - Jérusalem sera la capitale partagée de ces deux États ; - tout ce qui empêche ou tourne le dos à la mise en oeuvre d'une telle finalité - le mur, les colonies israélienne en ten'itoire palestinien, pour ne citer que deux exemples - ne fait que prolonger un état de guerre où attentats suicides et attentats officiels de l'armée israélienne se succèderont sans fin. J'ajoute également que si quelques groupes ultra minoritaires parmi la population musulmane française s'identifient aux auteurs des attentats suicides, il est irresponsable de qualifier la révolte des banlieues d'intifada quand, dans le même temps, on dénonce hypocritement et globalement le communautarisme, l'antisémitisme des jeunes et leur islamisation ainsi que la soi-disant transposition du conflit du Moyen Orient dans les quartiers populaires de nos villes. De plus, et pour parler de l'actualité immédiate, au moment où les églises chrétiennes et les responsables religieux musulmans ont dénoncé de concert le danger que représente la loi raciste que Sarkozy vient de faire voter, nous ne pouvons qu'être consternés par le silence assourdissant des responsables religieux juifs. C'est ainsi que le MRAP qui, faut-il ici le rappeler, a, depuis toujours, reconnu la légitimité et le droit à l'existence de l'État d'Israël, ne peut accepter pour autant l'instrumentalisation de l'antisémitisme et de cette insulte dont il a fait l'objet, de même que de nombreux intellectuels, journalistes, associations qualifiés d'antisémites parce qu'ils ont exprimé, au nom de l'universalité du combat qui est le leur, la reconnaissance des droits du peuple palestinien à un État souverain. J'ajoute que le fait de critiquer la politique des gouvernements successifs d'Israël est parfaitement licite : Israël est un État comme un autre, soumis comme tout autre à la critique. Et j'affirme ici haut et fort que l'on ne saurait en aucun cas accepter la criminalisation de la critique de la politique d'un gouvernement et l'utilisation de l'accusation blessante et infamante d'antisémitisme jetée contre tous ceux qui oseraient critiquer les choix du gouvernement israélien. Ce gouvernement aurait-il droit à un régime de faveur, d'exception? Au nom de quoi et pourquoi pourrions- nous renier cette légitime et indispensable liberté d'expression qui m'autorise aujourd'hui à critiquer Poutine dans sa complicité avec certains crimes racistes, à critiquer Bush pour sa politique de KO en Irak, à critiquer les propos incendiaires, irresponsables du président iranien, à critiquer aussi la politique du gouvernement français à l'endroit des immigrés, sans pour autant être taxé de racisme anti-russe, anti-américain, anti-iranien, et anti-français ? Cette instrumentalisation se complique encore aujourd'hui par l'encouragement à des regroupements communautaristes : les individus ne sont plus des personnes, des citoyens, mais sont renvoyés à des groupes ethniques, religieux qui les enferment davantage et en feront tôt ou tard des victimes ou même des porteurs du racisme. C'est cette instrumentalisation communautariste qui a permis au président du CRIF de conseiller aux Arabes de se tenir tranquilles après les résultats de Le Pen en 2002, comme si la menace fasciste ne concernait pas chacun d'entre nous, chaque citoyen, chaque démocrate. Si nous avons voulu organiser ce colloque, c'est d'abord et avant tout parce que le combat contre l'antisémitisme a besoin de clarté et de la mobilisation de tous. C'est aussi parce qu'il est malheureusement toujours nécessaire de lutter contre l'antisémitisme qui sévit à la fois sous ses formes anciennes liées à l'extrême droite fasciste ou fascisante et sous des formes nouvelles liées à la notion de sionisme et d'antisionisme. C'est aussi parce qu'il est plus que jamais nécessaire aujourd'hUi de clarifier des notions souvent rendues volontairement confuses. La confusion est telle que nous avons pu assister à ce spectacle extraordinaire de négationnistes participant à une manifestation contre l'antisémitisme, du responsable raciste du MPF étant invité officiellement à participer à cette même manifestation, et d'un mouvement de lutte contre le racisme, le nôtre, refusant dans ces conditions d'y prendre toute sa place. On en est même venu à soupçonner et à accuser le MRAP d'être sinon antisémite du moins indifférent à l'antisémitisme! Nous attendons de ce colloque, des interventions de nos invités et des discussions avec le public, plus de lumière sur ces notions d'antisémitisme et d'antisionisme - utilisées trop souvent à tort et à travers - pour mieux servir ce combat contre l'antisémitisme, au nom de l'universalité des valeurs qui sont le fil d'airain de notre mouvement. En conclusion, puisse cette journée participer à notre mobilisation contre un danger qui est à mes yeux l'allié mortel voire criminel du combat contre le racisme: les réponses communautaires. Tout comme il n'y a pas de réponse noire aux discriminations dont sont victimes les populations noires de France, tout comme il ne saurait y avoir de réponse musulmane à cette isIamophobie acceptée, tenace, revendiquée par les extrémistes de tout bord, il n'y a pas non plus de réponse juive à l'antisémitisme. Puissent ces 6 heures être un point de départ pour susciter dans notre pays les conditions susceptibles de réveiller les défenses immunitaires dont les victimes de tous les racismes ont besoin. « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - nO 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 Colloque Edito . International 1 Dossier ' Immigration 1 Discrimination i Education 1 Kiosque Pierre Stambulr adhérent du MRAP Marseille et président de l'Union Juive Française pour la Paix (UJFP) Les initiales du sigle MRAP ont donné pendant longtemps un rôle à part à l'antisémitisme parmi les autres racismes. Cette situation semblait totalement naturelle au lendemain du génocide nazi. Et puis, en 1977, le nom de l'association a changé pour devenir " Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples " (1). En parcourant l'histoire de l'antisémitisme, j'essaierai d'examiner ce qui a fait la spécificité, voire l'uriicité de cette forme de racisme. En posant aussi la question: estil pertinent de faire aujourd'hui de l'antisémitisme un racisme" à part ? ". Quelle est la réalité de l'antisémitisme aujourd'hui? Y at- il recrudescence ? D'autant que la guerre entre Israël et la Palestine a brouillé les cartes. Les confusions entre la religion juive (ou" israélite "), le ou les peuples juifs, l'idéologie sioniste et l'Etat d'Israël sont permanentes. Ces confusions sont délibérées de la part des institutions juives officielles ou plus généralement chez les partisans inconditionnels des différentes pqlitiques israéliennes. Elles aboutissent à une instrumentalisation de l'antisémitisme et du crime absolu que représente le génocide. Systématiquement et sans discernement, toute critique d'Israël, toute forme d'antisionisme devient de l'antisémitisme, transposition du fameux " Arafat est un nouvel Hitler" qui justifiait chez Sharon le refus de négocier. Dans la confusion, on voit un Juif, ancien résistant et humaniste, comme Edgar Morin, condamné pour propos antisémites. En même temps, des antisémites avérés, les Chrétiens Sionistes Américains, sont devenus les principaux bailleurs de fond des colonies de Cisjordanie. Les vrais antisémites se sont engouffrés dans la brèche. Comme il n'est plus " politiquement correct " et qu'il est même interdit aujourd'hui de déverser les tombereaux de haine raciste qu'un Dreyfus ou un Léon Blum ont pu subir, du coup, certains antisémites instrumentalisent la guerre du Proche-Orient pour expliquer que les crimes bien avérés commis par Tsahal ont pour origine la nature perverse du judaïsme. j'évoquerai le personnage d'Israël Shamir qui fait le lien entre le " vieil " antisémitisme et celui qui avance masqué. l'antüudaïsme chrétien Les questions: " qu'est-ce qu'être juif? " ou " d'où viennent les Juifs? " sont très complexes. Elles ont pourtant des conséquences très actuelles. Le Peuple Juif s'est constitué à partir du " Livre " (la Bible) qui lui a donné une raison d'être. Il y a toujours eu chez les Juifs un débat, une confrontation entre ceux qui acceptaient" l'autre" (autrefois les divinités des autres peuples ou la domination romaine) et ceux qui estimaient que les Juifs ne pouvaient vivre qu'entre eux. Cette confrontation se poursuit aujourd'hui. Les différentes identités juives et l'antisémitisme sont essentiellement liés à la dispersion (diaspora) qui a commencé avant les deux destructions du Temple. La majorité des Juifs vit toujours hors d'Israël. Bien avant l'Hébreu qui est une langue reconstituée à partir de la langue religieuse, il y a eu les langues juives de la diaspora ladino, judéo-arabe, yiddish. Ceux qui essaient de « clore » l'histoire du judaïsme .en affirmant la centralité d'Israël, en présentant la diaspora comme une longue parenthèse ou en mythifiant un prétendu royaume unifié qu'il faudrait reconstitu er, commettent un mensonge historique. Il n'y a évidemment pas de " race " juive. Les Juifs d'aujourd'hui résultent de nombreux mélanges. Les descendants de ceux qui ont quitté la Palestine après la destruction du Ile Temple se sont mélangés avec des Berbères, des Espagnols, ou plus tard des Slaves et des Khazars (2). Et le Peuple Palestinien qui est un peuple autochtone est partiellement issu du monde hébraïque. Il faut donc parler à propos des Juifs de peuple (il serait plus exact de mettre peuples au pluriel) et d'une communauté de destin liée à une religion. L'histoire du judaïsme diasporique est souvent présentée comme une longue suite de persécutions et de massacres. Il y a pourtant eu des périodes beaucoup plus favorables : sous Charlemagne, en Andalousie, lors de l'arrivée en Pologne ou dans l'empire Ottoman. Avant le XIXe siècle, le Christianisme est le principal vecteur des persécutions antijuives. Dans le BasEmpire Romain, le judaïsme est prosélyte et il est en concurrence avec d'autres religions. Dès que le Christianisme triomphe et devient religion d'Etat, les persécutions commencent. Les Juifs sont victimes de nombreux interdits (dont la possession de la terre), d'expulsions incessantes, de pillages et parfois de massacres. On les accuse d'être déicides ou de commettre des crimes rituels et on leur associe les pires stéréotypes : l'argent, la volonté de dominer le monde ... Au Moyen-Âge, toute une série de persécutions se codifient. À l'instar des lépreux, des hérétiques ou des " sorcières ", les Juifs sont pourchassés et enfermés dans leurs quartiers qui prendront le nom de juderias en Espagne et de ghettos dans le reste de l'Europe. Les massacres de masse commencent avec la première croisade qui détruit les communautés juives de la vallée du Rhin. Les pogroms les plus meurtriers auront lieu en Espagne (Ecija 1391, le siècle qui suivra sera une lente agonie pour le judaïsme espagnol) et en Ukraine au XVIIe siècle avec les Cosaques de Khmelnitski. L'histoire des Juifs espagnols préfigure l'antisémitisme moderne. La transformation de l'Espagne en état moderne cen- , Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 5 6 Colloque Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque tralisé se traduit par le massacre, la conversion forcée ou l'expulsion des Maures et des Juifs. En 1492, les Juifs doivent quitter un pays où ils avaient formé jusqu'à 10 % de la population et dont ils avaient adopté la langue. Leurs descendants devenus chrétiens (les Marranes) seront pourchassés par l'Inquisition au nom d'une , pureté de sang " qui préfigure le racisme moderne. Y a-t-il eu persécution des Juifs dans le monde Arabo-Musulman avant le colonialisme et le sionisme ? Clairement, rien de comparable avec ce qu'ils ont subi en pays chrétien. Comme d'autres « religions du livre " dans le monde musulman, les Juifs ont un statut, certes, inférieur , (3), mais qui est quand même une forme de protection. Il y a certes eu des moments de tension comme au moment de l'invasion Almohade en Andalousie (qui a provoqué l'exode de nombreux Juifs Andalous vers l'Espagne Chrétienne), mais ces tensions n'ont eu aucun caractère spécifique anti-Juif. l'anlisémitisme racial C'est paradoxalement « l'émancipation ' des Juifs, leur sortie du ghetto et leur accès à la citoyenneté, phénomène qui commence en Allemagne puis en France au XVIne siècle, qui vont permettre le passage de l'antijudaïsme chrétien à l'antisémitisme moderne tout en conservant les stéréotypes anciens sur l'argent, le cosmopolitisme, la volonté de diriger le monde ... Des Juifs se convertissent ou s'éloignent de la religion. On peut donc dire qu'en Europe, l'identité juive n'est plus essentiellement religieuse depuis plus de deux siècles. Devenus ' invisibles " les Juifs représentent un obstacle face aux différents nationalismes européens qui émergent dans les empires multinationaux et rêvent de construire des nations ethniquement pures. Le Juif est à la fois celui qui est très proche par le lieu de vie, par la langue, par la culture et qui a en même temps une insupportable différence et est considéré comme « inassimilable '. Tous les nationalismes qui privilégient la Nation et l'ethnie par rapport à la citoyenneté, sont antisémites. C'est à cette époque que naît la classification des peuples en « races " la « race sémitique ' étant considérée comme inférieure à " l'Aryenne ' . Dans l'Empire Russe où vivent 60 % des Juifs du monde entier vers 1880, ceux-ci sont massivement des prolétaires (ouvriers, artisans, colporteurs) et beaucoup d'entre eux sont gagnés par les idées révolutionnaires. L'antisémitisme s'ajoute à un véritable conflit de classe. Le régime tsariste organise des pogroms meurtriers pour essayer de détourner la colère populaire. En France, l'affaire Dreyfus fait de l'antisémitisme une question nationale. On peut en tirer deux conclusions: à cette époque, la moitié de la société est antisémite. On peut aussi constater qu'il est possible de vaincre les antisémites. Après la guerre de 14, un véritable consensus s'installe en Europe. Les Juifs sont considérés comme responsables de tout: la guerre, la crise économique, la corruption, la Révolution ... Un grand nombre d'intellectuels délirent sur la pureté et rivalisent dans l'antisémitisme le plus agressif. Les lois permettent cette explosion publique de haine. L'avènement du Nazisme a lieu dans un large consensus et dans ce consensus, il y a l'élimination des Juifs. Le Nazisme triomphe dans un pays dont les Juifs avaient adopté la culture et où ils formaient une partie importante de ' l'intelligentsia '. Pour s'imposer, les Nazis ont fréquemment assimilé les Juifs et les Bolcheviques. Aucune tentative de minimiser, de relativiser ou ' d'euphémiser " le génocide nazi n'est tolérable. Il s'agit bien du rassemblement de toute l'énergie d'un état moderne pour exterminer un peuple et la moitié des Juifs européens y ont perdu la vie. Parmi les morts, beaucoup étaient peu ou pas du tout croyants. La question religieuse a joué un rôle secondaire dans la rationalité meurtrière des Nazis. Auschwitz symbolise l'aboutissement de l'antisémitisme racial et c'est bien parce que la réalité est « indicible , qu'une poignée de révisionnistes essaie aujourd'hui de la nier. Les Juifs en ont gardé un immense traumatisme et la peur « que ça recommence '. le sionisme et l'antisémitisme Vers 1900, à l'Ouest comme à l'Est de l'Europe, les sociétés juives traditionnelles éclatent. En Europe de l'Est, les Juifs adhèrent à différents partis politiques. D'un côté, il y a les socialistes. Ils pensent que la Révolution, en émancipant l'Humanité, émancipera les Juifs. Ils sont contre toute action spécifique juive et quelque part, ils imaginent la disparition du judaïsme avec le triomphe de la Révolution. Face à eux, le Bund, palti révolutionnaire Juif, élabore une idée originale : dans le cadre de la Révolution, les Juifs jouiront d'une autonomie culturelle sur place, sans territoire spécifique. C'est à cette époque que le Sionisme émerge. Le sionisme a les mêmes références idéologiques que les différents nationalismes européens, ceux qui donneront naissance à l'antisémitisme moderne. Pour les sionistes, chaque peuple doit avoir un Etat et, comme les autres nationalistes, les sionistes négligent l'existence de minorités dans leur futur état. Le Sionisme repose sur un mensonge fondateur: « la terre sans peuple pour le peuple sans terre '. Il partage avec différents colonialismes cette négation du peuple autochtone. Bien que majoritairement non-croyants, les sionistes iront puiser dans une certaine tradition religieuse revisitée, le