Différences n°255 - juillet 2005

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Sommaire du numéro

n°255 de juillet 2005

  • Edito: soutiens par Mouloud Aounit
  • Coordination européenne: pour le droit des étrangers par B. Hétier
  • Analyse du rapport de la CNCDH: 2004 une année noire
  • Dossier: droit des enfants [législation]
    • Droit des enfants: un chantier encore en friche par L.F. Cousin
    • Un texte pour donner des droits à l'enfant par E. Verlaque
    • Enfants soldats: la guerre n'est pas un jeu d'enfant par Arielle Denis
    • Iran: quel droit pour les enfants d'Iran?
    • Le droit d'aller à l'école pour tous... enfin, presque! Par L.F. Cousin
    • Travail des enfants: beaucoup reste à faire! , interview de Geneviève Sevrin
    • Albanie: regards d'enfants sur la vendetta
    • Témoignage de Martine Suzane, institutrice: quand les enfants font la loi
    • Enfants et jeunes du voyage à l'école: quel décalage entre les textes et leur application? Par M. Platel
    • Peine de mort appliquée aux mineurs: une pratique contraire au droit international par R. Le Mignot
  • Courbevoie: procès Chagnon
  • Commission Tziganes et gens du voyage: objectifs 2005
  • La loi sur le voile: un an après, un bilan désastreux par Pierre Tevanian
  • Que penser de la montée de l'antisémitisme en France: par une autre voie juive
  • Semaine d'éducation contre le racisme 2005: bilan et perspectives par M. Lelouche

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Texte brut du numéro

Racime Analyse du rapport de la CNCDH : 2004, une année noire -Soutims 2 Sommaire - - - - - - - Edito International Dossier Immigration Discrim ination ' Education Kiosque Edito International • Coordination européenne: pour le droit des étrangers Racisme • Analyse du rapport de la CNCDH : 2004, une année noire Dossier • Droits des enfants: un chantier encore largement en friche • Convention re latives aux droits de l'enfant: Un texte pour donner des droits aux enfants • Enfant soldat: la guerre n'est pas un jeu d'enfants .Iran : quels droits pour les enfants d'Iran? • Scolarisation: le droit d'aller à l'école pour tous, enfin presque! • Interview : travail des enfants, beaucoup reste à faire! • Albanie : regards d'enfants sur la vendetta • Témoignage de Martine Suzanne: quand les enfants font la loi • Enfants et jeunes du voyage à l'école : Quel décalage entre les textes et leur application 7 • Peine de mort appliquée aux mineurs: Une pratique contraire au droit international 3 4 5 6 Justice 16 • Courbevoie: procès Chagnon Bilan dlune loi 11 • La loi sur le voile, un an après: un bilan désastreux 48 exclusions, 60 démissions, des dizaines de disparitions Antisémitisme 18 • Montée de l'antisémitisme en France: par une autre voix juive Kiosque 19 Education 20 • Semaine d'Education Contre le Racisme: bilan et perspectives r--- ------- ------------------------------------------- -----------------------------------------------------, 1 BULLETIN D'ABONNEMENT PROMOTIONNEL DE « DIFFÉRENCES» • • International Juridique • • Dossier Immigration • • Education Histoire ... Renvoyez ce bulletin d'abonnement à l'adresse suivante: Différences, 43 bd de Magenta, 75010 PARIS Je souscris 4 numéros pour 12 € seulement ! o Oui, je profite de l'offre de la revue Différences. Je recevrai les quatre numéros à l'adresse suivante: NOM : PRÉNOM : . PROFESSION : . ADRESSE: o Ci-joint mon règlement de 12 € par chèque à l'ordre de Différences. 1 ~------------------ - ---------------------------------------------------------------------------------------~ « Différences , - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - ]uillet-Août-Septembre 2005 de Mouloud Aounit " Différences " 43, bd de Magenta 75010 Paris Téléphone: 01 53 38 99 99 Télécopie: 01 40 40 90 98 6 € le numéro Abonnement: 21 € (4 numéros/an). Collectif de direction: • Directeur de publication: Mouloud Aounit • Directeur de rédaction (*) : J.'c. Dulieu jcd.mrap®Wanadoo.fr • Responsable productions (') : S. Goldberg • Administratrice (' ) : M.-A. Butez Imprimerie: Impressions J-M. Bordessoules Téléphone: 05 465901 32 Commission paritaire n' 0108H82681. (,) - Béllévoles Edito Edito 1 International Dossier Immigration Discrimination Education ' Kiosque Soutiens Devant la réalité inquiétante du l'état du racisme en France en 2004 (voir analyse du rapport de la CNCDH), le MRAP n'a pas ménagé ses efforts et sa détermination pour défendre sans concessions ses valeurs et ses combats. Au delà des attaques de nos détracteurs habituels, notre mouvement a fait l'objet d'attaques inédites injustes, infondées, voire diffamatoires, pour nous discréditer clans le souci de salir notre juste combat. Il en a été ainsi cie notre réflexion sur les expressions et 'formes nouvelles de l'antisémitisme. Après que la CNCDH a confirmé les analyses du MRAP sur l'ampleur du développement de toutes les formes de racisme, anciennes et nouvelles, dans son rapport au PremierMinistre du 21 mars 2005, trois écrits importants parus récemment sont venus confirmer, valider les analyses du MRAP et conforter son positionnement et notamment son analyse des causes, de l'amplitude, et de l'instrumentalisation de l'antisémitisme (voir rapport moral présenté au Congrès). Le premier est le livre de Michel Wieviorka : « La Tentation antisémite: haine des Juifs dans la France d'aujourd'hui » (Robert Laffont) paru en avril 2005. Cet ouvrage est un texte collectif de douze sociologues ayant travaillé pendant près cie deux ans sur le terrain, aux quatre coins de l'Hexagone. Quelles sont donc ses conclusions ï • Sur la nature cie l'antisémitisme, Michel Wieviorka apporte une réponse claire et sans appel: il estime que l'antisémitisme « est en expansion, taraudant la société française en divers lieu-"r, dans divers milieux, mais sans verser dans l'excès qui y voit un phénomène massif généralisé ou porté par des puissants groupes sociaux ou politiques )). Pour lui, l'antisémitisme a changé cie nature, il s'agit cie la convergence de deux phénomènes : l'un découlant du conflit israélo-palestinien, l'autre, local, se nourrissant du racisme d'exclusion sociale clont souffrent les jeunes issus de l'immigration. Il surligne le développement cles tendances au communautarisme, « y compris juif ))· Il met aussi en exergue la persistance d'un antisémitisme catholique, traditionnel, ou d'extrême droite . • Sur la responsabilité des juifs (ndlr : terme dont il convient de ne pas oublier la polysémie) dans l'antisémitisme, l'auteur écrit qu' «ilfaut être courageux et prudent, sans transformer les victimes en coupables )). Il condamne et met en exergue la manière dont certains juifs se sont comportés, notamment Roger Cukierman qui, pour lui, commet une grave faute par un soutien inconditionnel à la politique d'Israël, confisquant l'expression plurielle cles juifs de France. • Sur les moyens de le combattre,il préconise bien évidemment l'enseignement cie la Shoah mais estime indispensable « de ne pas laisser de côté dans l'éducation, la question de l'esclavage et de la traite négl'ière ainsi que la colonisation au risque de mettre en place une concurrence des mémoires ». Le deuxième est le livre cie Guillaume Weil-Raynal, « Une haine imaginaire? Contre enquête sur le nouvel antisémitisme)) (Armancl Colin). Depuis le 7 octobre 2000, le MRAP a subi des attaques permanentes visant à le faire passer, aux yeux cie l'opinion publique, comme antisémite à la suite de ses prises de position pérennes sur le conflit israélo-palestinien en faveur de « Deux Peuples, deux Etats)). L'arme utilisée de manière permanente a été de sans cesse renvoyer à la manifestation du 7 octobre 2000, organisée par une soixantaine d'organisations clont le MRAP, où en marge de la manifestation, de violents propos antisémites (, Mort aux juifs ,) ont été tenus. Depuis lors, un déchaînement parfaitement ciblé et orchestré, a choisi de faire porter la seule responsabilité cie cet ignoble appel à la haine sur le MRAP, présenté comme le seul et unique organisateur et responsable de cette manifestation. C'est évidemment oublier la conclamnation, le soir, même de ces intolérables propos antisémites par le MRAE Ce clernier, en outre, a été seul à condamner publiquement cette cabale qui, malgré les mises au point du mouvement et les procès gagnés contre Arno Klarsfeld, se poursuit encore aujourd'hui. Ainsi Malek Boutih, contre lequel le MRAP a engagé un procès en raison de l'extrême gravité de l'opprobre jeté sur le mouvement et l'ensemble de ses militants, a-t-il repris à son compte l'argument selon lequel le MRAP aurait appelé à manifester aux cris de « mort aux juifS)). Guillaume Weil-Reynal cloue au pilori les différentes manipulations et instrumentatlisations cie l'antisémitisme et fustige notamment Alain Finkelkraut et Pierre-André Taguieff qu'il accuse d'être des « pompiers pyromanes)). Un chapitre entier est dédié au MRAP, disséquant les accusations mensongères et calculées portées contre le mouvement. Le troisième est le portrait cie Michel Tubiana dans Libération, clont un passage entier tourne autour de cette problématique : « Tubiana a la judéité négligente mais pas négligée )). Il dit : « Je ne fais pas KipPOU1; je ne mange pas casbe1; je ne crois pas. Mais, malgré tout, je suis juif. Comme dirait Sartre, c'est le regard de l'autre qui me détermine ». Dans l'assignation à résiclence originelle qui gangrène même les mouvements antiracistes, Tubiana se sert de son patronyme, à la façon d'un judoka. Il sait bien qu'être juif lui autorise une radicalité sans fioritures quand la LDH, née pour défendre le capitaine Dreyfus, décloua ne les filles voilées, plaide pour la coexistence Israël-Palestine, ou relativise la diabolisation de Tariq Ramadan. Il dit: « Ma judéité m'a protégé. Personne n'a osé me traiter d'antisémite. La baine de soi, ça va comme ça )). Et d'ajouter: « Mouloud, lui, s'est fait