lieu où sera bâti le futur état, la future langue et l'idée que la diaspora est une parenthèse qui doit disparaître. Les sionistes, comme les antisémites, considèrent l'antisémitisme comme quelque chose d'inéluctable, d'impossible à combattre. Comme les antisémites, ils pensent que le « mélange , est impossible, que les Juifs ne peuvent vivre qu'entre eux, dans un EtatJuif où les Non-Juifs n'existeront pas ou seront des citoyens de seconde zone. Les combats pour la laïcité, l'égalité des droits, la citoyenneté ... n'intéressent pas les sionistes. Ils transposent le messianisme juif dans la volonté de construire un « Juif nouveau ' dans un pays nouveau, ce qui implique de faire table rase de toutes les identités juives de la diaspora. Pendant longtemps, les sionistes seront très minoritaires parmi les Juifs par rapport aux autres idéologies. Toutes les élections qui ont lieu dans les ghettos de l'Empire Russe, en Pologne ou en Lituanie l'attestent. Quand les Juifs sont violemment expulsés d'Allemagne et d'Autriche en 1938, très peu partent en Palestine. À la veille de la seconde guerre mondiale, il n'y a que 3 % des Juifs qui vivent en Palestine. C'est le génocide qui va permettre au projet sioniste de réussir. Et pourtant, les sionistes n'ont pas joué un grand rôle dans la résistance juive au Nazisme et la façon dont aujourd'hui ils s'approprient la mémoire de l'antisémitisme et du génocide est sans rapport avec leur action passée. Certes, tous les gouvernements, tous les courants politiques ont été aveugles face au Nazisme : les occidentaux à Munich, le régime stalinien en signant le pacte ou le grand mufti de Jérusalem en rendant visite à Himmler en 1942. Les sionistes n'ont pas fait mieux en privilégiant la construction de leur futur état par rapport à toute autre considération. En 1933, Ben Gourion brise l'embargo contre l'Allemagne, décidé par des Juifs Américains. À cette époque, il multiplie les déclarations expliquant que les persécutions antisémites favorisent le projet d'Etat Juif. Inspira- «Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 teur de Begin et Sharon, Vladimir Jabotinsky, fondateur du sionisme « révisionniste « était dans les années 30 un admirateur de Mussolini. En 1942, le groupe Stern, dirigé par le futur Premier Ministre Itzhak Shamir, a une telle conscience du génocide en cours qu'il multiplie les assassinats de soldats britanniques. En Europe occupée, la résistance juive a été essentiellement communiste, les sionistes n'y ont joué qu'un rôle assez faible (4). Après la guerre, l'état d'Israël en construction apparaît comme un havre de paix après la destruction du Yiddishland et de ses habitants. L'Occident décide de laver sa mauvaise conscience et sa responsabilité dans le génocide sur le dos du peuple palestinien qui n'avait pas la moindre responsabilité dans ce crime. l'Etat d'Israël et l'antisémitisme L'Etat d'Israël existe depuis près de 60 ans. Il a été reconnu par , les instances internationales ' dans ses frontières de 1949. Il a été reconnu par l'OLP en 1988. Ce n'est donc pas son existence ou celle du peuple israélien qui sont en jeu dans la guerre actuelle et dans ses conséquences sur la question de l'a ntisémitisme. La guerre de 1948 s'est accompagnée d'un certain nombre de crimes de guerre (attestés par les nouveaux historiens israéliens (5» et par une véritable , purification ethnique , qui a entraîné l'exode de 800 000 palestiniens. Être antisioniste aujourd'hui, ce n'est pas dire qu'il faut jeter les Juifs à la Mer ou détruire l'Etat d'Israël. C'est dire que la Naqba (6) était illégitime, que la confiscation immédiate des terres et des biens des expulsés l'était tout autant. C'est dire qu'un Etat qui se dit Juif en s'arrogeant le droit de parler au nom des Juifs du monde entier et dans lequel les NOIl-Juifs qui n'ont pas été expulsés sont des souscitoyens pose un problème grave à tous ceux qui sont les défenseurs de la laïcité, de l'égalité des droits, de l'antiracisme et de la citoyenneté. C'est dire que la colonisation après 1967 et l'arrivée au pouvoir de courants d'extrême droite ou national-religieux en Israël ne sont pas des accidents de l'histoire : au-delà du messianisme et de la volonté de créer un ' homme nouveau ", le projet sioniste avait Colloque Edito International Dossier' Illlmigration . Discrimination Education ' Kiosque dès le départ une composante colonialiste et de négation de « l'autre ". Après le génocide, l'histoire de l'Etat d'Israël et celle de l'antisémitisme sont étroitement imbriquées. Il ne fait pas de doute qu'après 1945, de nombreux rescapés trouvent refuge en Israël. D'autant qu'en Europe de l'Est, l'antisémitisme continue sous une forme masquée. En Pologne, il y a le pogrom de Kielce en 1946. Alors que 90 % des Juifs polonais ont été massacrés, un antisémitisme sans juifs continuera dans le pays, culminant en 1968 avec une nouvelle épuration organisée par le général Moczar. Quand les purges staliniennes déciment les communistes qui ont lutté contre le fascisme en Espagne ou dans la résistance, la plupart des victimes (Lazlo Rajk, Rudolf Slansky, Ana Pauker ... ) sont des Juifs qui seront bien sür accusés de ' sionisme '. Cet antisémitisme larvé alors qu'un grand nombre de Juifs avaient placé leurs espoirs dans le ' communisme , explique la fuite massive des Juifs ex-soviétiques au moment de la chute de l'URSS. Mais il n'y a pas que des rescapés ou des déçus du communisme qui émigrent. L'émigration d'environ un million de Juifs venus du monde arabe a résulté d'un double processus. D'un côté les régimes arabes nouvellement indépendants n'ont rien fait pour les retenir, au contraire. La guerre de 1948 a rendu la vie très difficile pour les Juifs des pays belligérants. Chaque nouvelle guerre a rendu leur départ un peu plus inéluctable et celle de 1956 a signé la fin de la communauté juive Egyptienne. D'une certaine façon, les régimes des différents pays arabes qui s'étaient montrés bien peu solidaires des Palestiniens lors de la guerre de 1948, ont largement favorisé le développement d'Israël. Mais il y avait aussi un projet délibéré israélien de faire émigrer les Juifs du monde arabe (qui ont ainsi formé le prolétariat du nouvel état) et tous les moyens ont été utilisés. On sait aujourd'hui que des Israéliens ont commis des attentats contre des synagogues en Irak pour favoriser la fuite des Juifs Irakiens. Au Maroc, des propagandistes ont sillonné le pays pour convaincre les Juifs de partir. Au Yémen, une des communautés les plus anciennes, les Israéliens ont utilisé des légendes locales pour faire partir presque tous les Juifs en quelques semaines. En Algérie, le décret Crémieux (1870) avait donné la nationalité française aux Juifs mais pas aux Musulmans. Au moment de l'indépendance, les Juifs dont la présence au Maghreb était antérieure à l'arrivée des Arabes, ont été assimilés aux , Pieds Noirs" et ont dü partir. La plupart sont venus en France. Il y aurait un véritable travail d'identité à faire sur les Juifs Arabes. Leur histoire n'est pas celle de l'antisémitisme européen ou du génocide. Mais c'est une autre douleur, la coupure définitive avec leurs racines, avec un monde dans lequel les Juifs ont vécu longtemps en paix. C'est aussi l'arrivée dans un nouveau pays où ils ont subi de nouvelles formes de discrimination, sociales cette fois-ci. On le voit, toutes les manifestations antijuives, toutes les formes de persécution, qu'elles soient liées ou non au Sionisme, ont provoqué des vagues d'émigration et ont renforcé Israël. Mais en même temps, les autorités israéliennes ont tout fait pour provoquer l'Alya (7), y compris en utilisant des moyens inavouables. l'instrumentalisation de l'anlisémilisme et du génocide Les sionistes ont proclamé la centralité d'Israël. Cet état prétend parler au nom des Juifs du monde entier. Ceux qui ne sont pas d'accord sont des, Juifs traîtres ' ou qui ont la « haine de soi ' . Les sionistes prétendent protéger les Juifs de l'antisémitisme alors qu'ils les mettent en danger: personne ne peut penser sérieusement que la politique israélienne basée sur l'arrogance, le fait accompli et l'humiliation quotidienne puisse durer éternellement. Deux siècles après le début de la sortie du ghetto, les sionistes en ont créé un nouveau, hermétique, avec un vrai mur. Alors qu 'il y a toujours eu chez les Juifs pluralisme de comportements ou de traditions, il n'y aurait plus aujourd'hui qu'une voie unique: émigrer en Israël ou soutenir inconditionnellement cet état. Le musée juif d'Amsterdam donne sa définition du fait d'être Juif : pratiquer la religion juive, soutenir Israël et avoir un lien avec la Shoah. La volonté folle de faire immigrer toujours plus de Juifs en Israël explique l'importance des partis politiques « transféristes ' en Israël (ceux qui veulent , achever la guerre de 48 ' et expulser tous les Palestiniens). La dénonciation permanente d'un antisémitisme, réel ou supposé dans différents pays n'a pas pour but de le vaincre, elle vise simplement à provoquer une nouvelle vague d'émigration. Jusqu'au procès Eichmann (1961), on parlait peu du génocide en Israël et l'on opposait volontiers la ' résignation ' présumée des déportés à l'Israélien nouveau qui défrichait son pays. Et puis Israël s'est approprié le génocide et s'est mis à parler au nom des morts ou de leurs descendants. On a ainsi vu Sharon à Auschwitz déclarer que ce qui s'est passé prouve que les Juifs ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour se défendre et justifier, au nom du génocide, la destruction «Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 7 8 Colloque Edito 1 International Dossier Immigration Discrimination Education I<:iosque méthodique de la société palestinienne. Au milieu de la dénonciation d'authentiques antisémites, qui a été récemment accusé d'antisémitisme par le CRIF ou le centre Simon Wiesenthal ? Daniel Mermet ou encore Edgar Morin. On a également accusé Chavez d'être antisémite. À chaque fois, il s'agissait de disqualifier une critique de la politique israélienne ou un ennemi de Bush. Par contre, en Europe, il y a des forces politiques plutôt antisémites proches du pouvoir. Les nostalgiques de la collaboration dans les pays Baltes, ceux de l'Etat Oustachi en Croatie ou les intégristes de Radio Maryja en Pologne ne sont jamais dénoncés car les gouvernements de ces pays sont des amis d'Israël. La confusion entre Juif, Sioniste et Israélien est voulue et entretenue. À Lyon, un " gala de soutien au soldat israélien" qui n'avait pas trouvé de salle publique, a eu lieu dans une synagogue. Organisation faisant partie du CRIF, le KKL (8) se présente comme une association juive humanitaire et collecte des fonds (y compris des fonds publics) pour l'armée israélienne et la colonisation. Les cartes que le KKL publie sont sans ambiguïté : les territoires occupés y sont partie intégrante d'Israël. Le CRIF prétend organiser des manifestations antiracistes et en même temps, il proteste officiellement contre l'éviction de Philippe de Villiers de la manifestation consécutive à l'assassinat d'Ilan Halimi. De même, Alain Finkielkraut essaie d'utiliser l'antisémitisme pour justifier des propos racistes et haineux contre les Noirs et les Arabes qualifiés " d'ennemis de la France ". Les institutions juives françaises ont souvent joué un jeu très dangereux en comparant la situation des Juifs en France à celle qui a précédé le génocide ou en parlant de " nouvelle nuit de cristal ". Dans la fou lée, Sharon a accueilli en triomphe un avion de Juifs Français émigrant en Israël. En Israël même, tout est fait pour rendre impossible la distinction entre les produits fabriqués en territoire occupé et les autres. Et bien sûr, les partisans du boycott sont décrits comme d'affreux antisémites. La minorité des Israéliens qui courageusement refusent l'armée, se rendent sur les barrages et font la jonction avec les Palestiniens sont considérés comme des traîtres. l'antisémitisme Qui perdure L'antisémitisme qui a caractérisé l'extrême droite n'a pas disparu. Ce n'est pas un hasard si Le Pen, Gollnish ou Haider en Autriche multiplient régulièrement les provocations ou les propos révisionnistes. La plupart des profanations de cimetières, comme celle de Carpentras, viennent des nostalgiques du fascisme. Heureusement, le racisme et l'antisémitisme sont considérés comme des crimes et l'antisémitisme d'aujourd'hui est sans commune mesure avec ce qu 'il a été. Le révisionnisme s'est structuré au niveau mondial derrière des personnalités médiatiques (Faurisson, Zündel, Irving) et il trouve périodiquement écho. Ainsi, le président iranien a repris ces thèses odieuses. Il existe aussi un antisémitisme qui se dissimule derrière l'a ntisionisme et qui essaie de s'infiltrer dans les associations défendant les droits du peuple palestinien. Comme les sionistes, ces antisémites mélangent sciemment Juif, Sioniste et Israélien. Derrière cette dérive, il y a un personnage mystérieux qui se fait appeler Israël Adam Shamir mais qui a plusieurs identités. Officiellement arrivé en Israël en provenance de l'exUnion Soviétique, il s'est converti à la religion orthodoxe. Il fait le lien entre l'antisionisme et l'antijudaïsme Chrétien (il reprend à son compte les crimes rituels, la perversité du judaïsme, le peuple déicide, le Protocole des Sages de Sion ... ). Il a rejoint récemment les révisionnistes. Inconnu en Israël, Shamir a de nombreux admirateurs en Europe. Il influence une nébuleuse dans laquelle on retrouve des anciens de la librairie " La Vieille Taupe ", des militant(e)s exclu(e)s des Verts, des journalistes et des animateurs de site Internet. Les élucubrations d'un Dieudonné relèvent aussi, selon moi, d'une dérive antisémite sous couvert d'une logique de concurrence des victimes. Pour l'instant, cette infiltration reste marginale. Les Palestiniens ont toujours été très vigilants à l'égard des antisémites. Ainsi , Leila Shahid a toujours évoqué le génocide Nazi (en expliquant qu'il ne justifiait en rien l'oppression d'un autre peuple) et Elias Sanbar, Edward Sa id et Mahmoud Dalwish avaient empêché, il y a quelques années, un colloque révisionniste de Garaudy à Beyrouth. La grande majorité des militants pour la Palestine se battent pour des principes universels : l'égalité des droits, le refus du colonialisme. Mais il yale danger que les confusions se multiplient et que les antisémites utilisent l'impunité d'Israël pour distiller des stéréotypes racistes. Pour l'instant toujours, la cohabitation entre Juifs et Arabes en France n'a débouché sur aucun affrontement. Cependant, il n'y a pas de véritable" vivre ensemble " et il faut craindre toutes les formes de repli communautaire. Dans des manifestations organisées par le CRIF, des groupes d'extrême droite (Bétar et Ligue de Défense Juive) ont commis impunément des agressions racistes. Inversement, on peut craindre que sous couvert de ce qu'Edgar Morin appelait l'antiisraélisme, des caillassages de synagogues ou des agressions de porteurs de kippa ne se multiplient. Notre vigilance doit être totale. Je conclurai en disant qu'entre réalité et instrumentalisation, la voie pour lutter contre l'antisémitisme est très étroite. Il me paraît impossible qu'un antiraciste reste silencieux sur la guerre au Proche-Orient. Une paix fondée sur l'égalité des droits et la justice là-bas est inséparable du combat contre tous les racismes ici. D'autant que l'impunité des gouvernements israéliens est le principal facteur de la prolongation de cette guerre. Il me paraît également impossible de lutter contre l'antisémitisme ici au côté de forces qui transforment les manifestations en soutien à l'occupation. Les antiracistes doivent inlassablement dénoncer les confusions entre Juifs et Sionistes, d'où qu'elles viennent et combattre tous ceux qui veulent ressusciter les pires stéréotypes. Il y aura sans doute un difficile travail d'explication, mais nous n'avons pas le choix. (1) - Il s'appelait initialement Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix. (2) - Peuple Turc qui vivait entre Caspienne et Mer Noire. Vers l'an 800, un roi Khazar et une partie de l'aristocratie se convertirent au judaïsme. (3) - Le statut de « dhimmi ". (4) - Certes le commandant de l'insurrection du ghetto de Varsovie (MOle dekbai Anielewicz) était de l'flashomer Hatzair (sioniste de gaucbe). Mais la plupart des insurgés venaient d'autres partis. Le commandant en second, Mal'ek Edelman, militant du Bund, est toujours vivant ... et toujours très antisioniste. (5) - Lire Ilan Pappé ou Benny Morris. (6) - La catastropbe, c'est le nom que les Palestiniens donnent à leur expulsion. (7) - Nom donné à l'immigration des juifs en Israël d 'après la «loi du retour ". (8) - Keren Kayemeth Leisraël. «Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 Colloque Edito International ' Dossier : Immigration Discrimination ' Education 1 Kiosque Denis Sieffert, journaliste, directeur de la rédaction de « Politis » le sionisme est un colonialisme Partant de ce constat, mon propos est de comparer le colonialisme à la française et le sionisme et surtout de réfléchir aux causes de l'implication particulière de l'Etat français, de la république française et de la société française dans ce questionnement autour du Proche Orient, du conflit israélo-palestinien et aux conséquences pour notre société. Pour cela, je rappellerai d'abord que le sionisme politique, celui de Herzl, est né à Paris où le journaliste autrichien était là pour couvrir le procès Dreyfus. Si même dans le pays des droits de l'homme l'antisémitisme déferlait, il fallait donc créer un état refuge. Personnellement, je pense qu'il y avait une autre réponse, qu'il y a toujours une autre réponse et que celle-ci a été léguée par la fin de l'affa ire Dreyfus, la victoire des dreyfusards et des principes républicains contre l'antisémitisme. Il y a donc ce lien historique et aussi un lien beaucoup plus profond qui nous ramène à la question coloniale qui, pour moi, est omniprésente dans le regard que la France et les français ont porté sur ce conflit. Pourquoi? Parce que les premières convoitises colopiales françaises, si on part de la révolution mais on pourrait remonter aux croisés, se portent en terre arabe ou en terre sainte et en particulier vers la Palestine. C'est aussi là que sont nées les plus grandes déceptions pour l'Empire français puisque la défaite face a son grand concurrent britannique conduira en 1920 à cette situation de tutorat avec le Liban, la Syrie, l'Irak et l'échec sur la Palestine. Enlevant la partie syrienne, ils auraient aussi enlevé Jérusalem mais cela a été un échec. Il y a eu cette très brève internationalisation de Jérusalem et de la Palestine qui n'a été en fait que l'argutie par laquelle la Grande Bretagne a réussi à poser son propre mandat sur la Palestine jusqu'à la création d'Israël. Donc c'est une terre d'échec et de désillusion impériale pour la France. C'est déjà une raison très profonde de cette implication particulière, parce que la France n'a jamais complètement renoncé. L'autre raison c'est que l'Empire français a commencé à beaucoup s'agiter dans les années 20 dans sa partie maghrébine, en Algérie en particulier. Là, la France a commencé à faire l'expérience de ce que Maxime Rodinson et d'autres ont appelé le sentiment d'arabité, c'est-à-dire ce sentiment très complexe, qui n'est pas articulé autour de la religion contrairement à ce qu'on essaie de suggérer aujourd'hui mais essentiellement autour de la langue, une sorte de sentiment de fratrie et de communauté culturelle qui fait que les arabes du Maghreb n'ont jamais été insensibles aux sorts des arabes de Palestine. Le regard porté par la France et en particulier la diplomatie française sur la question palestinienne a toujours été formé à partir du Maghreb, c'està- dire en somme : " Qu'est-ce qui est bon pour nous, qu'est-ce que cela va faire au Maghreb? ". Deux critères ont fondé la position française : la société française elle-même avec en particulier l'attitude de la communauté juive la plus importante d'Europe, et les réactions des pays colonisés du Maghreb. Avant guerre la France était convaincue à juste titre qu 'une position trop sioniste aboutirait à souffler sur les braises au Maghreb. Il y avait donc une extrême prudence. Et comme l'autre facteur allait dans le même sens, c'est-à-dire que la communauté juive française était très majoritairement antisioniste, la France, jusqu'à la deuxième guerre mondiale, a été officiellement plutôt antisioniste. Elle n'a . pas poussé à la colonisation juive de la Palestine. Il y avait aussi une autre raison et là on revient au premier facteur historique, c'est qu'il y avait dans la tête de nos diplomates et de nos chefs d'état, l'idée juste aussi que le sionisme était devenu pour partie l'instrument de l'empire concurrent britannique, qu'il était une pièce qui le faisait avancer sur l'échiquier international et que, par conséquent, on n'avait aucun intérêt à pousser à la roue dans ce sens. Antisémitisme de la communauté juive L'un des facteurs c'était l'antisionisme de la communauté juive française. Cela tient beaucoup aux caractéristiques de la République, à son assimilationnisme et à son refus de reconnaître les minorités comme corps intermédiaires entre l'individu et l'Etat. La communauté juive a largement été dans cette doctrine de l'assimilation parfois avec des excès que l'on n'imagine plus: Joseph Kaplan, très longtemps Grand Rabbin de France, est allé jusqu'à se lier aux croix de feu. L'assimilation était telle que paradoxalement on en venait pratiquement à flirter avec les courants antisémites dans la société française. On se fondait dans tous les courants idéologiques de la société fran çaise avant guerre. Evidemment, après guerre, c'est le génocide qui renverse largement le regard que la France porte sur ce problème et un autre élément va jouer très vite: c'est l'irruption des mouvements d'indépendance au Maghreb. La France va se dire: puisque le feu COUlt sur le Maghreb, perdu pour perdu, allons-y. Il n'y avait plus rien à éviter au Maghreb et donc quand sont arrivés les premiers mouvements, Setif, et plus encore le 1er novembre 1954 qui est le véritable commencement de la guerre d'indépendance, à ce moment là, le discours officiel français devient un discours globalisant. Le monde arabe est saisi comme une entité vague, globale, indistincte aussi bien au Maghreb qu'en Palestine. Et du coup le regard français s'inverse totalement, à cause de la culpabilité née du génocide mais aussi parce qu'on entre en guerre avec ce qu'on appelle le monde arabe. On a un discours qui ressemble comme deux gouttes d'encre à ceux de Bush et Dick Cheney aujourd'hui dans la bouche de gens qui sont parfois des socialistes français du milieu des années 50 : on a un ennemi, c'est le monde arabe, c'est l'islam, avec déjà cette tentative de tracer une équation entre le sentiment d'arabité et la religion. Donc ce monde arabe est perçu comme une entité hostile depuis Rabat jusqu'à la Syrie et l'Irak incluant la Palestine et les Palestiniens. Le coeur de ce monde arabe c'est Le Caire, ce qui « Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - nO 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 9 10 COlloque Edito ' International ' Dossier ' Immigration 1 Discrimination Education Kiosque va conduire à ce fiasco d'octobrenovembre 56 avec le parachutage des armées françaises et britanniques qui rejoignent les armées terrestres israéliennes pour tenter de rompre la décision de Nasser de nationaliser le canal de Suez. Mais on est là dans le milieu des années 50, dans une période qu'il n'est pas exagéré de qualifier de fusionnelle dans la relation entre la France et Israël. On est passé de cet antisionisme dominant d'avant guerre à beaucoup plus qu'un sionisme de soutien, à vraiment une politique fusionnelle. J'ai tracé là un schéma qui comme tout schéma souffre d'exception. Evidement, il y avait une minorité sioniste française avant guerre. Il y avait des personnages très importants dans cette minorité sioniste, en particulier Léon Blum qui dès la fin des années 20 se déclare en sympathie avec les organisations sionistes internationales. Ces personnages existent et ils ne sont pas de peu d'importance. Si on revient en 56, on trouve la confirmation de cette même fusion et confusion entre la question du Maghreb et la question du Proche Orient. Pour preuve, dès 62, les choses se modifient. On a coutume de parler de 67, mais en 62 déjà, immédiatement après les accords d'Evian, le régime gaullien renoue avec les pays arabes et prend des distances en tout cas par l'expression politique, avec Israël. Mais c'est en 67 que les choses vont vraiment basculer. On dit que De Gaulle a été très irrité par le communautarisme de la communauté juive française, en tout cas d'une partie d'entre elle bien entendu, et par son sionisme ; en 67 on a vu des manifestations sur les Champs Elysées au cri d' "Israël vaincra" de la part de citoyens français. Double transformation de la communauté juive Il Y a là une double transformation de la communauté juive qui devient, à partir de 67, au moment de la guerre des six jours, avec l'idée que va se répéter un génocide, qu'Israël est en danger existentiel, majoritairement sioniste, en tout cas qui s'articule autour de l'idée de la centralité d'Israël dans le judaïsme. C'est, à mon avis, une définition extrêmement pauvre du judaïsme selon laquelle être juif ce serait soutenir Israël dans tous les gouvernements et toutes les politiques, mais à chacun de juger. L'autre facteur important de transformation au sein de la société française, c'est évidemment l'arrivée en France après 62 d'un nombre important de réfugiés, un million, qui viennent du Maghreb et spécialement d'Algérie. Pour la plupart, ils viennent en métropole où ils sont souvent mal accueillis, ils ont beaucoup perdus, il ne s'agit pas de minimiser leur tragédie personnel et, évidemment à partir de 67, ils vont devenir actifs dans la communauté juive et dans la société française. Ils vont en particulier vivre cette nouvelle guerre israéloarabe avec, même si les mots ne sont pas employés, un sentiment assez fort de revanche par rapport à ce qu'ils ont vécu en Algérie. Et cela va se traduire dans la société française par une nouvelle orientation de la communauté juive organisée, ainsi qu'en Israël même avec l'immigration de Français, assez peu d'ailleurs venus d'Algérie, mais beaucoup du Maroc que beaucoup de Juifs quittent, suite à des manifestations hostiles. De Gaulle prononce dans la conférence de presse de novembre 67 la fameuse phrase" les Juifs, peuple sur de lui-même et dominateur ". Le texte mériterait d'être relu dans son intégralité. C'est un très beau discours qui est a certains égards assez prophétique sur l'expansionnisme israélien, sur ce qui va se passer. Pour moi cette phrase là est une phrase antisémite au milieu d'un discours qui est beaucoup plus vaste que cela, je pense que c'est une phrase rageuse qui découle directement de l'émergence de cette communauté très politisée qui a été très hostile à De Gaulle. Il y a un autre phénomène qui intervient en 67 dans la société française, qui n'est pas secondaire même s'il n'est pas spectaculaire au moins aux yeux de l'histoire, c'est une autre fusion entre la figure du Palestinien qui surgit dans la société française pour la première fois, le feddayin, et la figure de l'immigré, avec les batailles qui se mènent en faveur de l'immigré souvent maghrébin. On retrouve cette correspondance entre le Maghreb puis l'Arabe du Proche-Orient, l'Arabe palestinien qui est très peu là physiquement mais qui est là idéologiquement, qui est là comme figure emblématique de la victime coloniale. Il y a donc une reconversion d'une partie de la société française anticolonialiste, qui s'était mobilisée pendant la guerre d'Algérie et qui se remobilise dans des luttes en faveur de l'immigré, luttes sociales et contre le racisme absolument épouvantable qui se diffuse à ce moment là dans la société française et dans des manifestations favorables aux Palestiniens, à la figure du Palestinien, figure qui perpétue la lutte anticoloniale. Avant de conclure, puisque j'ai essayé de faire cette comparaison historique entre les deux colonialismes, je dirai un mot de la nature de ces deux colonialismes, le sionisme et le colonialisme " à la française ". C'est assez facile: le colonialisme français est républicain, hélas, mais républicain. C'est un colonialisme prosélyte, qui veut convertir, qui veut améliorer le " sauvage" et en faire quelqu'un qui va nous ressembler et ce n'est pas indifférent sur certains conflits au sein de la société française aujourd'hui. On voit cette volonté toujours uniformisatrice, unificatrice qui s'exprime y compris dans notre société aujourd'hui. Le sionisme est un colonialisme que j'ai qualifié de colonialisme de l'indifférence. Il n'est évidemment pas prosélyte, il n'est pas hostile aux Arabes, d'une certaine façon, il veut simplement que les Arabes ne soient pas là. On me dira que c'est le comble de l'hostilité; c'est une idéologie de déni, on ne veut pas que ces gens existent en tout cas dans ce périmètre géographique. Ce qui est très intéressant, c'est que le premier sionisme, celui d'avant Herzl, le sionisme non politique, plus directement religieux, qui est le résultat de pogroms dans les pays de l'Est crée très peu de conflits ; il Y a les premiers affrontements près de Tel Aviv, en 1878, mais ils sont quasiment anecdotiques, et finalement on retrouve des discours de fraternité à l'égard de ces gens qui arrivent et qui sont persécutés ailleurs. C'est au moment de la deuxième alya, vers 1905, quand le discours politique commence à fortement imprégner le mouvement sioniste et que l'expression religieuse devient une revendication nationale, que les Palestiniens commencent à se dire qu'il y a quelque chose de dangereux qui est en train de se jouer. Des journaux palestiniens, vers 1910-1912 disent : " attention, ils ne veulent plus simplement être une religion, ils veulent aussi être un peuple et une nation et si on laisse faire cela, on court notre propre mort ". C'est assez lucide. Mais ce qui est intéressant c'est de comprendre ce qui transforme le premier sionisme en second sionisme, un sionisme assez passif, vivant sa vie religieuse, en sionisme politique très colonialiste, très expansionniste, très exclusiviste surtout. C'est finalement et très paradoxalement, au-delà de Théodor Herzl, de la naissance d'une idéologie moderne, politique, cette imprégnation politique qui vient des pays d'Europe de l'Est et souvent du marxisme ou d'une vulgate marxiste. On constate sur place que si on développe une coopérative agricole, les Arabes vont être les ouvriers agricoles et les Juifs vont être les patrons. Donc on va superposer la relation ethnique, ce n'est pas le meilleur mot, religieuse, en tout cas la différence culturelle évidente en relation politique en terme de lutte de classe. Et « Différences" - i'vlouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 COlloque Edito ' International Dossier ' Immigration i Discrimination 1 Education [ Kiosque cela on n'en veut pas. On va donc dire : on va chasser complètement les Arabes, on ne va pas les utiliser comme ouvriers agricoles, c'est très malsain, on va convertir notre antagonisme en antagonisme social et y compris dans le discours de gauche, cela collait parfaitement. On est de gauche, on ne veut pas être les exploiteurs, pour ne pas l'être, chassons-les. Et donc il y a cet extraordinaire paradoxe que l'exclusivisme sioniste de cette deuxième époque se convertit, avec des idées qui n'étaient pas les pires, dans le pire des résultats. s ur e Sionisme, antisémitisme Je conclurai sur mon propre point de vue concernant la question sionisme / antisionisme. Je dis clairement que puisque c'est un colonialisme, me sentant profondément anticolonialiste, je ne peux être que profondément antisioniste et, en même temps, assez lâchement, je dirai que c'est un débat que j'esquive. Pourquoi ? Parce que je connais toutes sortes de sionistes : je connais des sionistes pour qui le sionisme u rient c'est la conquête du grand Israël jusqu'au Jourdain, voire au-delà, et je connais aussi des sionistes qui sont pour la restitution de tous les territoires. Donc si on est tendu, comme j'essaie de l'être, vers des objectifs politiques, c'est-à-dire la création d'un Etat palestinien dans les frontières de 67, sur les mêmes que celles de 49, avec Jérusalem Est pour capitale, etc., alors peut-être n'est ce pas le meilleur débat à mener. Si on est dans un débat académique, alors on peut avoir une réflexion byzantine sur ce Pascal Boniface, directeur de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) Le Proche Orient est un sujet qui déclenche beaucoup de passion. L'irrationalité l'emporte actuellement très largement. C'est aussi un sujet qui transcende les clivages politiques. Dans toutes les formations politiques, des gens veulent mettre un tabou sur ce débat, d'autres pensent au contraire qu'il faut en débattre. Pourquoi? C'est bien sûr parce qu'au centre il y a Israël, et que dès qu'on parle d'Israël se profile la question de l'antisémitisme. Pour des militants de gauche qui pensent qu'il est légitime de