taper dessus. Il en a pris beaucoup plus parce qu'il est arabe. Mouloud, c'est MouloudAounit, le secrétaire général du MRAp, compagnon de combat de Tubicma, et absurdement suspect de faire la politique de sa communauté, dans une société où l'universalisme est en cbCl1pie.)) Sans sombrer dans une autosatisfaction, il reste que ces acquittements politiques réconfortent. Ils viennent à point nommé dans une période difficile nous donner la force de poursuivre avec détermination nos combats en faveur du respect de la dignité de chaque peuple et de chaque homme, de l'égalité effective des droits pour tous, du combat, à savoir la lutte contre toutes les formes de racisme et tous les racismes, sans concession ni compromis aucun, ni exclusive. , Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des pe uples - n° 255 - ]uillet-Août-Septembre 2005 3 4 Edito ' International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Coordination européenne Le MRAP a participé à la création à Bruxelles, en 1994, parmi d'autres associations françaises, à la création de la Coordination européenne pour le droit des étrangers de vivre en famille. Son siège social a été d'abord été installé à Paris (statuts de la loi française de 1901), puis transféré en 1998 à Bruxelles (désormais association internationale). La Coordination européenne est constituée d'associations européennes et de coordinations nationales dans un certain nombre de pays membres de l'UE : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie. Précédemment, elle comprenait aussi une coordination britannique. La Coordination européenne a consacré beaucoup de ses efforts, pendant de nombreuses années, à défendre le droit de vivre en famille auprès des institutions de l'UE, en vue de l'adoption de la directive sur le Regroupement familial dont le cheminement a illustré par l'absurde le processus d'adoption des politiques européennes d'immigration (souverainetés nationales exacerbées et nivellement pas le bas). La directive adoptée constitue une nette régression par rapport aux droits acquis en matière de regroupement familial (conjoint et enfants). La Coordination européenne en a saisi le Parlement européen qui a décidé de porter la question devant la Cour de Justice européenne pour violation de droits fondamentaux reconnus par l'Union. Récemment, la Coordination a rejoint la Plate-Forme européenne constituée pour obtenir la ratification par les pays membres de l'UE de la convention des Nations unies sur les droits de tous les travailleurs migrants, a exprimé ses avis sur les projets UE de politique d'immigration économique " qualifiée " (Livre Vert) et décidé de lancer une action de sensibilisation et interventions (monitoring) contre les abus et les discriminations légales subis par les familles migrantes dans 6 pays de l'Union européenne (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie et Portugal). Le MRAP, qui a été représenté depuis sa création dans le conseil d'administration de la Coordination européenne, lance un appel à tous les adhérents et militants du mouvement s'intéressant à la dimension européenne de la défense des droits fondamentaux des migrants, pour participer à un travail en équipe sur ces questions. Merci de prendre contact, par courrier au siège du MRAP ou par mail à l'adresse mrap01@ras. eU.org avec la coordinatrice du secteur. Bernadette Hétier Coordinatrice du secteur Migrations-Mondialisation bttp.//www.coordeurop.orglsito/ francese/sito.btm " Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - Juillet-Aoùt-Septembre 2005 Edito International : Dossier ! Immigration 1 Discrimination ' Education 1 Kiosque Analyse du rapport de la CNCDH (1) 4, Le dernier rapport de la CNCDH, qui traite de la situation du racisme en France, vient consacrer et valider les inquiétudes et les analyses que le MRAP a portées sur la période 2003-2005. Si le rapport de la CNCDH nous apprend que la France n'est pas un pays raciste, il n'en reste pas moins qu'il y a une très inquiétante effectivité du racisme. L'année 2004 a en effet été une année noire : le nombre total des faits racistes n'a jamais atteint une telle proportion depuis 1990, l'année la plus sombre en 14 ans. Sur l'ensemble des formes de racisme, il a progressé de 125 % par rapport à 2003. La violence contre les personnes et les biens s'est considérablement accrue : on dénombre 47 blessés en 2004, ce qui est un chiffre jamais atteint (le plus étant 39 en 2002); les profanations de lieux de culte, juifs et musulmans confondus, ont été au nombre de 52 (contre 35 en 2003). Fait inédit et révélateur de la propagation de la violence, on dénombre une recrudescence jamais atteinte des violences en milieu scolaire, soit 141 actes qui représentent Il % des actes de violences racistes, c'est-à-dire 17 % d'augmentation par rapport à 2003- Fait révélateur d'une baisse de la vigilance collective, on note une recrudescence du racisme et de l'antisémitisme provenant de l'extrême droite. En effet, les actes de racisme dus à l'extrême droite étaient en 2002 de 14 %, 18 % en 2003, et 29 % en 2004. Durant cette 'période, l'antisémitisme est resté une réalité tenace. Même si les actes d'antisémitisme sont inférieurs en nombre aux autres formes de racisme, on remarque cependant une multiplication par deux des actes antisémites en 2004 par rapport à 2003 (170 actes en 2004 contre 85 en 2003). Phénomène d'autant plus inquiétant que la gravité de ces actes est également en hausse : sur 96 agressions physiques, 48 concernaient des mineurs. Situation qui confirme les alertes du MRAP relatives à la dynamique des racismes. Les actes de racisme autres qu'antisémites sont arrivés à un niveau jamais atteint : 443 faits recensés en 2004, soit une progression de 91 % par rapport à 2003. On remarque également un durcissement de ce racisme avec 125 faits graves, soit une augmentation de 36 % par rapport à 2003. Les violences atteignent en 2004 un niveau jamais égalé ces dix dernières années, et on saurait à ce titre passer sous silence la gravité de celle-ci: il y a eu en effet 15 blessés en 2004, contre 5 en 2003. Par ailleurs, les menaces et les actes d'intimidation ont explosé avec 318 actes en 2004 (dont 224 prenant pour cibles des Maghrébins), contre 108 en 2003. 62 % de ces violences sont attribuées à l'extrême droite, ce qui est le chiffre le plus élevé depuis 1995. Point d'appui utile et lueur d'espoir pour nos futurs défis, on remarque que, malgré ces chiffres alarmants, l'opinion publique est inquiète, mobilisée, et sensibilisée. En effet, selon le sondage de la CNCDH, il y a une réelle prise de conscience de la gravité de la situation. Le racisme se place au quatrième rang des préoccupations des Français en 2004 alors qu'il était au neuvième rang en 2003. Neuf personnes sur dix estiment que le racisme est une chose répandue. Signe de la banalisation de la présence des immigrés en France, ce sondage consacre le refus des préjugés

de plus en plus de Français

(une nette majorité) se dit indifférente à la présence en France d'immigrés et trouve que cette présence est un enrichissement. Cette acceptation s'accompagne d'une acceptation des droits, par exemple concernant le droit de vote des immigrés : 51 % des Français y sont favorables (+ 6 % par rapport à 2003). Au moment où le gouvernement vient d'exclure du droit de vote aux élections à la chambre des métiers les étrangers extra communautaires ! Alors que les discriminations explosent, touchant à la fois des immigrés et des Français, alors que la Justice a prononcé seulement 20 condamnations en 2004 dans le domaine de l'emploi, les discriminations sont fortement rejetées : 68 % des sondés estiment très grave le refus d'embauche d'un Noir (plus 2 % par rapport à 2003), et 61 % estiment très grave le refus d'embauche d'un Maghrébin (plus 6 % par rapport à 2003). Concernant le logement, 60 % des sondés estiment très grave le refus de louer un logement à un Noir (plus 4 % par rapport à 2003), et 48 %, soit 12 % de moins, estiment très grave le refus de louer un logement à un Maghrébin. Point important pour le mouvement antiraciste, l'opinion soutient les mesures de lutte contre le racisme: 67 % des sondés pensent qu'une lutte vigoureuse est nécessaire (contre 59 % en 2003). De plus, les sondés sont en attente d'une condamnation ferme par la justice, reprenant une revendication permanente de notre Mouvement : 54 % estiment que les tribunaux ne sont pas assez sévères dans les cas de racisme. Cette demande de dureté est équivalente pour les dégradations de synagogues (67 % des sondés pensent que l'on devrait sanctionner ces délits plus durement) et de mosquées (62 % des sondés). 81 % des sondés demandent une forte condamnation de l'insulte" sale juif " (22 % de plus qu'en 2003), contre 67 % seulement des sondés qui demandent une forte condamnation de l'insulte" sale Arabe" (soit 14 % de moins que dans le cas précédent mais marque une forte augmentation de 20 % sur 2003). 