critiquer le gouvernement israélien sur sa politique, la barrière de l'antisémitisme est une barrière énorme. De plus, la lutte contre l'antisémitisme est très souvent instrumentalisée pour protéger les pratiques du gouvernement israélien et c'est bien là la difficulté pour des militants de gauche: comment faire en sorte de ne pas se retrouver en mauvaise compagnie, de pouvoir exercer une critique politique visant Israël sans remettre en cause ni l'existence de l'état d'Israël ni le droit des Juifs à vivre en paix, là-bas ou dans d'autres pays 1 Il Y a une sorte d'intoxication entre la situation sur place et la situation ici : à chaque dégradation de la situation au Proche Orient, le débat se durcit ici. Les choses se sont calmées l'an dernier lorsqu'on a vu à la fois l'élection de Mahmoud Abbas, l'annonce du plan de retrait de Gaza et le nouveau gouvernement de coalition en Israël. Et au moment où des difficultés apparaissent de nouveau avec un nouveau gouvernement de coalition en Israël mais aussi l'élection du Hamas en Palestine, cela redevient de plus en plus tendu. Quelle est la différence entre la critique du gouvernement israélien, la critique de l'existence d'Israël et celle des Juifs en tant que peuple? Il faut distinguer ce qui est de l'antisémitisme, ce qui est de l'antisionisme et ce . qui relève du débat politique sur l'action d'un gouvernement. Je ne vois pas au nom de quoi l'attitude du gouvernement israélien serait la seule qui ne puisse être soumise à un examen critique. Si je critique Georges Bush, on ne me traitera pas d'antiaméricain. Si je vais place du Trocadéro protester contre la façon dont le gouvernement chinois se conduit au Tibet, on ne va pas dire que je fais de l'antisinisme primaire, si je m'élève contre les pratiques de Poutine en Tchétchénie, personne n'ira dire que je suis antirusse. Ou si je dis la question ; si on fait vraiment de la politique, si on est dans un lieu où il y a des gens qui se réclament du sionisme, on peut parfois heurter de front des gens qui, finalement, sont absolument au coude à coude avec nous dans la bataille pratique. C'est pour cela que me situant totalement dans le champ politique, j'ai tendance à dire que ce n'est pas le meilleur débat à mener, ici sans doute, mais pas dans la bataille politique. que le gouvernement français au Togo ou ailleurs conduit une politique dans laquelle on peut ne pas se reconnaître, on ne va pas dire que je fais une critique raciste du gouvernement français. Bien sûr, Israël est un cas particulier parce que c'est un Etat basé autour d'un peuple mais même ainsi, je crois qu'il faut banaliser la critique de son gouvernement, ce qui ne veut pas dire la rendre plus fréquente (je préférerais que cette critique soit moins fréquente), mais ne pas la soumettre " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 11 12 Colloque Edito International · Dossier : Immigration Discrimination Education ' Kiosque à des critères différents de ceux appliqués aux autres pays. Par contre, remettre en cause le droit d'Israël à exister, c'est de l'antisémitisme. Il faut faire un peu de définition parce que certains disent: si vous critiquez Sharon, vous êtes antisioniste, si vous êtes antisioniste, vous êtes antisémite. Ce sont trois choses différentes. Premièrement, un antisémite, ce n'est pas la peine d'en donner une définition au MRAP, c'est quelqu'un qui est contre les Juifs parce qu'ils sont juifs, quelqu'un qui a la haine des Juifs pour la seule raison qu'ils appartiennent à une « race" qu'il n'aime pas. Cela, c'est le racisme dans toute sa splendeur. l'antisémitisme L'antisionisme , c'est différent, c'est le fait de ne pas reconnaître au peuple juif le droit d'avoir un Etat. Parmi les Juifs eux-mêmes, certains sont antisionistes parce qu'ils sont de gauche, laïques, ou au contraire parce qu'ils sont ultra religieux. Mais le débat sur le sionisme est plus un problème pour les Juifs que pour les non Juifs ; moi cela ne me regarde pas trop : Israël est pour moi une réalité géopolitique, il n'y a pas à revenir dessus. Aujourd'hui, si on veut avancer vers la paix au Proche Orient, il faut reconnaître le droit d'Israël à exister dans des frontières sures et reconnues, celles de 1967, éventuellement avec des modifications si elles sont agréées et compensées, négociées entre Israéliens et Palestiniens. Pour moi, le droit d'Israël à exister ne se discute pas parce que je suis pour la légalité internationale et qu'Israël est un Etat membre des Nations Unies, reconnu en tant que tel. Je ne suis en rien ni bien sûr antisémite, ni bien sûr antisioniste. Je ne me situe pas en tout cas parmi ceux qui prônent un état binational. Je crois que si on veut progresser, il ne faut pas partir sur la remise en cause du droit d'Israël à exister. Critique du gouvernement israëlien Et puis, le troisième niveau c'est la critique du gouvernement israélien. C'est le fait d'être d'accord, par exemple, avec le retrait de Gaza, donc d'approuver le gouvernement israélien lorsqu 'il se retire de Gaza, mais de le désapprouver quand il se contente de se retirer de Gaza et ne va pas plus loin. Ceci comme avec tout autre gouvernement. Je pense que cet amalgame antisionisme- antisémitisme est un contrecoup malheureux d'un effet heureux: je ne dirais pas que l'antisémitisme n'existe plus en France mais il est devenu marginal, il faut s'en féliciter et c'est notamment grâce à l'action des mouvements antiracistes. Dans toutes les enquêtes d'opinion, à la question par exemple : « Accepteriez-vous que votre fille ou votre fils se marie avec un Juif Î " , le taux de réponse défavorable a beaucoup diminué sur deux générations. « Est-ce que vous seriez d'accord pour élire un Président de la république qui soit juif Î ", je crois qu'il y a 11 % de gens qui disent « non ", c'était beaucoup plus important dans les années 60. Il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a plus d'antisémitisme en France mais heureusement il est moins fort. Mais, en même temps, la lutte contre l'antisémitisme, notamment en réaction aux horreurs de la deuxième guerre mondiale, s'est développée à un point tel qu'il y a un mouvement qui consiste à instrumentaliser la lutte contre l'antisémitisme au profit de la sanctuarisation de l'attitude du gouvernement israélien. Ce n'est pas un hasard si les débats sur la montée de l'antisémitisme en France viennent toujours d'abord d'Israël et sont ensuite relayés en France, et ce depuis 1982 quand Shamir est venu en France pour traiter Mitterrand d'antisémite. Pourquoi? Parce qu'il avait sauvé Arafat, qu'il l'avait exfiltré du Liban et, après l'attentat de la rue des Rosiers, des manifestations en ont imputé indirectement la responsabilité à Mitterrand. Donc, en 1982, il Y a de nouveau ce débat sur la résurgence de l'antisémitisme en France et puis, ce n'est pas par hasard, en 2000/ 2001, de nouveau, il y a une résurgence, Sharon vient en France et dit : « il y a une montée de l'antisémitisme ". Sur quoi s'est-il appuyé? Sur les violences, notamment en banlieue, faites à des Juifs, des faits incontestables qu'il faut reconnaître parce que les nier est hors réalité, mais on a fait d'un os un dinosaure. Face à des actes répréhensibles, condamnables, que le MRAP a évidemment condamné, on a dit qu'il y avait une vague d'antisémitisme dans ce pays ce qui statistiquement, dans les faits, ne correspondait pas à la réalité. Dans les années 2001, 2002, 2003, le CRIF recensait entre 300 et 400 actes antisémites mais, parmi ceux-ci, il y avait des graffitis, des coups de fil anonymes et de vraies violences physiques. Faisons juste une comparaison : par an, il y a 80 000 violences faites à des enfants en milieu scolaire, 12 000 viols, 11 000 suicides. Donc on ne peut pas dire qu'il y a une vague énorme d'antisémitisme, on peut dire qu'il y a effectivement des actes isolés d'antisémitisme. Ce n'est pas relativiser, faire du révisionnisme, c'est seulement dire que les faits sont les faits. Et cela a été instrumentalisé. Pourquoi ? Dès que le gouvernement israélien est en difficulté, l'arme absolue, c'est de mettre en avant l'antisémitisme parce que, surtout quand on est de gauche, c'est quelque chose qui arrête immédiatement. D'abord, parce que cela ne correspond pas aux valeurs de gauche donc il y a une hésitation intellectuelle (<< attention, cela peut déboucher sur de l'antisémitisme "), et puis surtout, il y a deux accusations dont on ne se relève pas en France: antisémite et pédophile. Il n'y a pas d'équivalent du CRIF pour les enfants et donc cela change un peu la donne. Pour ces deux accusations, c'est à vous de faire la preuve que vous n'êtes pas coupable, ce ne sont pas à ceux qui vous accusent. Si le CRIF ou des intellectuels organiques disent que c'est antisémite, ou plutôt, pour ne pas avoir de procès en diffamation, que c'est à la limite de l'antisémitisme (<< il a franchi la ligne jaune "), ces accusations font rumeur et c'est ensuite à vous de vous expliquer constamment. Pour prendre mon cas personnel, j'ai dit qu'il fallait sur le conflit israélo-palestinien non pas faire jouer le poids des communautés mais faire jouer les critères universels. Pour avoir écrit cela et aussi écrit que, à terme, les Juifs étant moins nombreux que les Arabes, il vaut mieux, autant pour des questions morales que pour des questions politiques, faire jouer des critères universels plutôt que des critères communautaires. La traduction organisée qui a été faite de cela, c'est: Pascal Boniface, c'est celui qui dit qu'il faut être pro-palestinien parce qu'il y a plus d'Arabes que de juifs. Et souvent des gens me haïssent sincèrement parce qu'ils pensent que j'ai réellement dit cela. Et effectivement, si cela avait été le cas, je ne serai pas très digne d'être respecté mais je ne l'ai ni dit ni écrit et à mon grand amusement, Julien Dray, dans le dernier numéro du Point, à propos du livre de C. Gabizon et ].Weisz, dit « il ne faut pas jouer lobby contre lobby dans ce conflit", donc il dit la même chose que moi, mais pour avoir dit cela j'ai été stigmatisé, et lui va être célébré comme un grand universaliste juif. Caractère spéCifique Il y a donc un caractère spécifique et cela joue à chaque fois que le gouvernement israélien est en danger sur les principes mêmes qui ont fondé la création de l'Etat d'Israël. A chaque fois que l'Etat d'Israël, le gouvernement israélien ne respecte pas ses principes fon- « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 dateurs, le gouvernement israélien agite, notamment en France, le spectre de l'antisémitisme. Quand Israël se défend par rapport à une guerre d'agression, on ne parle pas d'antisémitisme en France, mais quand Israël envahit le Liban, ou détruit méthodiquement les infrastructures palestiniennes des accords d'Oslo, il y a une grande montée du débat sur l'antisémitisme nettement supérieure à l'antisémitisme réel. Le danger de tout ça, on l'a vu avec l'affaire Ilan Halimi, c'est qu'il se crée un fossé et le vrai danger ce n'est pas tellement le retour à l'antisémitisme traditionnel des années antérieures, c'est plutôt deux dérives, d'abord une dérive violente par de jeunes Musulmans qui ont le sentiment que eux ne comptent pas, que ce sont les autres qui ont toujours tout. !l ne faut pas avoir peur de dire les choses telles qu'elles sont, les violences physiques faites aux Juifs en banlieue sont majoritairement le fait de jeunes Arabes. Ce n'est pas parce que ce sont des Arabes qu'ils ont raison, il ne faut pas avoir peur de qualifier les faits, mais le danger le plus grave, c'est une réaction de rejet vis-à-vis des Juifs, que malheureusement on entend de plus en plus souvent, une réaction globalisante où on met tout le monde dans le même panier sans distinguer l'attitude des uns et des autres. Colloque Edito ' International ! Dossier ! Immigration i Discrim ination ! Educat ion 1 Kiosque Sur l'affaire !lan Halimi j'ai été frappé notamment par deux émissions

« Le téléphone sonne "

avec Gaubert et, le lendemain, Roger Cukiermann invité dans la tranche du matin. Pour une fois, les dirigeants communautaires ont été calmes au début et se sont faits déborder par leur base extrémiste. Mais toute la presse expliquait ce crime, qui a bien des racines différentes, uniquement par le prisme de l'antisémitisme. L'antisémitisme, c'est une des composantes multiples de cette affaire. A ne la présenter que sous l'angle de l'antisémitisme, cela crée une réaction de rejet de gens qui se sont dits : mais, cela aurait été mon fils, qu'est ce qui se serait passé? Est-ce que le Président de la République serait venu, est-ce que les journaux en auraient parlé autant? Cela crée une réaction, avec laquelle on a un peu de problème, qui consiste à se dire qu'il y en a plus pour les uns que pour les autres. Et les réactions des auditeurs à Roger Cukiermann qui était pourtant plutôt calme, qui n'a pas mis d'huile sur le feu, étaient ainsi. Donc, le danger c'est de considérer qu'il y a un racisme qui est plus important que d'autres, qu'une partie des Français doit être plus défendue que les autres. Cela crée en réaction quelque chose qui relève d'un malaise et qui peut partiellement créer ce que l'on veut combattre. Si on donne le sentiment que tous les Français ne sont pas égaux devant les atteintes aux personnes ou les atteintes aux biens, on risque de réellement créer un problème. Je pense donc que le danger, si on veut combattre réellement l'antisémitisme comme les autres formes de racisme, c'est d'abord de donner l'impression qu'il y aurait une forme de racisme qu'il faudrait plus combattre que les autres. Il faut combattre le racisme selon son importance mais pas en fonction des communautés qui en sont victimes. Tous les français doivent être également protégés. L'autre danger, c'est de dire « interdisons le débat sur le Proche Orient parce que lorsqu'on débat sur le Proche Orient on développe l'antisémitisme en France ". De nombreux intellectuels ou responsables disent: « si, par exemple, on raconte ce qui se passe à Jenine, il • Y a des Juifs qui se feront agresser dans la rue ". Est-ce que c'est en interdisant de parler de ce qui se passe dans les territoires occupés qu'on va empêcher cela? Non. Et si par un effet mécanique il y a parfois des têtes brûlés qui, voyant cela à la télé, vont agresser des Juifs: oui, il faut le reconnaître, il faut le combattre, il ne faut pas le nier. Est-ce que pour autant il faut interdire toute information ou tout débat sur le Proche Orient Î Non. D'abord, parce que c'est peut-être aussi aux responsables institutionnels et aux intellectuels communautaires de ne pas faire à chaque fois le lien pour appeler tous les Juifs globalement à faire corps autour d'Israël. Ceux qui font le plus le lien entre Juifs français et gouvernement israélien, ce sont bien certains intellectuels qui estiment, comme Alain Finkielkraut au procès de Daniel Mermet que « 95 % des Juifs sont sionistes ". Et encore, ils peuvent être sionistes tout en critiquant Sharon. Yossi Beilin, je crois, est sioniste comme de nombreux responsables israéliens, comme Avram Burg, qui dit des choses sur l'attitude de son propre gouvernement qui n'auraient pas été publiables si elles avaient été écrites par un « goy". On voit bien cela dans les pages débats du Monde : le gouvernement israélien est souvent critiqué mais il faut que ce soit par un Israélien. C'est une sorte de communautarisation du débat critique sur Israël; cela peut être soit un Juif français soit un Israélien, mais pas quelqu'un qui n'est ni Juif ni Israélien parce que tout de suite l'accusation d'antisémitisme pointe. Cela ne me parait pas normal. Et si on interdit le débat sur le Proche Orient pour lutter contre l'antisémitisme, on va en sens contraire de cet objectif. Les réactions de type « les médias sont aux mains des juifs" sont encore plus nombreuses et lorsque le débat n'a pas lieu de façon calme, il a lieu de façon sournoise ou il se traduit par des violences. r-- ------- ----- --------------------------------------- ------------- ________________________________________ ~ BULLETIN D'ABONNEMENT PROMOTIONNEL DE « DIFFÉRENCES» • • International Juridique • • Dossier Immigration • • Education Histoire ... Renvoyez ce bulletin d'abonnement à l'adresse suivante: Différences, 43 bd de Magenta, 7501 0 PARIS Je souscris 4 numéros pour 12 € seulement! o Oui, je profite de l'offre de la revue Différences. Je recevrai les quatre numéros à l'adresse suivante: NOM: . PRÉNOM: . PROFESSION : . 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Nous voulons la liberté et l'indépendance pour la Palestine, la paix et la sécurité pour Israël, la paix et la sécurité pour la Palestine. Le seul chemin possible est celui d'une solution négociée, fondée sur la légalité internationale, qui respecte les droits nationaux de tous les peuples de la région, et d'abord ceux des peuples israélien et palestinien. Dans ces conditions, le débat sur sionisme et antisionisme apparaît comme un combat doctrinaire truqué, rempli d'embûches et de contradictions. Quel sionisme ? Le sionisme révisionniste de Jabotinski et de la droite israélienne qui envisage l'expulsion des Palestiniens et la construction du Grand Israël ? Ou bien celui des refuzniks israéliens qui vont en prison, au nom de ce qu'ils appellent leur idéal sioniste, parce qu'ils refusent de porter les armes contre les Palestiniens? Ou encore une variante intermédiaire Î Quel anti-sionisme ? Celui qui veut détruire l'Etat d'Israël, déporter (au mieux) les Juifs israéliens en Europe ? Celui qui légitime toute violence faite à tout Juif dans le monde Î Ou celui qui souhaite voir Israël abandonner la référence juive pour devenir un Etat avec des droits égaux pour tous? Quel anti-sionisme ? Celui qui veut l'égalité des droits en Israël Î Celui qui prône un Etat binational? Celui qui cache, derrière ce mot, l'antisémitisme des intégristes islamistes ou celui de toujours? Celui pour qui tout Juif de par le monde est un sioniste, un ennemi à abattre? L'idéologie sioniste, née des persécutions antisémites, entretenue par le génocide, a joué un rôle dans la construction d'Israël. Mais jamais elle n'aurait eu ce résultat sans le génocide. Quoi qu'il en soit, le fait indiscutable est qu'aujourd'hui il existe deux peuples. Le peuple palestinien voit ses droits nationaux niés, et son territoire occupé par l'armée du peuple israélien, dont la majorité, de son côté, craint pour sa sécurité et sa survie. Le fondement solide de la sécurité d'Israël n'est pas une quelconque idéologie sioniste aux relents chauvins, c'est le droit international, indissociable de la réalisation des droits nationaux palestiniens. Une Aure Voix Juive pense que le combat pour une paix juste et durable doit s'en tenir aux acquis démocratiques que sont la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Charte de l'ONU, ses résolutions. C'est sur ces bases qu'il faut lutter pour la seule solution possible au conflit: deux Etats, viables, vivant côte à côte avec des garanties internationales et des droits égaux. La rhétorique antisioniste n'est pas constructive, et elle est dangereuse. Si le sionisme d'aujourd'hui prétend fonder le droit d'Israël à l'existence et la sécurité sur des bases irrationnelles et non démocratiques, l'antisionisme, lui, peut déraper, et dérape souvent, dans la négation des droits du peuple israélien, et devenir indiscernable, aux yeux de l'opinion, de l'antisémitisme lepéniste, dieudonniste ou de celui véhiculé par l'intégrisme islamique. Ce qui importe, c'est de réunir toutes les forces de paL"" en Israël, en Palestine et dans le monde, pour une solution négociée juste et durable. Il faut isoler et battre les partisans de l'affrontement, qu'ils soient en Israël ou en Palestine, ou ailleurs. Un Etat juif pour le « peuple juif « ;» Sur un point - important -, nous estimons que le débat d'idée devrait s'aiguiser. Il est courant d'entendre parler, ici et là, de « peuple juif ". Pour certains, qui ont souligné l'existence de cette formulation dans le texte de l'Initiative de Genève (<< Israël est l'Etat (juiD du peuple juif ,,), cette formulation pose problème. D'abord, pour les Arabes israéliens, qui seraient par cette formulation relégués définitivement à l'état de sous-citoyens. Mais bien au delà, peut-on dire que la diaspora juive forme un peuple? Il y a certes quelque chose en commun entre Juifs de différents •• pays. Les aspects religieux sont très minoritaires de nos jours. Des aspects culturels qui ont une origine religieuse plus ou moins lointaine sont une chose. L'expérience de la discrimination, le fait d'appartenir à un groupe humain dont l'extermination totale fut préparée, planifiée et mise en oeuvre de façon rationnelle et industrielle, dans un des pays les plus avancés de la planète il y a moins de deux générations, en est une autre. C'est une spécificité juive. Elle constitue, pour beaucoup de Juifs dans le monde, matière à un questionnement, une soif de comprendre ce monde incompréhensible qui peut devenir l'enfer. Cette stupéfaction et cette indignation renouvelées devant le racisme, outre qu'elles fournissent du commun à tous ceux qui l'ont éprouvé, nourrissent aussi, pour un très grand nombre de Juifs, un sentiment de fraternité, de solidarité avec ceux qui ont à affronter cette violence sociale : non seulement les Tziganes, victimes eux aussi du génocide nazi mais en butte encore aujourd'hui aux discriminations massives en Europe ; mais aussi les descendants d' esclaves africains ; et tous nos frères d'origine immigrée, en « Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n" 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 butte aux discriminations et à la misère, issus de pays qui furent colonisés. Il y a donc bien du commun, mais il y a aussi du commun entre salariés juifs et non juifs face à la mondialisation libérale, et du commun entre actionnaires juifs ou non, de sociétés industrielles. Faire appel à la notion de « peuple juif ", c'est privilégier des aspects culturels, l'expérience de la discrimination, au détriment des solidarités tout aussi réelles qui naissent de l'appartenance aux classes sociales des différents peuples dont font partie les Juifs de la diaspora. Il existe un peuple israélien, de constitution récente. Mais l'opinion du collectif UAVJ est qu'appliquer la notion de peuple au fait historique, sociologique et culturel original que constitue la diaspora juive, c'est plaquer sur une réalité complexe, multiforme, un concept qui ne la décrit pas de façon satisfaisante. C'est aussi justifier l'idée d'un réservoir sans fin d'immigration en Israël, si les circonstances et la recrudescence de l'antisémitisme s'y prêtaient. Contre le communautarisme et tous les racismes Le manifeste d'UAVJ affirme « Descendant-e-s de longues lignées d'hommes et de femmes persécutés ... depuis des siècles, nous luttons contre toute forme de persécution, d'oppression ... ". Pour un secteur important, peutêtre majoritaire, de l'opinion des Français juifs, la leçon du génocide, de la lutte contre le nazisme, c'est l'attachement viscéral à la démocratie, à l'universalité des Droits de l'homme. Que d'autres en tirent des leçons diamétralement opposées, et cherchent le repliement sur leur identité ou sur des postures nationalistes, est compréhensible. Nous pensons qu'ils se trompent tragiquement. La posture progressiste a aussi été longtemps celle du CRIF, structure née de la guerre et de la Résistance. Mais peu à peu, le souci de la sécurité d'Israël l'a emporté au CRIF sur l'universalisme Il existe en ce moment dans notre pays des forces politiques qui souhaitent par tous les moyens fragmenter le peuple, en particulier ses couches les plus pauvres, selon leurs croyances, la couleur Colloque Edito 1 International Dossier 1 Immigration : Discrimination 1 Education! Kiosque de la peau, l'origine géographique ou culturelle. Cette entreprise, d'essence raciste et antidémocratique, qui vise à substituer aux solidarités fondamentales entre salariés, entre couches populaires, une fragmentation en groupes antagonistes, est avant tout celle de forces qui se situent à droite. Vont dans le même sens, à la fois l'intolérance anti-religieuse qui vise particulièrement, ces tempsci, les Musulmans, et la prétention à interdire la critique des religions. Empêcher que se regroupent, comme lors du mouvement contre le CPE, toutes les forces qui ont intérêt au progrès social est évidemment un objectif stratégique pour les partisans d'un système économique et social injuste et prédateur. Un des aspects les plus révoltants de ces tentatives est celui qui consiste, sous couleur de défendre une catégorie de victimes du racisme, d'en accuser, à tort, une autre de ses maux. La tentative d'attribuer« aux Juifs " la responsabilité et les bénéfices de la traite des esclaves, outre qu'elle ne repose sur rien, exonère de leurs crimes historiques les régimes féodaux et les bourgeoisies européennes qui ont organisé la traite à leur profit pendant plusieurs siècles. Ces discours qui ne profitent qu'à la droite extrême ne méritent que mépris. Malheureusement, depuis son accès à la direction du CRIF il y a quelques années, un groupe lié à la droite israélienne a imprimé au CRIF une orientation dangereuse, indifférente à la violence faite au peuple palestinien, et qui prête main forte à cette entreprise de la droite française. Le dernier avatar de cette politique est le recyclage de l'extrême droite française (celle de De Villiers) parmi les forces politiques fréquentables à droite, lors de la manifestation contre l'assassinat d'Ilan Halimi. Ce groupe (la direction actuelle du CRIF) a voulu propager l'image d'une France antisémite, et a cherché à définir la critique de la politique israélienne en Palestine comme une manifestation d'antisémitisme. Apportant de l'eau au moulin des antisémites de tout poil, leur allié Sharon déclara en juin 2004 que tous les Juifs français devaient émigrer en Israël. En janvier dernier, Le Monde écrivait: « Sharon, rassembleur des Juifs de France ". Cette analyse est archi-fausse. Le CRIF influence certainement une fraction significative, organisée, du judaïsme français. Mais il n'en • organise qu'un tiers environ. La plupart des Français juifs vivent leur part d'identité juive de façon privée et ne se reconnaissent pas dans le CRIF, en tout cas pas dans sa direction actuelle. La réalité est qu'il existe une grande diversité d'opinions parmi les Français juifs, tant sur le plan de la politique française que sur l'attitude par rapport à Israël. Naturellement, la sensibilité particulière au destin d'Israël, en particulier à sa sécurité, est souvent un fait. Elle est légitime : liens de famille, image (vraie ou fausse, peu importe) d'Israël comme refuge contre l'antisémitisme, etc. Mais les sondages montrent que la majorité des Français juifs est favorable à une solution qui respecte les droits nationaux palestiniens. Ils sont et se veulent partie intégrante du peuple français, de ses espoirs et de ses luttes. Les analyses sommaires qui font des Français juifs, à travers les positions de la direction actuelle du CRIF, des soutiens de la politique israélienne sont non seulement injurieuses, d'essence raciste, mais elles sont également génératrices d'un renforcement de cette direction. L'antisémitisme n'a besoin d'aucun élément matériel pour exister et se développer. Si les dirigeants actuels du CRIF et leurs amis n'ont certes pas créé l'antisémitisme, ils ont contribué, en accusant quiconque critique la politique israélienne d'antisémitisme, à lever les tabous qui frappaient la parole et la violence antisémites. C'est la responsabilité des courants juifs progressistes organisés au sein du CRIF d'obtenir un changement significatif d'orientation. Le CRIF doit renouer avec les valeurs humanistes et démocratiques, et cesser son soutien aux aspects inacceptables de la politique israélienne. En même temps, certains, sous couvert de soutien au peuple palestinien, ignorent la complexité et l'originalité du conflit, font du peuple israélien et des Juifs dans le monde une analyse unilatérale, d'essence raciste. Les dénonciations en boucle du CRIF sur certains sites Internet, invoquant ou non la solidarité avec le peuple palestinien, véhiculent en arrièreplan le fantasme antisémite de la toute-puissance d'une organisation qui détiendrait le pouvoir. Ces discours-là, ces individus et ces groupes, renforcent le camp des inconditionnels de la politique israélienne en repoussant vers eux nombre de nos concitoyens juifs qui souhaitent une solution négociée juste au conflit. De même, si la violence faite aux Palestiniens par Israël a facilité dans nombre de pays arabes un développement historiquement nouveau d'un antisémitisme souvent encouragé et utilisé par les Etats, ce dernier, en retour, pousse vers le soutien à Israël nombre de Juifs de par le monde. Vigilance devant l'antisémitisme Le racisme, arme contre la démocratie, négation de l'universalité des droits humains, est Un. Mais il s'exprime sous des formes différentes quand il s'attaque à des groupes humains particuliers. La lutte contre le racisme et l'antisé- « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 15 16 Colloque Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque mitisme doit être menée de front, sans gommer ou nier les spécificités de chaque racisme, ni celle de l'antisémitisme. La forme extrême qu'a prise et peut prendre dans l'histoire humaine cette forme de racisme qu'est l'antisémitisme, la proximité du génocide dans le temps et l'espace, justifient l'expression " lutte contre le racisme et l'antisémitisme ". L'antisémitisme a servi historiquement au nazisme - dans une situation sociale troublée où la classe ouvrière allemande était sensible aux idées du socialisme - à détourner la colère populaire contre les Juifs pour préserver le Capital et installer la suprématie d'une race. Qui mieux que le MRAP est à même d'entretenir la vigilance, alors que resurgissent les vieux fantasmes dans une société malade de la crise ? Nous disions il y un an, lors d'un colloque tenu à l'Assemblée nationale

" Dans notre action (celle

d'UAV]), nous avons naturellement des alliés parmi les forces qui en France luttent pour le respect des droits nationaux palestiniens. Des actions communes sont possibles et souhaitables. D'ailleurs, nous avons un statut d'observateur dans le Collectif des ONG pour la Palestine. Mais, en même temps, nous nous refusons, et nous nous refuserons, à faire le moindre millimètre de chemin commun avec des forces qui, de près ou de loin, tolèrent la moindre proximité avec ceux dont l'amour pour la Palestine n'est que le masque commode d'un antisémitisme. Ceuxlà se croient enfin légitimés par l'action du gouvernement d'Israël. Nous ne pouvons nous résigner à travailler avec des groupes ou des individus qui ne veulent ou ne peuvent prendre en compte toute la complexité historique et symbolique du conflit du ProcheOrient. Certains, en vertu d'un humanisme à géométrie variable, sont prêts, au nom de la solidarité avec le peuple palestinien, à des compromissions avec des révisionnistes et des négationnistes, ou à oublier les leçons que nous ont apprises les luttes contre le nazisme. Or, nous le savons, la France n'est pas submergée par la vague d'antisémitisme qu'a voulu décrire Sharon ou la droite proisraélienne aux Etats-Unis ou en France. Mais les interdits qui paralysaient la parole et la violence antisémite sont levés. Les actes et les violences antisémites ont augmenté d'un facteur dix depuis treize ans, et particulièrement depuis la Deuxième Intifada. Dans le même temps, les incendiaires qui voient dans tout Français d'origine maghrébine, ou dans tout musulman, un terroriste islamiste favorisent la montée des violences anti-immigrés, des discriminations de toute sorte, au logement, à l'embauche, etc. La montée de discours communautaristes, isolant les différentes catégories victimes du racisme, est une menace pour les forces démocratiques dont Une autre voix juive fait partie. Nous devons inscrire notre participation aux luttes contre l'antisémitisme dans la lutte générale contre tous les racismes, et refuser d'isoler, dans le débat public, la prise en compte des conséquences historiques du génocide de celles du colonialisme, de l'esclavage ou des discriminations spécifiques subies par les femmes. " Cette analyse reste valable aujourd'hui, comme le confirme le récent rapport de la CNCDH, même si les violences racistes et antisémites ont décru en 2005 de 50 % (conséquence directe de l'arrêt de l'Intifada armée). L'indifférence devant le racisme et l'antisémitisme augmentent fortement. Jamais on ne pourra se plaindre d'une trop grande vigilance par rapport à l'antisémitisme, d'autant plus qu'il faut manifester de façon visible aux yeux du monde entier que la France n'est pas le pays antisémite que décrivent la droite israélienne, américaine, ou certains en France. En revanche, il est indéniable qu'i! faut intensifier considérablement la lutte contre le racisme anti-Maghrébin, anti-Noirs, anti-Roms, la xénophobie, l'intolérance sectaire à l'islam, contre les discriminations de toute sorte dont souffrent les travailleurs d'origine immigrée. Mais de grâce, abandonnons l'expression ambiguë et dangereuse " deux poids deux mesures " en ce qui concerne les différentes formes de racisme