42 %, soit une progression de 9 % par rapport à 2003, demandent des applications très fermes et un renforcement des lois punissant la propagande raciste; les sondés sont particulièrement exigeants concernant la propagande sur Internet : 89 % des sondés demandent des actions plus fermes sur ce média. Réalité qui consacre l'analyse et la mobilisation du MRAP sur ce sujet. Confirmation si besoin est de nos analyses (cf. Congrès) sur cette forme nouvelle de racisme qu'est l'islamophobie qui prolonge le racisme anti-arabe. En effet, selon le sondage de la CNCDH, la perception de la religion musulmane s'est détériorée en 2004: en réponse aux questions posées, 47 % des sondés estiment que les musulmans français se considèrent avant tout comme des musulmans, et 57 % considèrent que les musulmans constituent le groupe qui se tient le plus à part de la société française. La religion musulmane n'est perçue comme positive que par 22 % des sondés (soit un recul de 8 % par rapport; à 2003). Ces données recoupent celles d'une étude officielle de l'International Helsinki Federation for Human Rights, qui regroupe 44 organisations non gouvernementales de défense des droits de l'Homme des pays de l'OSCE, qui a relevé une multiplication des insultes, des atteintes aux biens et des agressions physiques dont sont victimes les musulmans dans les onze pays passés en revue (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, et Suède). Le rapport cible des" pics ponctuels" d'hostilité contre les musulmans, notamment " l'adoption de la loi sur le voile à l'école en France" ou encore" l'assassinat de Théo Van Gogh " aux Pays Bas. Le rapport précise que les médias et celtains partis politiques se sentent désormais libres d'" exprimer clairement leur hostilité envers les musulmans " présentés le plus souvent comme des" corps étrangers " et« dangereux ". Ces chiffres sont tout d'abord le résultat immédiat induit par la forme même des questions posées. Ces questions elles-mêmes n'échappent pas à l'air du temps et ne balaient pas la totalité du spectre du racisme ni tous ses niveaux d'expression. Ils doivent donc être pris comme des minima et quelles que soient les insuffisances et l'absence manifeste d'outils d'évaluation statistique de toutes les formes de racisme, ils sont un instrument de mesures/thermomètre du racisme qui met le MRAP dans une posture particulière. Sa responsabilité reste engagée non seulement dans l'expression de la solidarité, le soutien, l'accompagnement des victimes de toutes les formes de racisme mais aussi dans la mise en mouvement d'actions collectives susceptibles de casser les processus économiques, sociaux, éducatifs, culturels, historiques et politiques qui participent au développement de cette plaie béante au flanc de notre démocratie qu'est le racisme. (1) - Commission Nationale Consliitative des Droits de l'Homme. « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - ]uillet-Aoüt-Septembre 2005 5 6 Dossier - - -- - - ~ - - - Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque - leb e 1 -~--re rie e Il aura fallu pas moins de soixante-dix ans pour que la communauté internationale adopte un texte qui proclame le droit de l'enfant à vivre dans la dignité. Autant d'années de lutte pour accoucher d'un texte, une Convention des droits de l'enfant, qu'il s'agit maintenant de faire appliquer. Quasiment tous les pays du monde ont ratifié ce traité. Cent quatrevingt- onze pays au total auxquels deux manquent à l'appel la Somalie et surtout les Etats-Unis. Ce dernier pays a récemment aboli la peine de mort pour les mineurs, un grand pas qui pourrait permettre la ratification. « Prises au piège» (photo réalisée par Suela Vizi Shrodër). Malheureusement, pour de nombreux gouvernements, une signature ne vaut pas grand-chose. Nous évoquons dans ce dossier le cas de l'Iran qui bafoue ignoblement les droits les plus élémentaires des plus fragiles d'entre nous. En Albanie où l'Etat est défaillant, les enfants sont les victimes de vendettas entre familles où leur tête est mise à prix. En Palestine, l'armée israélienne détient actuellement 325 enfants accusés de terrorisme et qui subissent parfois des tortures et des humiliations. Et que dire des 256 millions d'enfants à travers le monde forcés de travailler parfois dans des conditions éprouvantes voire mOttelles Î De tous les autres, exploités dans les bordels d'Asie, d'Afrique ou d'ailleurs? Des enfants soldats, des mariages forcés, de l'esclavage ... ? En France où la situation des mineurs est une des meilleures, certains n'ont toujours pas accès à l'instruction comme l'exige la Convention des droits de l'enfant! Il ne s'agit pas de noircir le tableau. Depuis quelques années, l'opinion internationale a pris conscience de l'ampleur du problème. Mais comme le rappelle la présidente d'Amnesty International, Geneviève Sevrin, que nous avons interrogée, " beaucoup reste encore à faire ". Laurent-Frédéric Cousin « Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - Juillet-Août-Septembre 2005 Dossier ~ ~- - - Edita International Dossier Immigration Discri mination Education' Kiosque Convention relatives aux droits de l'enfant Entrée en vigueur le 2 septembre 1990, la Convention relative aux droits de l'enfant est le résultat de soixante-dix ans d'efforts pour faire reconnaÎtre la spécificité des enfants et leur fragilité. Ratifiée en 1990 par la France, la Convention des droits de l'enfant invite à réfléchir sur la place que nous faisons et ferons aux enfants, dans notre pays, en Europe et dans le monde. L'enfant y est considéré comme une personne à part entière et non plus comme un adulte miniature. La convention lui reconnaît des besoins spécifiques à son âge et à sa maturité. Tout enfant doit être protégé dans sa fragilité, entouré de soins, d'amour et de compréhension pour pouvoir se développer et s'épanouir harmonieusement. Il doit être préparé à avoir une vie individuelle dans la société. Nous devons donc assurer les conditions de son éducation et lui permettre d'accéder à la culture "dans un esprit de paix, de dignité, de liberté, d'égalité et de solidarité". La convention reconnaît l'importance d'une protection juridique appropriée à l'âge des enfants "avant comme apfès la naissance". Elle a le sm;ci d'appeler à la coopération internationale pour plus d'équité et à l'amélioration des conditions de vie des enfants de tous les pays, notamment des "pays en voie de développement". Ces principes doivent guider la lecture, l'interprétation et l'application d'un long texte de cinquantequatre articles porteurs d'espoir en un monde meilleur. Cinquantequatre articles pour trois milliards o er la IS Exposition « Un lion au Pôle Nord », création d'enfants et d'artistes du CL Vitrolles (13). d'enfants sur notre Terre et tant de disparités, du bonheur au désespoir et à la mort précoce 1 Les droits de l'enfant et le MRAP Pour nous , il n'existe pas un Enfant majuscule mais des enfants aux conditions malheureusement fort différentes. Des conditions trop souvent injustes là-bas et, pour certains, ici, sous nos yeux. Selon leur secteur d'intervention, les militants s'attellent donc à réparer une injustice avec les moyens possibles la loi et la solidarité ... Les articles de référence dans la Convention des droits de l'enfant sont à cet égard

l'article 2 (non-discrimination),

articles 7 et 8 (droit à un nom et une nationalité; respect de l'identité de l'enfant) , article 9 (nonséparation entre l'enfant et ses parents), article 10 (réunification de la famille), article 11 (déplacements et non-retours illicites), article 22 (enfant réfugié), articles 32 à 38 (contre toute forme d'exploitation et de violence). Une tâche complémentaire consiste à promouvoir des valeurs culturelles antiracistes et pacifiques. Quels projets lancer pour valoriser l'expression des jeunes dans leur diversité (article 12) ? Quels outils leur proposer, éducatifs, artistiques, ludiques (articles 28 à 31) pour progresser ensemble sur des chemins de connaissance et de confiance ? Les réponses des comités sont multiples. Ce dossier souhaite en explorer la richesse et ouvrir des pistes pour mieux faire vivre les droits de TOUS les enfants à travers le monde. Evelyne Verlaque « Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - Juillet-Aoùt-Septembre 2005 7 8 Dossier Edito ' International Dossier Immigration 1 Discrimination ' Education 1 Kiosque Enfant soldat a I/s seraient 300 000 enfants enrôlés dans les forces armées, sur les cinq continents. 300 000 gosses dont l'enfance a été volée, transformés en bourreaux, en machines à tuer et à mourir, manipulés par des criminels au mépris de ce qu'il ya de plus sacré dans toutes les cultures du monde: préserver les enfants. Ce chiffre qui serait pour l'Unicef une évaluation basse, est en augmentation constante: plus de 700 000 nouveaux petits soldats depuis 1996 et le tiers d'entre eux seraient des fil/es. Comment devient-on un enfant soldat =- L'Unicef qui s'est fortement engagé pour la démobilisation des enfants soldats a mis en évidence, dans une étude réalisée en Afrique centrale, que" le besoin matériel" venait en tête des motivations dans 34 % des cas, suivi par des motifs" idéologiques" pour 21 % d'entre eux. S'il existe de nombreux cas d'enrôlement forcé, - 21 % d'enlèvements - , les situations de famine, d'abandon ou de solitude constituent aussi des motivations pour rejoindre des bataillons d'enfants. « Notre souvenir de la vie d'avant, notre expérience et notre représentation du danger étaient beau- 1 · .... -a « l'espoir que la paix revienne au coeur des familles ennemies» (photo réalisée par Mirsadda Ademi Shrodër). coup plus limités que ceux des soldats plus âgés. Notre loyauté était sans limite, c'était tout ou rien. Nous n'avions rien vers quoi nous tourne1: Dès lors, nous ne pouvions qu'avancet: ( .. ) Les enfants soldats prenaient part à tout. Pour beaucoup, tuer et torturer était une tâche passionnante, une manière de satisfaire leur supérieur. Nous les enfants, commettions au nom de nos chefs des tas d'actes horribles, uniquement pour leurfaire plaisir. Peutêtre n'imaginaient-ils même pas que nous deviendrions adultes ... » raconte China Keitetsi enrôlée à l'âge de 9 ans dans les troupes de Museveni en Ouganda. Mais si 40 % des enfants soldats sont en Afrique subsaharienne, les autres zones de conflits sont tout aussi coupables, comme en Tchétchénie, en Colombie ou en Birmanie. Démobiliser les enfants et interdire leur recrutement La campagne lancée par l'Unicef (2) pour ses 40 ans a contribué à sensibiliser les opinions publiques et des milliers de signatures ont été recueillies, mais il faut faire plus pour que soient appliquées les résolutions 1379 et 1460 du Conseil de sécurité qui stipulent: • Aucune négociation de paix ne doit être menée sans l'intégration prioritaire de la situation