il ne s'agit pas d'équilibrer telle

forme de racisme par telle forme d'antisémitisme. Tout montre que la violence raciste et l'antisémitisme marchent de pair, se rerrforcent ou s'affaiblissent ensemble. On n'en fait pas trop contre l'antisémitisme. Mais on n'en fait pas assez contre les autres formes de racisme, les discriminations. Tout montre de plus qu'il faut mettre en pratique une politique de l'emploi, une politique sociale nouvelle, notamment pour lutter contre les préjugés et les pratiques racistes qui frappent nombre de couches populaires. La situation actuelle au Proche-Orient Un élément nouveau est apparu depuis janvier, en ce qui concerne le Proche-Orient, avec la défaite des forces démocratiques palestiniennes aux élections, et le succès électoral du Hamas. Avec 45 % des voix, celui-ci a une grande majorité d'élus, et a formé le Gouvernement. Ce n'est pas la première fois qu'un processus électoral démocratique amène au pouvoir des forces obscurantistes dangereuses. En fait , lorsqu 'un tel processus démocratique a mené au pouvoir Sharon allié à la droite la plus extrême, nous avons exprimé des critiques fortes contre ce gouvernement. Les élections récentes en Israël n'ont pas permis l'émergence majoritaire d'une volonté de négocier avec l'autorité palestinienne. La construction du mur d'annexion se poursuit, l'unilatéralisme est réaffirmé, au mépris de la légalité internationale. UAV] dénonce cette politique qui a tout fait pour saper l'autorité de Yasser Arafat, puis de Mahmoud Abbas. UAV] considère que le gouvernement nouvellement élu en Palestine, proche des Frères musulmans, complique dangereusement la situation, affaiblit politiquement la cause palestinienne, renforce la droite israélienne, éloigne les perspectives d'une paix juste et durable. L'objectif de la Charte du Hamas de détruire l'Etat d'Israël est réaffirmé chaque jour, même si l'on finasse et joue avec les mots. L'utilisation de jeunes désespérés pour des attentats-suicides visant des civils en Israël est revendiquée. Une autre voix juive considère que la solidarité avec les démocrates palestiniens impose, en même temps que la critique de la violence israélienne, de sa politique unilatérale, la critique des éléments inacceptables de la Charte du Hamas. La légalité internationale, les résolutions de l'ONU, l'exigence de leur respect, sont une arme politique fondamentale du peuple palestinien. Il ne faut pas qu'il en soit dépossédé. Ceux qui s'accommodent, de la part du Hamas, d'une posture qui, en ce qui concerne les droits nationaux israéliens, viole radicalement les principes universels du droit des peuples, sont de faux amis du peuple palestinien, et de la lutte pour la paix. Le droit des peuples à avoir un Etat de leur choix ne se négocie pas. C'est ce qui fonde l'action d'UAV] en faveur des droits nationaux palestiniens, et notre critique sans complaisance de la politique israélienne. Il serait moralement et politiquement inacceptable de transiger avec ce principe sous prétexte que le Hamas a été élu. Il faut exercer une pression politique incessante pour le contraindre à modifier sa Charte. Le gouvernement du Hamas est une catastrophe politique pour le peuple palestinien et pour la paix, qui a fourni aux ennemis du peuple palestinien l'occasion aux Etats-Unis, en Europe et en Israël, de suspendre les subventions et le transfert des droits de douane. La position d'UAV] sur la suspension des subventions de l'UE à l'Autorité palestinienne a été détaillée dans un communiqué publié dans la presse, visible sur le site http:// uavj.free. fr/ UAV]txt16.htm et disponible dans cette salle. Nous réclamons le rétablissement immédiat des subventions, le versement des droits de douane, etc., sous des formes appropriées. UAV] considère qu'il faut cesser de pénaliser le peuple pour les fautes de son gouvernement. Il ne faut abandonner ni les démocrates, ni le peuple palestinien, ni le Président de l'Autorité palestinienne. Cela exige une pression politique sans répit pour que le Hamas abroge clairement et définitivement ses objectifs politiques criminels. C'est la meilleure manière de soutenir Mahmoud Abbas dans ses efforts pour amener le gouvernement israélien à la négociation. Nous réaffirmons solennellement que la paix doit résulter de négociations politiques, pour que deux Etats, palestinien et israélien, puissent coexister avec des garanties internationales. L'existence d'Israël a été reconnue par l'OLP lors des accords d'Oslo

elle n'est pas à négocier. Il en

est de même des droits du peuple palestinien à se doter d'un Etat indépendant et viable. Nous considérons aujourd'hui, devant l'obstruction au dialogue entre les parties au conflit, qu'il est indispensable de réunir une conférence internationale sous l'égide de l'ONU afin de régler les différends et d'aboutir à une paix définitive. " Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 1 Colloque Edito ' International ' Dossier : Immigration 1 Discrim ination ! Education: Kiosque 1 René Monzat, journaliste, spécialiste des extrêmes-droites Ces dernières années ont vu bouger les lignes de front, conséquences d'évolutions idéologico- culturelles, sociales ou politiques. Il existait une extrême droite historiquement antisémite combattue par une gauche antiraciste plus ou moins alliée à des organisations juives démocratiques et républicaines. Aujourd'hui une extrême droite plus antiarabe et islamophobe que jamais tente en coordination avec d'autres courant de droite de rompre les liens entre les organisations juives et la gauche au profit d'une alliance des Juifs et de la droite sur une base communautariste et de soutien à Israël analysé comme un état ethnico-religieux. L'apparition de courants sionistes d'extrême droite, très minoritaires, symbolise ce renversement d'alliance esquissé. Mais ces évolutions se déroulent sur un fond de diffusion du communautarisme et de formes de racisme au sein de groupes eux même victimes du racisme. Le communautarisme ethnocentrique était en France celui du groupe dominant, politiquement exprimé par le FN, il est aujourd'hui présent (plus ou moins marginalement) chez tous ceux que le communautarisme gaulois blanc visait: " juifs, arabes/ musulmans, noirs ". L'extrême droite a eu des rapports complexes avec les juifs et avec telle ou telle forme d'idée sioniste. Elle a oscillé entre une hostilité de principe à toute forme de nationalisme juif et l'idée selon laquelle le projet sioniste pourrait faire partir les Juifs d'Europe vers la Palestine et transformer les Juifs européens en étrangers dans leur propres pays [l]. L'extrême droite longtemps expressément rétive a toute idée (multi) communautariste est en passe d'instrumentaliser à ses propres fins ce concepts de " communautarisme ". Dès 2003, les courants les plus radicaux ont franchi le pas" La marée communautariste, opportunité ou danger" titrait Terre et Peuple, tandis que Jeune Résistance, axe son dossier " Communautés et communautarisme " sur" l'échec idéologique des Lumières. " Des associations juives qui alliaient une inscription profonde dans la logique républicaine à un attachement réel à Israël et à un sionisme de façade évoluent sous la poussée d'intellectuels de révolution conservatrice tels Shmuel Trigano, tandis qu'une relecture détaillée de la Révolution Française intitulée" les Lumières françaises et les Juifs " a été traduite et publiée en français, inversant radicalement la réalité historique [2]. Une convergence très circonstancielle a profondément déstabilisé les rapports entre les organisations juives, une fraction de leur base et la république. • Une évolution sociologique vers la droite des juifs de France. • Une méfiance vis-à-vis d'une gauche" propalestinienne " • Une droite qui veut tirer les marrons du feu. • Une extrême droite qui cherche des alliés dans sa croisade contre les arabes et les musulmans. y compris en rêvant d'une alliance entre Poutine qui bute les Tchetchenes, Tsahal qui casse les Palestiniens, des fachos euro. péens qui matent leurs arabes immigrés. • Une extrême droite qui verrait bien une France sans Juifs et espère que les sionistes feront le boulot. • Le besoin stratégique de la droite israélienne, utilisant notamment l'Agence juive dont elle a pris le contrôle. En effet, pour éviter que les Juifs deviennent a terme minoritaire par rapport aux Arabes dans Israël annexant les territoires occupés, le renfort démographique des 800 000 Juifs Français serait indispensable [3]. • Une vague d'actes antisémites qui a été la plus massive depuis la deuxième Guerre Mondiale. • L'évolution a droite d'intellectuels communautaires, P-A Taguieff ou A Finkielkraut venant confluer avec les intellectuels de la révolution conservatrice tel S. Trigano et des propagandistes de la droite extrême comme G-W Goldnadel. Les premiers acceptent de fait une définition d'Israël comme état ethnico-religieux, et se refusent en conséquence à y défendre une conception républicaine de la citoyenneté (dire qu'Israël doit être" l'état de tous ses citoyens" serait ... antisémite !) Les seconds pensent que l'émancipation des Juifs lors de la Révolution française était une erreur, car les Juifs français y auraient perdu en tant que communauté. Le troisième groupe tisse les liens paradoxaux entre ex activistes de la droite radicale, militants du FN ou Villiéristes et certaines associations juives [4]. L'apparition de groupuscules activistes sionistes fascistes et racistes marque simplement la réapparition dans ce contexte de courants qui ont toujours existé dans le mouvement sioniste (qui comprenait aussi une aile socialiste voire révolutionnaire) [5]. Utilisation du communautarisme Les organisations et courants d'extrême droite ne raisonnent plus de manière épidermique, elles peuvent soutenir des ultra-sionistes, Saddam Hussein ou des intégristes islamistes pour des raisons de stratégie tout en détestant les Juifs et les Arabes ainsi que les musulmans. Pour eux le grand danger est la disparition du peuple français, par le mélange avec les Juifs et les Arabes et autres Noirs. Pour éviter ce « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 17 18 1 COllOque Edito International ' Dossier Immigration Discrimination Education ' Kiosque mélange, il est important de mettre des barrières, construites des deux côtés. D'où l'utilisation du communautarisme, et la nécessité d'utiliser des correspondants au sein de chaque communauté. Puisque les intégristes juifs, musulmans ou les racistes noirs partagent cette même phobie du métissage. Convergences récentes Cela explique les convergences apparues notamment dans les rues de Paris. M Sulzer et MC Arnatu, deux cadres du FN participent, protégés par la Ligue de Défense Juive, à la manifestation à la mémoire de Ilan Halimi. Pendant la manifestation organisée par le parti des Musulmans de France, l'orateur principal était un intellectuel organique du FIS algérien participant à des colloques du Grece et à son journal Eléments. Quand Dieudonné organise une mini manif il réunit outre des membres d'un groupe raciste noir Suite ... Sélection faite par Serge Goldberg, Commission MRAP de lutte contre l'antisémitisme et le néo-nazisme. les fondements historiques du sionisme Bernard Ravenel AFPS - 21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris -5 euros Compte-rendu de la conférence du 25 janvier 2003 faite par Bernard Ravenel, président de l'Association France Palestine Solidarité, c'est un historique indispensable, avec en atmexe le texte intégral de la définition proposée par JVlaxime RODINSON dans l'article " sionisme " rédigé pour l'Encyc!opédia Universalis de 1972. qui ira provoquer les passants juifs de la rue des Rosiers, plusieurs faurissoniens français, et des distributeurs de tract pro Hamas .. La situation est tellement dégradée qu'on assiste, en marge de manifestations de rue à des agressions racistes: • Plusieurs " ratonnades" de bandes d'activistes juifs, notamment de la Ligue de Défense Juive, contre des arabes en marge de manifestations du CRIF. • Plusieurs agressions antisémites, en marge de manifs anti Bush, perpétrées par des loubards islamistes proches notamment de la " Bande de la rue de Tanger ", qui montera une mini-filière vers l'Irak. • Agressions de collégiens et lycéens par des bandes de jeunes banlieusards noirs du fait de leur look de " surfeurs" blancs, sur les trottoirs des manifestations lycéennes ou anti CPE [6]. Nous sommes dans le domaine du politique et pas des sentiments et encore moins de la culpabilisation. les cent clés du Proche-Orient Alain Gresh et Dominique Vidal Editions Hachette - 15 euros Sous forme de dictionnaire , comprenant plus d'une centaine d'entrées (dont" sionisme ,,) il passe en revue acteurs, lieux et évènements. Ouvrage indispensable pour qui veut comprendre ce qui se passe dans cette région. Isoler les fascistes sionistes et islamistes De même qu'il faut savoir isoler le FN de la droite politique, il faudra arriver à isoler les fascistes et racistes sionistes des organisations juives officielles, il faut aider les organisations musulmanes principales à renforcer la marginalisation des courants autoritaires et antisémites se réclamant de l'Islam, il faut traiter les groupuscules noirs racistes comme ce qu'ils sont: de racistes anti-blancs et antisémites. Ils ne font pas partie du champ politique" légitime ". Cela veut dire aussi qu'il ne faut pas traiter Sarkozy de nazi, qu'il faut cesser de faire comme si le Crif était juste une dépendance de l'ambassade d'Israël ou qu'il est" passé du côté du FN ", arrêter de laisser soupçonner l'UOIF ou Tariq Ramadan de faire le jeu de Ben Laden, ne pas accuser le Conseil Représentatif des Associations Noires de communautarisme. Il Denis Sie"e~\ Israël, Palestine, une passion française Denis Sieffert Ed. La Découverte - 19 euros Racisme, antisémitisme, affrontements communautaires se nourrissent de la crise du Proche-Orient. Pour quelles raisons particuliuères laFrance est-elle plus sensible qu'aucun autre pays occidental aux échos d'un conflit lointain? C'est ce que nous explique Sieffer dans cet ouvrage très documenté. faut au contraire mener les débats et confrontations politiques nécessaires avec ces acteurs politiques et associatifs qui représentent légitimement une partie de la droite, des habitants musulmans, juifs, ou noirs de peau de notre pays et s'inscrivent dans le jeu politique et social républicain. (1) - " Les juifs en Palestine l, la solution sioniste ou comment s'en débarrasser ", Pierre Bimbaum, cbapitre 9 de" La France aux Français ", bistoire des baines nationalistes. (2) - Artbur Hertzberg " Les O1igines de l'antisémitisme moderne" Presses de la Renaissance. (3) - Cécilia Gabizon, joban Weisz, " OPA sur les juifs de France ".Grasset. (4) - Ras Ij;'ont n° 87 "L'étonnant parcours d'Alexandre Del Valle ". (5) - Elie Barnavi "Sionisme, sionismes". in " Le sionisme e:;..pliqué à nos potes ". (6) - Hugues Lagrange ed, " Emeutes Urbaines et protestations", Presses de Sc Po. Antisémitisme : l'intolérable chantage Sous la direction de Denis Sieffert Ed. La Découverte - 7,50 euros Avec des contibutiuons de journalistes, universitaires, éditeurs, intelelctuelsmilitants (entre autres BALI BAR, BRAUMAN, CYPEL, WARSCHAWSKL) Toute la problèmatique de la " nouvelle judéophobie " pour disqualifier toute critique de la politique israêlienne. Petit ouvrage très pertinent. " Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 Edito ' International 1 Dossier : Immigration Discrimination ! Education 1 Kiosque La guerre du Liban ri Pierre Stambul Président de l'Union juive ji'ançaise pour la Paix En 1982 déjà, l'armée israélienne avait envahi le Liban au nom de la sacro-sainte sécurité d'Israël. Le prétexte invoqué alors par Bégin et Sharon (éloigner l'OLP de la frontière) avait vite « dérapé " : des milliers de morts, le siège de Beyrouth, le massacre de Sabra et Chatila sous-traité avec les milices phalangistes, un pays détruit. Le Sud-Liban a été occupé pendant près de 20 ans avec la création d'une milice de collaborateurs et la transformation de la population frontalière libanaise en travailleurs immigrés journaliers en Israël. Pourtant, le gouvernement israélien de l'époque a échoué. Les crimes commis ont entraîné la première grande révolte de masse en Israël avec des manifestations impressionnantes contre la guerre et la création d'un mouvement pacifiste. L'occupation a vite provoqué au Sud-Liban la création d'une résistance opiniâtre. Le Hezbollah n'existait pas en 1982. e C'est l'occupation qui lui a permis de se créer et de se développer. Ses succès contre l'occupation ont accru sa popularité et le retrait unilatéral décidé en 2000 par Ehud Barak est apparu à juste titre comme sa victoire. Pourquoi cene nouvelle guerre ;» Officiellement, c'est l'enlèvement de deux soldats israéliens par le Hezbollah qui est à l'origine du conflit. On peut légitimement avoir des doutes. Malgré l'évacuation du Sud-Liban, l'armée israélienne a poursuivi ses violations de la souveraineté et de l'espace aérien libanais. Des Libanais sont emprisonnés en Israël, certains depuis plus de 25 ans. Que les fermes de Chebaa soient Libanaises ou Syriennes, elles ne sont pas Israéliennes et, comme le Golan, elles sont occupées contre toute « légalité internationale " depuis 1967. Tout montre qu'il y avait un plan militaire israélien qui attendait le premier prétexte. Olmert comme son adversaire Nétanyahou avaient promis lors des dernières élections une attaque " préventive" contre l'Iran. Il avait également promis la destruction des organisations " terroristes " (Hezbollah, Hamas) comme si, bien sûr, le gouvernement israélien ne pratiquait pas le terrorisme d'état. Le projet israélien avait plusieurs buts : d'abord reprendre ce qui avait échoué en 1982 en installant un gouvernement collaborateur au Liban, ensuite isoler et détruire le Hezbollah. Enfin, s'inscrire totalement dans le « choc des civilisations " cher à George Bush pour créer dans la région des gouvernements à la botte de l'impérialisme. Après Bagdad, la route de Damas et Téhéran passait par Beyrouth. Crimes de guerre En 34 jours de guerre, l'armée israélienne a multiplié les crimes gratuits. Amnesty International parle de crimes de guerre (ce qui est exceptionnel pour cette organisation concernant Israël). Plusieurs démarches sont engagées pour obtenir le dépôt d'une plainte internationale contre le gouvernement israélien. En 34 jours, 1200 civils libanais ont été tués dont plus de 40 % d'enfants. Des villes comme Khiam ou Bint Jbeil ont été rayées de la carte ainsi que de nombreux villages frontaliers. Des dizaines d'immeubles de la banlieue sud de Beyrouth ont été détruits. Dans le 20 - ~ : ~ ~ ~ •• 1 ~: > ~ ':;<>~~ ~ . International· .