des enfants et de programmes d'accompagnement " d'après conflit " étendus à tous les enfants enrôlés (combattants ou non). • Tous les pays doivent inscrire dans leur aide le soutien à des programmes de réunification familiale, de réhabilitation (scolarisation - formation) des enfants traumatisés par leur participation à des conflits, en prenant en compte la situation particulière des filles. Et des sanctions internationales doivent s'appliquer à tous les dirigeants qui emploient ou ont employé des enfants soldats : • Comparution systématique devant la Cour Pénale Internationale. • Application d'un embargo systématique envers les pays exportateurs ou les pays livrant des armes légères à des mouvements ou pays en situation de conflit. • Interdiction de voyager, de participer à toutes formes de gouvernance, de bénéficier d'une amnistie. Prévenir les conflits La multiplication des guerres civiles ces vingt dernières années a favorisé ce phénomène de recrutement des enfants. Dans ces guerres intra-étatiques, qui souvent tournent au " système de guerre ", en détruisant les infrastructures et les économies, font d'abord des victimes parmi les civils. C'est plus de deux millions d'enfants qui ont péri dans les guerres des années 90. C'est un devoir de toute l'humanité de résoudre au plus vite ces conflits et de prévenir ceux qui pourraient se déclencher. Pour tous les enfants du monde, soldats ou non, renouer avec un développement endogène des sociétés, avec plus de justice et le respect des droits humains est une priorité absolue. La démobilisation des enfants demande beaucoup de soins et de moyens: relance de l'économie, de l'éducation, prise en charge psychologique et sanitaire ... La carte des conflits recouvre quasiment celle de l'extrême pauvreté. Pour que plus jamais un enfant ne trouve plus facilement une Kalachnikov qu'un livre ou une poupée, c'est à nous tous qu'incombe la responsabilité de bâtir un monde plus juste et d'exiger la démobilisation des enfants soldats et l'interdiction de leur recrutement. Le Mouvement de la paix (3) a organisé une tournée de la pièce tirée du livre d'Ahmadou Kourouma, " Allah n'est pas obligé" par une troupe de Casamance, ils seront notamment présents au Festival d'Avignon. La pièce est suivie d'un débat sur les enfants soldats et la prévention des conflits. Arielle Denis Co-présidente du mouvement de la paix (1) - La petite fille à la Kalachnikov éditions Grip-Unicef (2) - Voir pétition sur le site http/ .' www.ltniceforg (3) - Voir site: http/: www.mvtpaix. org « Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - juillet-Aoüt-Septembre 2005 Iran En Iran, la situation des enfants est catastrophique. Meurtres, mariage et travail forcés, drogue, pauvreté, prostitution ... La vie de beaucoup d'enfants sous la dictature théocratique ressemble avant tout à un cauchemar. Les droits les plus élémentaires des Iraniens, adultes et enfants, sont quotidiennement et systématiquement bafoués sous la dictature théocratique au pouvoir depuis plus de 25 ans en Iran. Le pays a adhéré en 1993 à la Convention relative aux droits de l'enfant sous réserve que « les dispositions de la présente convention sont applicables tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du droit musulman et aux lois internes ». Cette réserve est en contradiction manifeste avec la Convention qui précise qu' « aucune réserve incompatible avec l'objet et le but de la présente convention n'est autorisée ». Discrimination entre fille et garçon Le Code pénal iranien ne donne pas de définition de l'enfant mais précise pourt ant qu'il n'est pas pénalement responsable, sans pour autant préciser l'âge de la majorité. Le Code civil par contre fixe cet âge à 15 ans pour les garçons et 9 ans pour les filles. Sous la pression interne et internationale, le régime iranien a été contraint d'augmenter l'âge légal du mariage des filles de 9 ans à 13 ans. En Iran, on considère que l'enfant devient adulte au moment de la puberté, c'est-à-dire au moment où il est considéré comme mariable. La puberté chez les filles ne se manifestant pas au même âge que chez les garçons ce sont surtout elles qui pâtissent le plus de ce système. Elle 1 Dossier - - Edito International Dossier Immigration 1 Discrimination ' Education : Kiosque peuvent être mariées très jeunes et sont pénalement responsables plus tôt que les garçons. Toujours selon loi pénale islamique, un père ou grand-père paternel qui tue son enfant sera seulement condamné au versement de diya (prix du sang) aux héritiers ainsi qu'aux ta'azirat (mesures de punition). Le Code civil autorise quant à lui les châtiments corporels au sein de la famille. D'après un représentant de l'Organisation de la Protection sociale (OPS) (3), « Les statistiques indiqueraient que la maltraitance d'enfants est en augmentation dans le pays ... Tous les jours environ 150 enfants témoignent devant les tribunaux iraniens de mauvais traitements subis dans leur famille ». Dès l'instauration de la République islamique en 1979, le système juridique et pénal a été influencé par la charia, c'est-à-dire la loi islamique. Ce changement politique radical a entraîné la baisse de l'âge de la responsabilité pénale à l'âge de la pubelté religieuse, soit 9 ans pour les filles et 15 ans pour les garçons. Ainsi, des enfants peuvent être soumis à tout châtiment infligé aux adultes. En dehors de rares structures dans quelques grandes villes, ces enfants sont maintenus en détention avec des adultes. aIS 1 :1 • Pauvreté, suicide, drogue, prostitution ... En Ifan, la situation' économique est catastrophique et les enfants sont les premières victimes de cette situation. Certaines familles vendent leurs enfants, la malnutrition et le manque de soins font des ravages. Le taux de fréquentation des établissements préscolaires est inférieur à 15 % (4). L'Iran détient le taux le plus élevé de suicide par rapport à sa population dans le monde et en particulier chez les femmes et adolescentes, 7 000 par an (3). La drogue aussi touche de plus en plus d'adolescent(e)s. Vu l'absence de règlements en matière d'âge minimum d'admission à l'emploi et d'âge de fin de scolarité obligatoire, un grand nombre d'enfants sont contraints de travailler, en particulier dans les secteurs non structurés tels que les entreprises familiales et l'agriculture et souvent dans des conditions inappropriées voire dangereuses. Phénomène nouveau, l'apparition de milliers" d'enfants des rues" et de fugueurs qui errent autours des gares et des terminaux dans les grandes villes. Les autorités parlent de la présence accrue de fillettes de 13 ans parmi eux. Exposés à tous les dangers, ces enfants sont les proies des chasseurs d'enfants et des trafiquants de drogue. La prostitution et le trafic des filles et des femmes sont à l'heure actuelle, le deuxième revenu national après le pétrole. Cinquante quatre filles iraniennes de 16 à 25 ans sont vendues chaque jour à Karachi (Pakistan). On parle de la main basse de certains dirigeants du pays sur ce trafic humain. La jeunesse d'Iran, vivante et pleine de talent, est consciente de ses ressources. Mais elle connaît surtout très bien la source des maux dont elle souffre depuis 25 ans. C'est pourquoi, elle n'a jamais cessé et ne cesse de dénoncer, de résister et de se révolter contre le régime répressif des mollahs. Cette noble lutte continue ... (1)- Téhéran, novembre 2001. (2 et 3) - Agence de presse officielle ILNA, 2 mars 2005. (4)- UNICEF (5) - Agence de presse Hambastegui, 20 avril 2004. Association des Femmes Iraniennes en France - 116, rue de Charenton -75012 Paris -France Tél./Fax (331) 43655784 - aflfem2001@yahoo.fr " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - juillet-Aoüt-Septembre 2005 9 10 Dossier Edito International Dossier Immigration Discrimination Education ' Kiosque Scola risation Le droit à l'instruction est un droit fondamental de l'enfant défini par la Convention des droits de l'enfant de 1959. En France, ce droit est parfois refusé pour certains enfants handicapés, Tsiganes, immigrés sans papiers ... Si le droit à l'instruction pour les enfants dans le monde est malheureusement un chantier qui reste largement à défricher, en France il apparaît à beaucoup comme une victoire ancienne et largement acquise. Aujourd'hui la France est un des pays au monde où le droit à l'instruction pour les enfants est le plus respecté. Mais les déclarations en novembre 2003 de la défenseure des enfants, Claire Brisset, sur la multiplication des conflits au sein de l'école ont mises à malles certitudes. Dans son rapport annuel remis au Président de la République, Jacques 1 e s, - Crurac, elle précisait notamment que les conflits avec l'école représentaient la seconde cause des plaintes qu'elle avait reçues et que celles-ci étaient en augmentation de 7,5 % par rapport à l'année précédente. Y figuraient des cas de déscolarisation brutale d'enfants réputés difficiles, de mauvais traitement physique et psychologiques de la palt d'enseignants, l'impossibilité de scolariser un enfant handicapé ... 1 __ 1 --. __ _ 1 • -~------- Les enfants handicapés exclus du svstème scolaire La difficulté rencontrée aujourd'hui par de nombreux parents pour faire scolariser leur enfant handicapé est particulièrement révoltante. Le manque d'empressement des politiques pour faciliter leur intégration est la conséquence du refus de certains parents d'élèves, appuyés par certains enseignants, de voir leurs propres enfants suivre leurs cours dans la même classe qu'un enfant handicapé. C'est bien de discrimination qu'il s'agit. Une discrimination dont sont victimes aujourd'hui en France de nombreux enfants. L'Unapei qui représente les parents d'enfants souffrant de handicap mental, a dénombré parmi ses adhérents environ 6 000 exclus du système scolaire. La loi sur le handicap votée en début d'année a partiellement satisfait les associations de parents d'enfants handicapés. Mais cette semi-victoire n'a eu lieu qu'au prix d'une lutte acharnée. D'autres injustices rappellent que le droit à l'instruction pour tous les enfants sans exception est un combat d'actualité. Le cas des enfants Tsiganes en est un excellent exemple. Beaucoup d'entre eux sont exclus du système scolaire car certaines mairies refusent d'inscrire ces enfants sur les listes de l'école. Le problème vient du fait qu'en France, les aires d'accueil pour les familles itinérantes restent rares. Elles sont pourtant la condition préalable à l'intégration des enfants à l'école. La loi Besson de 1990 oblige pourtant les collectivités locales à prévoir de telles aires dans leur schéma départemental. Mais le gouvernement repousse sans cesse son application sous la pression de certains élus locaux. Enfin, que dire de la situation des enfants immigrés ou issus de l'immigration et des sans-papiers? Une précarité aux multiples facettes est souvent la cause de l'échec scolaire -quand il y a scolarisationsurtout dans les familles issues de l'immigration maghrébine. Bien que la situation soit globalement satisfaisante, on peut dire qu'aujourd'hui le droit à l'instruction pour tous les enfants n'est pas totalement respecté. Et cette injustice, il faut la combattre. L.-F. C " Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - juillet-AoOt-Septembre 2005 ! 1 Dossier ~ - ~ - - Edito International Dossier Immigration Discrimination Education' Kiosque Interview de Geneviève Sevrin (1) ~--a c Depuis de nombreuses années, Amnesty International France dénonce le fléau du travail des enfants dans le monde. Sa présidente fait le bilan de plusieurs décennies de luttes et rappelle que dans ce domaine beaucoup reste à faire. Différences : « Que représente le travail des enfants dans le monde aujourd'hui? » Geneviève Sevrin : Selon les estimations de l'OIT (2), 352 millions d'enfants âgés de 5 à 18 ans travaillent dans le monde. Cela fait un enfant sur huit. Mais ce chiffre ne prend en compte que les activités déclarées. Il occulte donc le travail au sein de la famille, l'exploitation sexuelle aussi. En réalité, les chiffres sont bien supérieurs mais il est difficile d'être exact. Le travail des enfants est une conséquence la plupalt du temps de la pauvreté mais aussi de certaines formes de tradition derrière lesquelles se cachent les adultes. Pour revenir aux chiffres, il existe environ 246 millions d'enfants qui exercent une activité qui nuit à leur santé et qui doit être abolie. Sur ces 246 millions environ 171 exercent une activité dangereuse et 8 millions sont tout simplement en danger de mort. Différences: « Le phénomène est connu et dénoncé depuis longtemps maintenant. Mais concrètement, quelles mesures ont été prises pour lutter contre ce fléau? » Geneviève Sevrin : Il y a une Convention des droits de l'enfant au niveau international mais certains pays ne l'ont pas encore signée. C'est le cas des Etats-Unis. En Europe, l'Angleterre autorise le travail des enfants le matin avant d'aller à l'école à partir de douze ans ce qui est contraire à la Convention qu'elle a signée. L'Angleterre a aussi beaucoup utilisé les châtiments corporels pour éduquer les enfants, cette pratique était bien vue dans la société. Il faut que les pays qui n'ont pas encore ratifié la Convention le fassent et surtout la mettent en oeuvre, notamment en imposant une limite d'âge au mariage, en fixant l'âge de la majorité, en favorisant l'accès à l'école pour tous les enfants, notamment les filles, etc. En Inde, par exemple, où le travail de l'enfant est souvent indispensable à sa survie et à celle de sa famille, il faut que l'enfant puisse tout de même aller à l'école une partie de la journée. Dans ce pays, certains enfants, parce que leur famille a contracté une dette sur plusieurs générations, sont les esclaves de leurs créanciers. Des ONG rachètent la dette pour sauver l'enfant. Il y a des problèmes de fond à résoudre mais aussi des situations d'extrême urgence. Différences: « La Convention des droits de l'enfant a été signé en 1959. y a-t-il eu depuis une prise de conscience dans le monde? » Geneviève Sevrin : Oui, je pense qu'une réelle prise de conscience a eu lieu. Sur le travail des enfants mais aussi sur l'exploitation sexuelle des mineurs. Des Conventions ont été signées, on a vu se tenir des procès de pédophiles, des campagnes de sensibilisation à l'exploitation des enfants ont eu lieu dans les avions en partenariat avec les transporteurs aériens ... Seule la situation des enfants soldats ne bouge pas et reste catastrophique. Les conflits armés prolifèrent et les enfants sont des proies dociles et influençables. •• • Différences : « Quels sont, selon vous, les obstacles à une évolution dans le bon sens? » Geneviève Sevrin : L'invisibilité du travail de beaucoup d'enfants tout d'abord, au sein des familles par exemple ou pour les emplois de domestiques. Comment identifier ces enfants? Il faut d'abord savoir. L'autre grand problème c'est que pour beaucoup d'enfants, le travail est un facteur de survie. Il faut donc réfléchir à la façon de lutter contre la pauvreté. C'est en grande partie la responsabilité des Etats, mais ceux-ci ont souvent des difficultés pour renverser la tendance. Au Brésil par exemple, le président Lula a beaucoup de mal à s'opposer aux grands propriétaires terriens qui font travailler les enfants dans leurs champs parfois dans des conditions épouvantables. Là, les pays occidentaux, même s'il doivent balayer devant leur porte, ont sùrement un rôle à jouer. Différences: « Peut-on considérer que le travail assure aux enfants les moyens d'accéder à d'autres droits, la santé par exemple? » Geneviève Sevnn : Cela peut être vrai en effet quand le travail de l'enfant est rémunéré mais ce n'est souvent pas le cas. Et puis chez les enfants jeunes, le travail ne peut qu'être mauvais pour leur santé. On constate chez ces enfants des retards de croissance, des problèmes de développement, des grossesses précoces chez les jeunes filles qui travaillent comme domestiques, des infections par le sida ... Dans la plupalt des cas, le travail est dangereux et nuisible. Différences : « Quel bilan dressezvous de la situation des enfants dans le monde d'un point de vue sanitaire? » Geneviève Sevrin : Il est loin d'être brillant et le travail est une des causes de cette situation. Dans beaucoup de pays à travers le monde, seule une minorité a accès aux soins médicaux, aux médicaments. « Enfants cloîtrés» (photo réalisée par Mirsada Ademi Shkoder). L'absence d'accès aux soins va a l'encontre des droits de l'homme et donc de l'enfant. Le coût des médicaments est bien trop élevé et même lorsque les entreprises pharmaceutiques décident de vendre à prix coùtant, les médicaments sont encore bien trop chers. Le Brésil a décidé de fabriquer ses médicaments lui-même pour subvenir aux besoins de sa population, un vrai bras d'honneur aux grands groupes pharmaceutiques! Les gouvernements occidentaux qui aident financièrement un certain nombre de pays dans le monde devraient exiger qu'une paltie des fonds soit utilisée pour améliorer l'accès aux soins. Pour que les droits de l'enfant comme ceux des femmes soient respectés, il faut cesser de considérer qu'il ne s'agit que de rajouts, d'extras, aux droits de l'honm1e. Et làdessus, il reste encore beaucoup de chemin à faire. Propos recueillis par L.-F. C (1) - Présidente d'Amnesty Interna· tional France. (2) - Organisation Internationale du Travail. " Différences" - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - juillet-AoOt-Septembre 2005 11 12 Dossier Edito ' International Dossier ' Immigration ' Discrimination 1 Education Kiosque Albanie a En Albanie, des centaines de familles se déchirent au nom de la vendetta. Les enfants paient un lourd tribut à cette tradition de mort. Grâce à l'action du centre culturel Lindart de Tirana, certaines de ces jeunes victimes ont pu exprimer leur souffrance et leurs espoirs en photographiant leur quotidien. Certains de ces clichés ont été exposés récemment à Vitrolles, à l'initiative du comité local du MRAP et de l'association Albania. La vendetta est une vengeance coutumière bien attestée dans le monde méditerranéen. Une bien triste tradition dont Prosper Mérimée avait fait le personnage principal de sa célèbre nouvelle Colomba. Chez nous, de tels usages refont parfois surface, en 1 a « Prostrés» (photo réalisée por Gesim Hili Shkoder). Corse notamment. Mais c'est sous une forme particulièrement cruelle qu'elle sévit aujourd'hui, en pleine Europe. En Albanie le code d'honneur frappe des centaines de familles, les obligeant à rester cloîtrées chez elles pour éviter de subir la " gjakmarrja ", la loi du sang. Femmes et enfants ne sont plus épargnés. Cette situation d'un autre âge ne se limite pas aux seules campagnes reculées du Nord de l'Albanie mais touche aussi des villes importantes de cette partie du pays, comme celle de Shkodër. A Tirana la capitale , le centre associatif à vocation culturelle Lindart, soucieux de dénoncer cette situation a décidé d'agir à sa manière. En 2004, il a voulu donner le moyen de s'exprimer à ces enfants du Nord de l'Albanie, enfermés chez eux pour échapper aux menaces. Cent soixante-cinq clichés réalisés par les enfants Quinze enfants en situation d'enfermement ont reçu un appareil photo jetable pour témoigner de leur quotidien. Cent soixante-cinq photos ont été réalisées, développées et parfois accompagnées de lettres (au Premier ministre albanais par exemple) ou de poèmes écrits par les enfants. Ces clichés dépeignent souvent les mêmes thèmes: l'environnement proche avec la chambre, la maison, parfois le jardin, mais aussi les murs. La famille aussi et bien sûr la photo du défunt à partir duquel court la vendetta. On y voit les alentours, le paysage agréable mais devenu si dangereux. Le MRAP, avec l'aide précieuse de l'association Albania, a présenté à