~< ,: • '~ >~~ ,,,,' ~"4""'}, Edito ' International ' Dossier ' Immigration ' Discrimination Education : Kiosque village de Cana, déjà victime d'un massacre de masse quand Shimon Pérès était au pouvoir (996), une nouvelle" bavure" a tué des dizaines de villageois et d'enfants. Plus d'un million de Libanais, toutes origines confondues, ont dû fuir et se réfugier dans des zones moins dangereuses où souvent les bombardements les ont rattrapés. Les routes, les ponts, les infrastructures, les centrales électriques, ont été réduits en poussière avec en sus une catastrophe écologique majeure. L'armée israélienne a utilisé des armes particulièrement meurtrières (bombes à fragmentation, missiles télécommandés, uranium appauvri) fournies en énorme quantité par l'allié américain. Elle a aussi tué sciemment des soldats de la FINUL, façon de dire à la communauté internationale: " nous avons l'appui américain et rien ne nous arrêtera. Nous faisons ce que nous voulons et nous frappons où nous voulons ". La défaite israélienne Et pourtant, même en Israël, on reconnaît aujourd'hui la défaite. Les dirigeants du pays ont fait une double erreur, politique et militaire. Politiquement, ils imaginaient un Hezbollah affaibli et isolé par les changements politiques intervenus au Liban. C'était méconnaître plusieurs phénomènes. Les Chiites représentent plus du tiers de la population libanaise et le Hezbollah a obtenu une nette majorité électorale dans les zones à majorité chiite. Après la libération du Sud-Liban, le Hezbollah n'a pas eu d'attitude revancharde. Des liens se sont noués dans les villages où Chiites et Chrétiens cohabitent. Au niveau politique, une alliance ponctuelle s'est faite avec le parti du général Aoun. Le gouvernement israélien voulait dresser les autres " communautés" contre le Hezbollah. En frappant indistinctement partout, il a provoqué la réaction inverse. Les réfugiés du Sud-Liban ont été accueillis dans tout le Liban: chez les Arméniens, les Maronites, les Sunnites. Ils ont été hébergés dans des camps palestiniens. Ils ont reçu l'appui du parti communiste libanais (un des rares partis non communautaires) pourtant lui aussi durement éprouvé par les attentats syriens. L'invasion israélienne a provoqué un réflexe d'unité nationale dans lequel le Hezbollah est apparu (malgré son image de parti dépendant de la Syrie et de l'Iran) comme le seul capable de résister à l'arrogance meurtrière de Tsahal et à l'invasion. Au niveau militaire, les généraux israéliens imaginaient une promenade tranquille et accessoirement la libération des soldats enlevés. Le nombre des soldats israéliens tués oscille, selon les sources, entre 150 et plus de 300. Les généraux n'ont jamais pu empêcher les tirs de Katiouchas sur le nord d'Israël. Ces tirs ont tué 41 civils et provoqué l'exode vers le sud d'un million de civils. L'impréparation tranchait avec l'image d'invulnérabilité de l'armée. Quand, après une ultime offensive où elle a subi des pertes énormes, cette armée a accepté le cessez-le-feu, il était devenu évident qu'aucun de ses objectifs initiaux ne pouvait être atteint. Une société à la dérive Au début de l'offensive israélienne, 80 % des Israéliens approuvaient. Seule l'extrême gauche pacifiste (où l'on retrouve les organisations des droits de l'homme, les mouvements anticolonialistes, les refuzniks, les anarchistes contre le mur, les femmes en noir...) est descendue dans la rue lors de manifestations significatives mais très minoritaires. Une fois de plus, les mécanismes habituels de fuite en avant de la société israélienne ont fonctionné: " la sécurité ", "tout le monde veut nous détruire", " nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes ", " nous répondons à une agression venue de terroristes " ... Preuve de cet aveuglement suicidaire d'une société névrosée incapable de réfléchir et qui a perdu tout repère : ces enfants dessinant des messages sur les missiles qui vont être envoyés pour tuer d'autres enfants. En même temps, les dirigeants qui ont piloté cette tuerie se révèlent médiocres et corrompus. Aujourd'hui, une partie de l'opinion s'est retournée. Pas parce qu'elle trouve que cette guerre était immorale ou criminelle, mais parce que c'est un échec et qu'elle ne l'admet pas. L'attitude du parti travailliste et du mouvement " La Paix Maintenant" qui lui est lié est instructive. Amir Peretz avait soulevé des espoirs au moment des élections. Devenu ministre de la défense et allié d'Olmert, il s'est montré le pire des va-t-en-guerre. Il a couvert tous les crimes, toutes les bavures au point qu'aujourd'hui " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des Juifs Marocains progressistes (dont Abraham Serfaty) demandent qu'il soit inculpé par la justice marocaine (Peretz a gardé la nationalité marocaine). Derrière Peretz, de nombreux intellectuels (Grossman avant qu'il ne soit personnellement touché, Oz, Yehoshua ... ) ont approuvé le déclenchement de cette guerre. En France, le CRIF mais aussi BHL ou Marek Halter ont proclamé" le droit d'Israël à se défendre ". La destruction de la Palestine continue Avant le Liban, il y avait eu l'enlèvement du soldat Shalit à Gaza. Là aussi, le gouvernement israélien feignait de croire que le statu quo était viable alors que la bande de Gaza est méthodiquement détruite par l'étranglement économique et les intrusions incessantes de l'armée israélienne. En deux mois, près de 200 Palestiniens ont été tués à Gaza. Avant les élections palestiniennes, les Israéliens prétendaient ne pas avoir de partenaire pour la paix. Depuis la victoire électorale du Hamas (dans des élections que tout le monde a reconnu comme transparentes), un nouveau cran a été franchi : 4 ministres, 30 députés dont le président du Parlement et 24 élus locaux sont désormais emprisonnés en Israël et détenus dans des conditions très dures. Plus personne ne parle de négociations ou de compromis. La politique unilatérale qui consiste à annexer la moitié de la Cisjordanie et à étrangler les territoires palestiniens restants se poursuit. Et la communauté internationale ? L'ONU n'a joué aucun rôle dans cette guerre. Le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël et l'empressement de nombreux pays à mettre en avant" la sécurité d'Israël" et la nécessité d'infliger une défaite au Hezbollah expliquent la durée de cette guerre et le refus d'entendre les appels à l'aide venus du Liban. Le cessezle- feu a eu lieu parce qu'Israël ne pouvait pas gagner cette guerre. Aucune sanction et même aucune remontrance sérieuse n'affectent Israël pour l'assassinat des soldats de la FINUL ou l'emprisonnement des élus palestiniens. L'impunité de l'agresseur est une fois de plus la cause des guerres à répétition. Au bout du compte, les seules décisions prises par la communauté internationale dans la région auront été de sanctionner la Palestine pour avoir mal voté. Pour avoir défendu l'appaltenance du Hezbollah à la communauté nationale, les Libanais auront subi le même type de punition collective. y a-t-il encore de l'espoir? Ce que l'armée israélienne vient de faire au Liban n'est pas seulement criminel et immoral. C'est totalement suicidaire pour l'avenir des Juifs, qu'ils vivent ou non en Israël. En infligeant des souffrances infinies, en se fabriquant des nouveaux ennemis, en refusant de reconnaître l'autre, en continuant de vouloir s'imposer par la force, la destruction ou l'humiliation, les dirigeants israéliens continuent leur folle fuite en avant. Ce qui vient de se passer n'est pas un hasard Il y a 25 ans, ni le Hamas, ni le Hezbollah n'existaient. On peut légitimement s'inquiéter des liens qui unissent le Hezbollah au président Ahmadinedjad qui organise des concours sur la négation du génocide nazi. On peut s'inquiéter des buts de mouvements religieux. Les excuses de Nasrallah pour les Palestiniens d'Israël tués par les bombardements masquent mal un certain désintérêt pour la vie humaine. Mais n'inversons pas les rôles. La priorité, c'est la fin de l'occupation de la Palestine, c'est la reconnaissance de " l'autre ", c'est l'abandon des projets colonialistes. Sans un changement radical en Israël, sans un véritable compromis à l'image de celui qui a mis fin à l'Apartheid, les guerres criminelles se répèteront et les courants les plus détenninés à résister, quelle que soit leur idéologie, se renforceront. Edito ! Internationa l 1 Dossier! Immignltion ! Discrimination 1 Education 1 Kiosque Supplément au numéro spécial (259) de « Différences» Nous tenons à remercier tous les lecteurs nous ayant envoyé des messages de félicitation pour le précédent numéro de Différences. Vous trouverez ci après deux interventions faisant suite aux actes du colloque précédemment parus. Synthèse du témoignage de Jeanne Gamonet Présidente d'AVER (Association Rrom d'Action et de Recherche contre toute forme de Racisme), membre de l'Union Rromani Internationale, membre des associations rroms " La Voix des Rroms ' et " Femmes Rroms, Sinté, Kalé" médiateur-interprète à la "Mission Tsigane, de " Médecins du Monde, (de 1999 à 2005) Actes du colloque du 19 novembre 2005 - (rapport intégral: http://www.mrap. asso.fr/colloque/tsiganes ) Je voudrais porter témoignage de ce que j'ai vu ou ce qui m'a été rapporté de première main par les Rroms migrants eux-mêmes, essentiellement roumains, bulgares et kosovars (mais aussi, en plus petit nombre, turcs, hongrois ou moldaves) venus en France à la recherche d'un lieu où ils pourraient tout simplement vivre ... j'ai vu des terrains insalubres près de décharges souvent dangereuses. Des Rroms entassés dans des bidonvilles tnfects, sans eau, sans électricité, sans sanitaires, sans poubelles, sauf dans de rares exceptions où des maires, conscients de l'existence des droits de l'Homme, ont bravé le racisme et les foudres de représentants sans âme des institutions pour tenter d'améliorer le quotidien d'êtres humains qui vivent dans ces conditions insupportables. Et tout cela à dix minutes en RER des Champs Elysées, du luxe, des • illuminations de Noël... Et ces Rroms disent tous : " C'est bien mieux ici qu'en Roumanie! Qu'en Bulgarie ! .... ". Cette obstination à rester dans ces campements déshonorants a bien des causes qui me donnent une furieuse envie de reprendre à mon compte les mots inscrits dans l'Histoire de France à propos d'une autre terrible injustice qui fit dire à Zola " j'accuse! ". QUi accuser alors et pourquoi ? • L'Union Européenne pour avoir déclaré un certain nombre de pays candidats à l'adhésion ou déjà membres de l'UE " pays sûrs" (Roumanie, Bulgarie, Slovaquie ... ), alors que 90 % des Rroms s'y trouvent au chômage, qu'ils y sont quotidiennement agressés, n'ont pas de couverture sociale, vivent dans des ghettos, sont couramment refoulés des lieux publics, des hôpitaux, des écoles ... mais aussi pour l'usage inhumain qui est fait de la si commode Convention de Schengen qui n'autorise les Rroms roumains et bulgares à entrer sur le territoire de l'UE qu'en qualité de « touristes" pour trois mois moins un jour, quand ils ne sont pas plus promptement reconduits à la frontière pour « insuffisance de ressources ". • Les lois françaises qui refusent aux Rroms le droit au travail, les poussant pour survivre à recourir à de petits travaux ou autres emplois « au noir ", à la mendicité de plus en plus " criminalisée " par la loi, ou, pire encore, à la délinquance. D'autant que les Rrorns qui avaient coutume de jouer de la musique dans la rue ou dans le métro se font désormais arrêter, confisquer ou détruire leurs instruments. D'autres lois, appliquées abusivement ou contournées, abou. tissement à des évictions forcées, échappant au contrôle judiciaire: parents et même jeunes enfants menottés, caravanes détruites sans relogement, sauf dans 4 cas sur 59 en Ile de France, de 1999 à 2005, le tout en raison notamment d'une tsiganophobie croissante. • La violence de certains policiers (pas tous, évidemment, car j'ai vu des policiers courtois et . compatissants, j'ai même vu une jeune policière fondre en larmes devant la détresse des Rroms) qui arrêtent des Rroms avec brutalité pour vérification d'identité ou lors d'évictions des lieux où ils ont trouvé refuge. • Certaines municipalités qui opposent aux familles rroms (avec ou sans papiers) des tracasseries bureaucratiques et administratives en matière d'inscriptions scolaires, parfois refusent ces inscriptions malgré le droit à l'éducation pour tous et l'école obligatoire de 6 à 16 ans, sans compter l'absence d'allocation de rentrée et un coût trop élevé d'accès à la cantine scolaire. • Certains media qui ne cessent de véhiculer des stéréotypes racistes : les Rroms, sauf à être reconnus grands musiciens ou danseuses de talent, sont essentiellement présentés comme voleurs, fainéants, ou délinquants. Ainsi en est-il de l'émission « C'est dans l'air" de France 5, du 11 février 2005, intitulée « Délinquance: la route des Rroms ". Sans compter les déclarations d'un maire de l'Essonne, sur un support municipal, comptant parmi les nuisances à l'encontre de sa commune" le bruit de l'autoroute A4, la déchetterie et l'arrivée de Gitans ". Ou bien encore, dans un reportage non rendu public, un préfet comparant l'arrivée des Rroms à celle des" Barbares ". • La Justice française qui ne fait appel à aucun interprète en langue rromani pour assister les Rroms devant les tribunaux. Seuls les interprètes de la langue domi- André Luzy, responsable na6anal de la commission Tziganes et Gens du voyage. nante des pays d'origine (Roumanie, Bulgarie, Slovaquie, Kosovo .. .) sont appelés à traduire les dépositions des Rroms prévenus (souvent avec des erreurs importantes, d'après les témoignages reçus). • Le gouvernement français, pour avoir rendu les conditions d'accès à l'aide médicale d'Etat de plus en plus draconiennes, exigeant désormais un séjour de plus de trois mois en France, ce qui signifie pour les Rroms se mettre hors des dispositions Schengen qui leur sont imposées, et fournir à une administration tatillonne des moyens de preuve de plus en plus nombreux et difficiles à obtenir. • La France, à travers ses systèmes d'Education, d'audio-visuel ou ses médias, pour avoir persisté jusqu'à aujourd'hui à ignorer, si ce n'est parfois occulter, le génocide dont furent victimes les Rroms (<< Samudaripen,,). La mémoire de ces heures tragiques est presque totalement absente de l'audiovisuel, et pratiquement inconnue des jeunes générations. Face à une situation aussi cruelle, inhumaine et dégradante, on serait tous tentés de se sentir coupables de n'avoir pas pris infiniment plus tôt connaissance et conscience d'un tel scandale. Cependant, ce qui compte vraiment c'est d'accepter de voir - quel que soit le moment de la prise de conscience - et de décider d'agir. C'est pourquoi je tiens à dire « Merci " à ceux de nos concitoyens qui ignorent et rejettent le racisme, qui ont foi en les Droits de l'Homme ou, s'ils ont une religion, qui suivent les enseignements de leur religion (christianisme, bouddhisme, islam ... ) qui mettent en exergue le service des plus pauvres, la compassion humaine ou l'aide « au voyageur égaré ". Merci aux médecins qui donnent de leur temps sans compter pour soigner les Rroms dans leurs campements « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 21 22 Rroms Edito 1 International 1 Dossier 1 Immigration 1 Discrimination ' Education ' Kiosque misérables. Merci aux maires qui se sont battus, souvent contre l'opinion d'un certain nombre de leurs administrés, pour faire installer l'eau ou l'électricité sur les terrains. Merci aux instituteurs/ institutrices, aux comités de sou- Malik Salemkour Ligue des Droits de l'Homme Je suis ici au titre de la LDH, de l'Association Européenne des Droits de l'Homme (AEDH) et de la Fédération Internationale (FIDH). C'était bien de pouvoir poser la problématique dans toutes ses dimensions historiques, territoriales, nationales et internationales. Je crois qu'il faut clairement reposer le débat des Rroms, des Tsiganes, des Gitans, selon les appellations, je crois que chacun est libre de s'appeler comme il l'entend et on a l'obligation de le respecter dans le chob:: identitaire ..