Vitrolles, en avril et mai, une sélection de cinquante de ces photographies, témoignages de la situation et du talent d'enfants menacés de mort. Un livret accompagnait l'exposition, vendu 5 euros au bénéfice de l'action. Il s'agissait aussi d'aider les ONG locales dans leur patient travail d'explication et de pression sur les autorités responsables. En avril dernier, une avancée a eu lieu à ce sujet: Mark Bello, le ministre chargé des problèmes humanitaires et de la lutte contre la corruption a déclaré " la vengeance est un crime " et souhaite renforcer les lois contre la vendetta. L'avenir proche dira s'il ne s'agit pas que d'un voeu pieu. EV « Différences» - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - juillet-Août-Septembre 2005 Dossier Edito International ' Dossier Immigration : Discrimination ! Education : Kiosque Témoignage de Martine Suzane, institutrice a Les enfants ne manquent pas d'idées pour rendre notre monde plus juste. Pour ceux qui en douteraient, Différences a choisi de publier le témoignage d'une institutrice de l'école Victor-Martin de Vitrolles. Les enfants de la classe de CM2 dont elle a la charge ont participé au onzième parlement des enfants en 2004 avec dans leur cartable une proposition de loi visant à introduire des produits issus du commerce équitable dans les cantines. En 2004, notre classe de CM2 s'est impliquée dans le projet" Messages .. proposé en partenariat par le MRAP-Vitrolles et l'Education nationale. Il m'a semblé qu'une participation au onzième Dessin réalisé por une closse de 5' à Tourcoing. parlement des enfants s'inscrirait naturellement dans le cadre d'une recherche sur la démocratie, la Grèce en étant le berceau. En effet, l'aréopage et l'agora ne sont-ils pas les ancêtres de notre parlement 1 En outre, habitants de Vitrolles, nous nous plaçons dans la perspective d'une reconquête de la parole et d'une démarche citoyenne dans une cité où la démocratie participative a été étouffée et bafouée afin de l'annihiler. Grâce à ce projet exaltant le travail de l'homme politique, les élèves ont pu écrire une proposition de loi qu'ils ont choisie généreuse et intitulée « proposition de loi visant à utiliser les ressources du commerce équitable dans les restaurants scolaires français, de la maternelle au lycée, pour un monde solidaire". C'est cette ouverture, le sentiment d'être socialement impliqués et responsables du monde qui nous entoure qui a valu à notre proposition de loi d'être choisie au niveau académique. Mais, avant d'avoir élu ce thème, les élèves ont débattu longtemps. Beaucoup de sujets leur paraissaient importants

la violence dans les écoles,

l'environnement et la pollution, les hôpitaux et le sort des personnes âgées, la laïcité et le port du voile, la mondialisation. C'est ce dernier point qui a retenu leur attention. Il fait désormais partie du programme de cycle III. A partir de l'idée du " goûter équitable .. organisé par le MRAP-Vitrolles, les enfants ont été sensibilisés au fait que ce que l'on consomme dans le Nord est étroitement lié au sort des petits producteurs du Sud. J'ai alors pensé inclure dans ma programmation le thème du commerce équitable comme l'une des réponses possibles à la mondialisation. Donner le respect du politique C'est cette réflexion en amont sur les effets de la mondialisation, l'approche solidaire du commerce équitable dans le cadre du développement durable qui ont provoqué la création de notre proposition de loi. Ce projet d'écriture complexe a mis en synergie les ateliers de français, de géographie, d'histoire et éducation civique, d'arts plastiques. Des débats sérieux et passionnés ont jalonné notre parcours: qu'est-ce qu'une loi? Faut-il toujours obéir à la loi? Nous avons élu, dans la classe, un député junior et son suppléant et rencontré Eric Diard, notre député. Enfin, cette participation au onzième parlement des enfants nous aura également permis, grâce à la générosité de la municipalité de Vitrolles et à la collaboration d'Eric Diard, de partir à Paris visiter l'Assemblée nationale, le 23 mars 2004. Elle nous aura incités au respect de l'exercice de la politique dans une société où il est souvent décrié, donné la satisfaction d'avoir débattu, travaillé et créé ensemble une proposition de loi dans l'espérance d'un monde meilleur. " Différences » - Mouvement contre le racisme et pour j'amitié des peuples - n° 255 - ]uillet-Août-Septembre 2005 13 14 Dossier Edito International Dossier Immig"ation Discrimination Education Kiosque Enfants et jeunes du voyage à l'école eXles L'accès à l'école est devenu un enjeu fondamental dans l'avenir culturel, social et économique des communautés des gens du voyage. Les parents en sont conscients et la volonté de scolarisation s'accentue. Témoignage Nicole, 28 ans « Ma mère ne sait pas lire, moi je sais lire et je veux que mes enfants aillent à l'école. Mais ce n'est pas toujours possible de les inscrire". L'un des principaux freins à la scolarisation reste l'attitude de celtaines mairies qui refusent l'inscription - ce qui est contraire aux textes officiels - généralement parce que les familles sont arrêtées dans un lieu non autorisé. Dans la banlieue parisienne, certaines familles qui ne trouvent pas de terrain pour s'arrêter légalement, tournent autour de l'école, du collège, de la ville qui accueille leurs enfants 1 Expulsions à six heures du matin, puis recherche d'un nouveau lieu provisoire, c'est hélas le vécu répété de ces enfants avec leurs familles. L'objectif à privilégier c'est l'intégration des enfants du voyage dans les structures ordinaires. Accéder à l'école, c'est important, mais ensuite, tout dépend de l'accueil qu'on y reçoit. L'école maternelle est la première étape à encourager. A l'école primaire, la solution optimale consiste en l'accueil en classe ordinaire avec un soutien si nécessaire par un maître référent pour les enfants du voyage, qui assure le suivi et les relations avec les familles. • Photo M. Plotel: classe de rattrapage (jeunes de 12 à 16 ans dans l'Essonne). C'est tout le travail qui peut se faire à ce niveau qui permettra un accès dans les meilleures conditions au collège La scolarisation des 12-16 ans reste encore problématique. Tout d'abord, les familles craignent le milieu inconnu du collège, il est alors indispensable de favoriser l'accueil et de renforcer le dialogue avec les familles. Mais sultout le niveau scolaire atteînt par les jeunes est souvent en décalage avec les compétences attendues au collège. Certaines familles préfèrent inscrire leur enfant au CNED (Centre National d'Enseignement à Distance) Il est alors indispensable pour l'enfant d'être accompagné par un tuteur possédant de bonnes qualités de lecteur et ce n'est pas évident. Des dispositifs d'aide et de soutien se mettent en place dans toute la France. Le CNED souhaiterait voir se généraliser l'accueil - au cours de leurs déplacements - de ses inscrits dans des établissements scolaires afin de leur permettre de recevoir une aide méthodologique, de fréquenter le CDI (Centre de documentation et d'information), d'avoir accès à Internet. Un tel réseau serait porteur de beaucoup de possibilités, mais il n'en est encore qu'à ses débuts. Pour répondre aux besoins des élèves qui n'ont pas fréquenté l'école élémentaire régulièrement des mesures d'adaptation spécifiques peuvent être développées. Cela peut aller d'un soutien conséquent, à la mise en place de classes de rattrapage et de mise à niveau pour assurer la transition école-collège. Depuis plusieurs années, dans l'Essonne, une classe spécifique a été mise en place dans un collège pour permettre à des jeunes de 12 à 16 ans (une quinzaine) qui n'avaient pas suivi une scolarité régulière, voire qui n'avaient jamais été scolarisés, d'accéder aux apprentissages fondamentaux. Ces jeunes font preuve d'un grand désir d'apprendre, mais après seize ans, une scolarité prolongée ne leur apparaît pas comme un facteur de promotion sociale. « j'ai été au c.P., puis j'ai cessé d'aller à l'école. On se déplaçait beaucoup et puis je n'ai pas aimé ce premier contact avec l'école.Je suis au collège depuis deux ans. j'ai suivi mes cousins, mais je VOlt/ais vraiment apprendre à lire et à écrire. Aujourd'hui, je sais bien lire et je me débrouille pour écrire.je sais me servir d'un ordinateur et je me suis fait beaucoup d'amis au collège ", Noé 14 ans. Toutes les structures intermédiaires, si elles ne remplacent pas l'école, jouent encore un rôle très impoltant. Les antennes scolaires mobiles présentes dans certains dépaltements assurent la liaison entre les familles et l'école. Dès qu'un accueil dans l'école de quartier est possible, il est organisé. Nombre d'associations jouent un rôle d'accompagnement pour la scolarité et de médiation entre les enseignants et les familles. la situation actuelle Suivant les départements, on peut trouver des situations très différentes. Là où une réelle volonté politique prend en compte le monde des voyageurs, des avancées se dessinent. Mais dans la mesure où la loi Besson tarde à être appliquée pour les aires d'accueil, scolariser les enfants pour les familles itinérantes reste problématique. La mobilisation pour aider ces familles qui attendent l'applica tion de la loi est une priorité. MmePlate1 (") - Loi d'orientation du 10 juillet 1989. (L'obligation d'instruction datait déjà de la loi du 28 mars 1882) (*J - Loi du 31 mai 1990, dite loi Besson . " Les enfants de parents non sédentaires sont comme tous les autres enfants soumis à l'obligation scolaire entre 6 et 16 ans. Ils ont droit à la scolarisation dans les mêmes conditions que les autres enfants quelles que soient la durée et les modalités de stationnement et dans le re"pect des mêmes règles d'assiduité notamment . • ) (*J - Circulaires Education nationale (BO Spécial 2002, n01O) " Différences " - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - ]uillet-Août-Septembre 2005 Dossier Edito International Dossier Immigration Discrimination Education i<iosCiue Peine de mort appliquée aux mineurs a i--- Le MRAP s'oppose à la peine de mort en toute circonstance. Cette pratique barbare est en contradiction avec la Déclaration universelle des Droits de l'Homme qui stipule que « tout individu a le droit à la vie JJ et que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants JJ. e La violation de ces droits fondamentaux est aggravée lorsqu'il s'agit de mineurs. Quatre traités internationaux interdisent le recours à la peine capitale contre des mineurs délinquants : • Convention relative aux droits de l'enfant (article 37-a), convention ratifiée par 192 Etats sur 194 (non ratifiée par la Somalie et les EtatsUnis). • Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ratifié par 152 Etats). • Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (ratifiée par 31 Etats). • Convention américaine relative aux droits de l'homme (ratifiée par 24 Etats). Des traités de droit international humanitaire (Conventions de Genève et protocoles additionnels) excluent l'application de la peine de mort aux mineurs. Dans son rapport Amnesty International considère qu'un droit international « coutumier" s'est constitué concernant l'interdiction de la peine de molt des mineurs. Amnesty précise « le droit international coutumier consiste à fonder la valeur juridique d'une pratique internationale installée dès que les Etats la reconnaissent comme telle}). la situation dans le monde Une victoire des abolitionnistes: le l e, mars 2005, la Cour Suprême des Etats Unis a décidé que l'exécution de mineurs délinquants bafouait la Constitution des EtatsUnis. Soixante-douze mineurs qui se trouvaient à cette date dans les couloirs de la molt sont concernés par cette décision et ne pourront plus être exécutés. Il reste donc 4 pays à exécuter officiellement des mineurs: l'Iran, la Chine, le Pakistan et la République Démocratique du Congo. Selon Amnesty « des exécutions inavouées de mineurs délinquants ont lieu dans certains pays ayant officiellement aboli la peine de mort pour les mineurs en raison de l'absence d'état civil. Ainsi, au Pakistan, certains mineurs, faute de pouvoir justifier leur âge se retrouvent condamnés à mort. Dans la province du Pendjab, il y a 350 cas de mineurs sous le coup d'une condamnation à mort. La situation est identique aux Philippines. La plupart des jeunes 12 'ont pas de certificat de naissance pour prouver leur âge ; le juge peut en toute légalité prononcer la sentence capitale à leur égard }) (source Amnesty International). Renée Le Mignot et pour 1 amitié de~ pcuple~ - n 2<;5 - juillet-Août-Septemhrc 200S 15 16 Justice Edito International Dossier Immigration Discrip1ination Education Kiosque Courbevoie Au mois d'octobre 2003, des parents d'élèves de se du collège GeorgesPompidou de Courbevoie ont protesté auprès du Principal et du Rectorat de Versailles après la découverte d'un résumé dicté par M. Chagnon, professeur d'histoire de leurs enfants qui affirmait en substance que: Il Mahomet va se transformer en voleur et en assassin ... il va imposer sa religion par la terreur. .. il fait exécuter 600 à 900 juifs par jour. )) La persistance du silence de l'administration a conduit le MRAP et également la Ligue des Droits de l'Homme à s'adresser au Procureur de la République de Nanterre pour lui demander d'engager les poursuites à l'encontre de M. Louis Chagnon, professeur d'histoire géographie. Faute de réaction rapide, le MRAP ava it dû engager une citation directe devant le Tribunal, considérant que les propos tenus relevaient de la diffamation et de la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale. Mais l'administration décidait d'agir et selon le rapport d'inspection estimait qu'il était « inadmissible que quelqu'un qui prétend enseigner l'lJistoù'e se permette de pot'ter des jugements de valeur dans des termes indignes de la responsabilité qui lui est confiée », estimant également qu'il s'agissait « d'une déclaration raciste, véritable faute professionnelle dans l'école de la république » (sic). La Commission paritaire, se prononçait pour un blâme par une écrasante majorité de 33 voix « pour " 3 voix " contre " et 2 « abstentions ". Compte tenu de cette sanction le MRAP annonçait le 10 février 2004 son intention de mettre un terme aux poursuites qui avaient été engagées « estimant que l'Education Nationale avait enfin répondu à ses attentes " et précisant que « le mouvement soulJaitait intervenir avec les enseignants qui le soulJaitent dans les classes de collèges de Courbevoie lors de la semaine d'éducation contre le racisme (17-23 mars 2004) ». Le communiqué du MRAP concluant " En effet, pour MRAP l'éducation reste un des moyens les plus sûrs de la lutte contre le racisme ". C'est ce communiqué repris par l'AFP le 12 février 2004 qui donne alors l'occasion à Louis Chagnon d'engager des poursuites contre Mouloud Aounit, Jean-Claude Dulieu et le MRAP, considérant que le communiqué était attentatoire à son honneur et à sa considération puisqu'il présentait le procès intenté par le MRAP et implicitement sa condamnation conune un fait acquis dont la mise en oeuvre serait devenue inutile en l'état du blâme prononcé à son encontre par son administration. C'était là une excellente occasion pour M. Chagnon d'instrumentaliser la justice et de ranimer son comité de soutien battant monnaie pour soutenir ce professeur victime du « terrorisme intellectuel que le MRAP entendait faire régner ». Au cours des débats, M. Kamel Zmit, Président du comité de parents d'élèves, médecin, bien loin d'une pratique religieuse, éta it venu décrire le cauchemar qu'il avait vécu, les menaces qu'il avait subies, une grande partie de la presse le présentant comme un radical islamiste. Le 24 mars dernier, le Tribunal a rejeté fermement les prétentions de Louis Chagnon en considérant en substance que ses propos étant pour l'essentiel établis, il n'était pas contestable que l'emploi des mots choisis tel que « voleurs ", « assassin ", « terreur » appliqués au proplJète MalJomet et donnés pour l'essentiel à retenù' dans le cadre d'un cours sur le monde musulman, dispensé à des élèves en classe de 5e et âgés d'une douzaine d'années, a pu naturellement alarmer des parents et puis le MRAP dès lors que cette association s'assigne pour objectif pam1Î d'autres de favoriser la connaissance mutuelle, la comprélJension et l'amitié entre les peuples d'origines différentes comme entre tous les peuples, objectif qu'un tel enseignement a pu lui paraître de nature à compromettre. La bonne foi du MRAP a donc été légitimement reconnue et affirmée par le Tribunal qui a condanmé par ailleurs M. Chagnon à payer à M. Kamel Zmit, une somme de 500 €. M. Chagnon, qui se veut le héraut d'une résistance à l'intégrisme musulman dont le MRAP se tr'ouverait être selon sa thèse l'un des instruments (!), avait incité son comité de soutien à venir massivement lors du procès, au prétexte qu'il fallait s'attendre « à ce que le MRAP délègue un grand nombre de ses membres en utilisant les réseaux islamistes » (sic), vient de saisir la Cour d'Appel d'un recours, démontrant ainsi sa persistance à continuer un faux débat puisque le MRAP n'a jamais été le défenseur des religions et s'est toujours affi rmé comme un mouvement de lutte contre le racisme sous toutes ses formes : la nuance est ici d'importance. Gérard Taïeb Avocat « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - ]uillet-Aoüt-Septembre 2005 Edito ' International Dossier ' Immigration 1 Discrimination ! Education 1 Kiosque La loi sur le voile, un an après· un bilan désastreux À toutes celles et ceux qui, comme le MRAp, la Ligue des droits de l'homme, la Ligue de l'enseignement, la FCPE, Une école pour tous, l'ATMF, la FTCR, le MIB, ou encore les Motivé-e-s ont dénoncé la logique prohibitionniste et les inévitables exclusions qu'elle impliquait, les partisans de la loi interdisant le voile à l'école opposent, un an après le vote de cette loi, un bilan très positif Il n'y aurait eu qu 'une très faible minorité de « cas difficiles ' : la plupart des élèves ont retiré leur foulard dès les premiers jours de la rentrée de se ptembre 2004. Cette manière de présente r les choses a pour elle les apparences de l'objectivité et des « chiffres qui parlent d'eux-même " : sur environs un millier d'élèves " voilées " scolarisées à l'école publique (le ministère de l'Intérieur en dénombrait 1250 en 2003), " seules" 45 (ainsi que 3 garçons sikhs) ont finalement été exclues à l'issue d'un conse il de discipline, et " une soixantaine " a « choisi " (suivant les termes euphémiques en vigueur au ministère de l'éducation nationale) de démissionner. Bref: un taux de déscolarisation de " seulement 10 % ". Mais comment peut-on en rester ainsi aux statistiques ? Comment peut-on minimiser ainsi la gravité de ces " 10 % " d'exclues ? Comment peut-on oublier que derrière ces chiffres ou derrière ce que le ministère appelle pudiquement des " cas difficiles ", il Y a des , êtres humains, des enfants ou des adolescentes, qui ont vécu plusieurs semaines de mise à l'écart et de pression psychologique , qui ont dû affronter l'humiliation d'un conseil de discipline, et qui se retrouvent désormais livrées à elles-mêmes, abandonnées avec des cours par correspondance ou, pour les plus chanceuses d'entre elles, le recours à des cours payants ? Non, résolument, nous ne pouvons pas laisser dire que 100 déscolarisations forcées, c'est peu. Une seule exclusion serait déjà trop ; nous en sommes aujourd'hui à plus de 100 en une seule année scolaire ! Et encore faut-il ne pas oublier toutes les exclusions invisibles, celles qui ne rentrent pas dans les statistiques du ministère : toutes ces élèves qui, parce qu'elles n'étaient pas prêtes à enlever leur foulard, et parce qu 'elles voulaient s'épargner les semaines de pression psychologique et