-qu'il pose. La première priorité, au-delà du choix individuel d'une identité, c'est la reconnaissance collective de celle-ci. La question des droits se pose à nous tous que nous soyons " Gadgé ", " Voyageurs ", ou que nous soyons " Rroms ". Elle se pose sur l'ensemble des territoires, qu'ils soient ceux de l'Union Européenne ou ceux" Extra Union européenne" ou encore ceux des candidats à l'Union Européenne. Les Droits de l'homme sont des droits fondamentaux, des droits universels et ils doivent s'appliquer à tous et partout. C'est vrai que la différence des territoires fait que tel pays reconnaît le Droit des minorités, c'est le cas par exemple des pays de l'Europe de l'Est, et que d'autres ne le reconnaissent pas, comme la France. Dès lors, ici la situation des droits collectifs ne se pose pas de la même façon. Il y a des choses qui sont transversales à tous les pays : la lutte contre le racisme, la lutte contre les discriminations qui s'imposent dans tous les territoires: à titre individuel, évidemment, mais aussi à titre collectif. tien, aux bénévoles, à l'évêque de Seine Saint Denis qui a crié son indignation, à quelques peu nombreux responsables politiques que nous estimons parce qu'ils/ elles veulent que ce scandale cesse. Merci aux avocats qui assu- Il n'est pas acceptable que l'on parle comme un préfet du Vaucluse" des gens du voyage qui ne vivent que de la rapine " ... Hélas nous avons été déboutés devant la justice française lorsque nous avions cherché à faire condamner les propos de ce représentant de la République. Ou tel ministre de la Roumanie ou tel Premier ministre de la Fédération de Russie qui parle de la nécessité d'exterminer les populations tsiganes et rrom. Donc dénonciation du racisme, parce qu'il y a encore des actes de racisme. Tout ce qui a été dit montre bien que les Rroms, Gens du Voyage, etc. ... sont considérés par beaucoup comme inférieurs: incapacité à travailler, incapacité à s'intégrer, incapacité à élever leurs enfants, incapacité à être reconnus même dans leur mémoire, mémoire douloureuse dont vous avez parlé ce matin dans la question des génocides et on pourrait parler aussi des pogroms. Derrière cette reconnaissance de la mémoire, c'est la reconnaissance de l'appartenance à un territoire, d'où l'importance d'une vraie lutte pour l'égalité et contre le racisme, ceci s'impose dans l'ensemble des pays qu'ils soient de l'Union, candidats à l'Union ou hors de l'Union. Ce qui veut dire que l'idée de droit d'asile dépendant de la notion de " pays sûr" que certains veulent nous imposer, et que les textes européens pour l'instant nous imposent, n'est pas acceptable. C'est évident au minimum pour les Rroms car aujourd'hui si vous êtes un Tsigane en Russie, je peux vous dire que vous pouvez encore être brûlé vif comme cela a été le cas près de Kiev. Ce droit d'asile reste un droit intangible. Il doit pouvoir être affirmé. De la même façon, on peut être menacé dans tous les pays. J'ai ici une pensée pour Georges Federmann et son rent gratuitement la défense des Rroms, à quelques journalistes qui essaient de témoigner avec générosité, en particulier aux jeunes des radios périphériques qui donnent la parole aux Rroms. Merci aux artistes de toutes origines qui épouse qui ont été récemment sauvagement agressés dans leur cabinet. Ils ont défendu les Rroms de Zàmoly, des Rroms qui étaient de Hongrie, qui ont obtenu le droit d'asile alors qu'ils étaient hongrois, pays normalement reconnu comme démocratique, pays républicain, pays qui s'inscrit dans l'Union Européenne car il en est membre désormais. Cela ne protège pas de l'ensemble des difficultés que peuvent avoir les Etats à défendre leurs ressortissants. Le droit d'asile s'impose, il s'impose pour les Rroms, il doit être affirmé par nous, même si c'est dans un pays de l'Union, nous pourrions même dire, même si c'est en France car nous avons aussi des actes inacceptables de police, des actes inacceptables des autorités publiques qui ne permettent pas de protéger aujourd'hui des personnes en raison de leur origine: Rrom, Tsigane ... Donc, lutte contre le racisme, droit d'asile réaffirmé sur l'ensemble des pays, même dans les pays de l'Union, même ceux de Schengen et également lutte contre les discriminations. En France, par exemple, c'est la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité qui a posé qu'elle était universelle et qu'elle devait s'y intéresser. Dans son comité scientifique, il y a un représentant des associations de défense des Gens du Voyage, cette problématique sera là, elle doit être traduite dans les faits. L'application de la loi Besson, on l'a dit, on ne la voit pas. La médiatisation : il suffit que vous preniez n'importe quel journal de France, de région ou national, vous découvrez que les Gens du Voyage sont toujours associés à des faits de délinquance, à des faits négatifs, rarement des faits rendent hommage aux Rroms, à tous les citoyens anonymes qui leur tendent une main amicale sans condescendance. Merci au MRAP de nous avoir accueillis. positifs donc il y a là tout un travail à faire pour l'égalité, mais aussi pour lutter contre les discriminations. Pour la question des Rroms qui sont dans un autre pays que le leur, le problème posé est celui de la liberté de circulation avec la liberté d'établissement

en France, c'est clairement

une question et d'abord une question de " sans papiers ". Là on vous renvoie à toutes ces problématiques

d'avoir le droit et la possibilité

pour chacun de circuler et de s'installer ... C'est le cas encore plus pour des pays qui sont candidats à l'Union Européenne ou qui sont dans l'Union Européenne. N'oublions pas que malgré l'acceptation des quinze nouveaux pays dans l'UE, dans lesquels il y a des Rroms, ceux-ci n'ont pas la liberté d'établissement en France par exemple. La liberté d'établissement ne sera possible qu'en 2014 pour les ressortissants de ces payslà. Là aussi, il nous faut réaffirmer cette liberté de circulation, réaffirmer cette liberté d'établissement, réaffirmer le droit à avoir la dignité même lorsque l'on est en instruction de la régularité de son séjour. Ce sont des droits fondamentaux, le droit au logement, on ne peut pas dormir dehors que ce soit l'été ou l'hiver d'ailleurs, c'est un droit fondamental. Le droit au logement doit être opposable, on doit pouvoir attaquer les pouvoirs publics lorsqu'ils ne respectent pas ce droit à la dignité, le droit à la santé, le droit à l'éducation, mais aussi après le droit aux ressources, donc derrière c'est le droit au travail. Toutes ces questions sont aujourd'hui au coeur des débats d'une Europe sociale, d'une Europe politique dans laquelle chacun a des droits égaux. Le combat des Rroms est là tout à fait dans le droit commun, le droit à l'universel, les droits de l'Homme. « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 260 - Octobre-Novembre-Décembre 2006 Edito ' International 1 Dossier i Immigration 1 Discrimination i Education 1 Kiosque Marseille, 1" juillet 2006, « Unis contre une immigration jetable» (phota : Vincent Lucas) Bernadette Hétier Droits Humains Droits des Migrants Ce sont les versions successives du Forum Social Européen, né en 2002 à Florence, qui ont permis à l'ensemble des militants altermondialistes et des droits de l'homme de prendre de plus en plus conscience des graves conséquences - pour les migrants eux-mêmes, pour les pays" d'accueil" et les pays d'origine - des politiques migratoires de l'Union Européenne et de chacun de ses Etats membres, lesquels ont conservé un large degré de souveraineté en la matière (notamment sur l'immigration de travail). Ainsi ont déjà été organisées en 2004 et 2005 les Fe et 2e journées européennes sur les migrations. Grâce aux contacts noués en 2006 entre acteurs de la « société civile" du Nord et du Sud de la Méditerranée, en particulier lors du Forum Social Mondial de Bamako (janvier), du FSE d'Athènes (mai), du 2ème Forum Social Mondial des Migrations de Madrid (juin) et du contre-sommet de Rabat (juillet), un grand nombre d'associations sub-sahariennes et marocaines ont décidé de rejoindre l'initiative européenne pour la troisième journée 2006. C'est un large réseau Eurafricain qui va contribuer à marquer le 07 octobre, rendant visible par son existence même, la face occultée des migrations et de l'asile en Europe. Le texte et ses nombreux signataires (dont le MRAP en France) figurent sur le site PAJOL des Sans Papiers de France (http:// pajol.eu.org/ rubrique185. html ). Partaut en France, RESF a organisé des parrainages; ici à Ulle avec M. Aubry (Maire de Ulle) et J. ·C. Dulieu (vice-président national du MRAP). Education Edito 1 International j Dossier 1 Immigration 1 Discrimination 1 Education 1 Kiosque Journées Education des 10-11 juin 2006 à Paris Evelyne Vcrlaque Respol/Sable de fa COII/III/.IiS/OIl '*IIIC(I/{OII Dessins d'enfants, tentures, et affiches donnaient un petit air de fête à la rencontre éducative et culturelle des comités, les 70 et 11 juin à Paris, Trente militants étaient au rendez· vous, venus de tous les coins de Françe présenter des initiatives locales: problématiques, étapes et si possible plans de financement, Nos invités: un éditeur el deux plasticiens. Nos attentes 1 découvrir Idées et outils. réfléchit sur les échecs et tenter la muluaU· satlon des réussites. Des albums pour grandir René Turc\(; éditeur nîmols, nous li proposé des albums dont le langage double · écriture el arts pJa.~tlqlles • rend acce.~slbles sans les simplifier des messages proches de nos préooeup.ulons : la vie ailleurs, m:linlcmml : d'autres enC:mces à tr.!Vers le monde: la retombée des guerres et de~ déracinements .. , Avec lucldUé mals sans dé,'iespolr, Collectlons : Grtmdlr all.\' quaI,., colll' (/1/ 11101/(111 (lllorIY! (les /)ommqs, dès 9 ans, Une colleetlon nouvelle consacrée au sport devrait voir bientôt le jour (cf sport ct racisme), Renseignements: Grandir, 2, Impasse des fIOuds, 30 000 l\1mes, Tél. , 0466 84 0119, la m,dlatlon artistique Eric Tournalre est pla8tlcJen, En pm1enalre fidèle des ' VoyaRes du Uon " projet-Jeunesse vUrollals, Il nous aceotnl)agne depuis trois lln.~, avec une équipe t1'artlstes, Id et au loIn (Amérique du Sud), Eric nous suggère comme support d'animalions les originaux de~ albums. Un Hon au pôle Nord " - Un Hon en Chine· ct les belles imagc~ du troisième livre, Dessiné sur 3 lexlCS d'enfants, Il sortira en septembre 2006, nous pemlcttant dc participer aux activités de Ure en Fêtc, Affiches, albums et cartes dl.~ponibles au comhé de Vitrolles. Vitry, Toulouse, Perpignan ... ces comités, par de~ réalisations rayonnante,~, témoignent de la vlt:llité des activités conduites cn symbiose artistique enfams-plastidens. Gr:ke à la mllaboration de municipalités ou Conseils généraux, les expositions d'oeuvres et leur édition en canes postales, sl~nets ou affiches valorisent des jeunes qui en ont souvent besoin et favorisent la dIffusion d'un message paclfique. Ren~el8nement s : C, Bah, R. Meyer, p, Lecroq, Regard sur l'Outre-mer Geneviève Clu7.an nous propose une sélectIon, agréablement présentée, de l'hOlOgraphIes prises lors du dernier carnaval de Portde- Fr.mee en 2006, La dImensIon facé!leuse de ce carnaval a retenu J'lntéret car s'y expriment des problèmes sociaux (sous forme d'Inversion et transgression) nt'\ls aussi l'aboUlion de l'esclavage et celle de la 101 du 23 février 2005, Préparer pour un c:arruwal un char du MRAI', ou plus modestemem des masques. des costumes de parade, nous a semblé un moyen de dialoguer avec la jeunesse, et même avec des adultes, sur certains problèmes et peut-être d'en exsuder quelques-uns, Une artiste parisienne, Annie Alben, nous a montré son travail né aux Car.libes, très expressif el coloré, dans une optique traditions/ modernité. Possibilité d'exposition. Eduquer contre les discriminations Paul-Marie Cavelier (Rouen) a rendu compte d'une expérience très Intéressante: une journée de formation, demandée par la municipalité de fos-sur-mer (13), à l'ir:tentlon des tL'Chniciens municipaux qui travaillent au contact des jeunes, tous services confondus. Renselgnemems : MRAP. 76@wanadoo.fr Nawal Badaoui (Roubaix) parle théâtre : mise en scène par des professionnels et représentations 11 l'initiative du MRAJ' de· le chat de 1'Iga1l " poignante histoire ima~inée par Didier Daeninckx : retombées de la guerre d'Algérie dans un village de Provence. l'injustice. la cruauté et le chagrin d'enfants, A partir de 8 ans. (Album disponible chez Syros), Nawal évoque aussi la difficulté de cenalnes rencontres auprès de jeunes peu encUns au dialogue dans un rejet global de la société quI. selon eux, les rele11e. Débat à poursuivre sur les manières ut: travailler au côté de la Jeunes,~e et notamment des adolescents. à partir de notre vécu militant, UIllIIIIIIIO ..... III IIIIl1111r 1 ...... . Christiane Azam a passIonné l'audltolre par une expérience, semble t-11 unique au MRAP : l'ouvenure en 2000 d'une bibliothèque destInée aux jeunes d'un quartier populaire, discriminés par une mesure municipale (exlrême- Réunion cie lnMIil à l'occalion du bilan nationallur 1'«IucGtion, droite). Le travail militant se développe depuis auprès d'enfants aux origines diversifiées - gitans, kurdes, comoricns, maghrébins - sans oublier leurs familles. Patiemment. Avec parfois des déceptions, mais aussi de grandes joies lorsquc certains comportements agressifs régressent et que les enfant.~ viennent ii [;1 bibliothèque, cn habitués, pour fa ire leurs devoirs, lire, et emprunter des livres ... NON au racisme dans le sport Ce sujet d'actualité concerne tous les puhllcs, adultes et enfants. JI nous est présenté av(.'C énergie pM Gémro Kcrforn, représentant lu FD des Landes où une al110n symbolique anti-mciste a déjà été mise en place lors, notamment, d'un gmnd match de rugby (maillots · Une seule couleur, celle du maillot -), Nous :lvons décidé de nous mobiliser sur ce thème pour mars 2007, pendant la pr()(:halne SEC!{ (Semaine d'édl.lcmion à la citoyenneté contre le md~me). 11 s'agit donc de réfléchir à dcs productions communes (affiches, tracts, maillots.,.), Sans oublier la dimension · hors spon de compétition . promue par Nadia Kurys (Foulées multicolores, en Ardèche) ni la possibilité d'un colloque sur • Sport et racisme -, Les débats des 10 et Il juir: 2006 nous ont semblé utiles Cllr appuyés sur des réalisations. Nous avons apprécié les pistes d'exploitation comme celles que nous a données Martine Platel sur l'exposl1lon éducallve consacrée aux gens du voyage (location: MRAP national). Utile aussi la plaquene • Films antlradslcs pour la jeunesse ., une sélection de III commission Education réunie et commentée pt\f Colette Fournier CDljon), Ucaucoup reste à faire pour ~ffirmer nOire Image propre d'assQciatlon populaire de prévent!on et d'éducation. P.changes à poursuivre donc, avec, nous l'espérons, l'apport fructueux de vos Idée~ et de votre énergie 1

Notes

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