l'épreuve ,d'un conseil de discipline joué d'avance, ne se sont tout simplement pas présentées à la rentrée de septembre 2004. Ces jeunes filles sont sans doute nombreuses, nous en avons rencontré plusieurs, mais leur nombre exact est par définition inconnu. À titre indicatif, sur la Seine Saint-Denis, l'association GFaim2Savoir, qui apporte un soutien scolaire aux élèves voilées refusées à l'école publique, a été sollicitée par 15 jeunes filles, dont 10 ne s'étaient pas présentées à la rentrée de septembre. On peut donc estimer qu'à l'échelle nationale, il y a plusieurs dizaines, sans doute même plusieurs centaines, d'exclues invisibles. Il ne faut enfin pas négliger ce qu'ont enduré toutes celles qui ont préféré enlever leur foulard pour rester à l'école : si l'on peut se réjouir que ces dernières soient restées scolarisées, il faut aussi se demander ce qui se passe dans leur tête désormais découve rte, ce qu 'elles resse nte nt , et comment ell es comprennent les mots " laïcité ", « liberté ", " égalité " et " fraternité " ces « valeurs de la république « , dont s'est prévalu le législateur mais qui pour elles n'ont été synonyme que de mépris, de menaces et d'humiliations. Toutes celles que nous avons rencontré nous ont fait part de leur mal-être, de l'humiliation que constitue leur dévoilement forcé, et plusieurs d'entre elles témoignent de l'acharnement dont elles font l'objet malgré ce dévoilement: remarques désobligeantes de la part d'enseignants, moqueries, exigences exorbitantes sur la longueur ou la couleur de leurs vêtements. Il faudrait enfin évoquer les discriminations à l'égard des mères d'élèves qui portent le foulard, et plus largement à l'égard des femmes voilées à l'université, dans le monde du travail et même à la préfecture, auxquelles un an de stigmatisation du voile ont apporté un semblant de légitimité. Un an après, il faut se rendre à l'évidence : le bilan de la " loi sur le voile, est accablant. Il convient donc plus que jamais de réaffirmer la position que porte le MRAP depuis près de deux décennies, et qui vient d'être réaffirmée par un vote nettement majoritaire au Congrès de décembre 2004 : la laïcité ne saurait en aucun cas rimer avec l'exclusion. Les associations et institutions laïques, antiracistes et de défense des droits de l'homme du monde e ntier (notamment par Human Rights Watch, la Fédération Internationale des Droits de l'homme, et les Commissions des droits de l'homme et des droits de l'enfant de l'ONU, ainsi que par l'avocate ira nienne Chirine Ebadi, prix Nobel de la paix), tirent de ce bilan les conclusions suivantes : l'abrogation s'impose et la réintégration au plus vite dans l'école publique, des élèves exclues. Pierre Tévanian E11seignant, Président du MRAP Paris 20' « Différences » - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - ]uillet-Aoüt-Septembre 2005 17 18 Antisémitisme Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosque Que penser de la montée de l'antisémitisme en France Par une autre voie iuive Qu'est-ce qu'une autre voix juive ;» Une autre voix ju ive (UAY]) est un manifeste signé par plus de mille citoyens français juifs ou d'origine juive. C'est la preuve d'un fOlt courant d'opinion parmi les citoyens juifs de ce pays, qui ne se reconnaissent pas dans les positions actuelles de la direction du CRIF, favorables à la politique israélienne. Quelle est la position d'UAVJ sur le conflit israélo-palestinien ;» UAY] se prononce pour une solution négociée, respectant les droits nationaux is raéliens et palestiniens, fondée sur les résolutions de l'ONU. Le conflit du Proche-Orient est d'une complexité inédite. Tout recours à des analogies mène à l'impasse. Quelle que soit la légitimité de l'indignation suscitée par la politique du gouvernement israélien, cette politique ne peut se comprendre par référence à du " déjà vu ". Le conflit met aux prises un Etat reconnu internationale ment avec un peuple privé du droit à son Etat - droit également internationalement reconnu - : cette réalité politique incontestable ne permet toutefois pas de comprendre pourquoi une telle situation peut perdurer. Les appuis politiques dont jouirent les débuts de la politique israélienne dans le contexte de l'époque permettent de placer des repères historiques, ils ne peuvent constituer des clés pour la comprendre aujourd'hui. La révolte devant la souffrance du peuple palestinien est légitime. Mais il se trouve que pour une partie importante de l'opinion publique mondiale , le peuple israélien concentre dans son identité nationale, dans ses origines, dans une large fraction de son peuplement, un héritage historique européen de discriminations, de flambées antisémites meurtrières s'étendant sur des siècles et culminant avec le génocide nazi. Même si nombreux sont ceux, en particulier dans l'opinion juive, qui considèrent qu'Israël n'est pas le dépositaire de l'histoire juive, une re présentation majoritaire s'est imposée, qu'on la partage ou non. La politique israélienne actuelle exploite cette donnée qui structure à juste titre les représentations contemporaines de ce que l'on nomme civilisation. Cette dimension donne au conflit du Proche - Orient son caractère irréductible : tout ce qui peut conduire à penser que la réalisation des droits palestiniens peut s'accommoder d'une mise en cause de l'existence de l'Etat d'Israël ne peut que détourner de la lutte pour en finir avec une situation dans laquelle" des combattants des deux bords perdent leur âme ". L'action pou les droits nationaux pales tiniens doit être menée en prenant en compte l'e ntière complexité politique, symbolique, psychologique , humaine, du conflit. Elle doit prendre en compte, sans discrimination , les souffrances, les solidarités et les aspirations légitimes, les angoisses de qui se soucie de la sécurité et des droits nationaux des deux peuples. Comment pourrions nous, en France, être en deçà de la lucidité des pacifistes israéliens, des refuzniks israéliens, et des progressistes palestiniens, en mettant en première ligne de leurs considérations les intérêts conjoints des deux peuples, palestinien et israélien ? Or, dans la tourmente quoti dienne , il est aisé d'oublier que des jalons importants ont commencé de frayer une autre voie: celle ouverte par Yasser Arafat et Ytzhak Rabin, par les négociateurs de Taba, par l'accord de Genève. Les timides espoirs de paL" actuels ne doivent pas une fois de plus être déçus. Que penser de la montée de l'antisémitisme en France;» Les violences antisémites ont été multipliées par dix depuis 1992: 200 en 2004, niveau sans précédent. Les autres violences racistes et xénophobes par trois, atteignant 169 en 2004. Il y a libération du geste et de la parole antisémites, et du racisme anti-maghrébin, anti-Noir. C'est très grave. Mais il n'y a pas antisémitisme de masse. L'extrême droite est toujours active (7 % des violences), mais il y a apparition d'un antisémitisme de marginaux, de quelques franges intégristes musulmanes (38 % des violences dues à des « jeunes des quartiers sensibles "). Il y a utilisation de la Les Editions de « La Découverte » fait depuis longtemps un travail de fond sur la littérature antiraciste et d'amitié entre les peup/es. Nous vous livrons ci-dessous quelques-unes de leurs dernières livraisons. . , . métaphore palestinienne, par des catégories laissées pour compte par le néo-libéralisme, pour exprimer un mal-être social profond, en identifiant «]uif ", « israélien ", « oppresseur ". Le soutien de la direction actuelle du CRIF à la politique israélienne aggrave les choses.Il y a des caractéristiques spécifiqu es de l'antisémitisme, mais il faut refuser la concurrence des victimes, mener de front les luttes contre tous les racismes, tout en refusant toute alliance avec quelque intégrisme que ce soit. http://www.uneautrevoixjuive.fr Pour signer le manifeste : courriel à tchapaiev@operamail.com Chèques libellés à Soutien Autre Yoix, adressés à P. Lederer, poste restante, Paris-Denfert Rochereau, 75014 Paris. « Différences , - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - ]uillet-Août-Septembre 2005 A chaque numéro, nous vous proposons une sélection de livres, romans, essais, études, enquêtes ... ainsi que des fiches de cinéma. Voici la sélection du trimestre. N'hésitez pas à nous faire parvenir vos notes de lecture. Jean-Claude Dulieu l'empire de la honte Jean Ziegler Editions Fayard Nous assistons aujourd'hui à un formidable mouvement de reféodalisation du monde. C'est que le 11 septembre n'a pas seul ement été l'occasion pour Georges W.Bush d'é tendre l'emprise de Etats-Unis sur le monde, l'événement a frappé les trois coups de la mise en coupe réglée des peuples de l'hémisphère Sud Edito . International 1 Dossier ! Immigration 1 Discrimination i Education 1 Kiosque -1 Jean Ziegler l'EMPIRE DE LA HONTE par les grandes sociétés transcontinentales. Pour parvenir à imposer ce régime inédit de soumission des peuples aux intérêts des grandes compagnies privées, il est deux armes de destruction massive dont les maîtres de l'empire de la honte savent admirablement jouer: la dette et la faim. Par l'endettement, les Etats abdiquent leur souveraineté; par la faim qui en découle, les peuples agonisent et renoncent à la liberté. Cette formidable machine à broyer et à soumettre ne supporte plus aucune des limitations que le droit international prétendait traditionnellement imposer aux rapports entre les Etats et entre les peuples. Du coup, c'est le régime de la violence structurelle et permanente qui, partout, gagne du terrain au Sud, tandis que le droit international agonise. Mais qui sont donc ces cosmocrates qui, peu à peu, privatisent jusqu'à l'eau que les peuples doivent désormais leur acheter? Ce livre traque leurs méthodes les plus sournoises: ici on brevète le vivant, là on casse les résistances syndicales, ailleurs on impose la culture des OGM par la force. Oui, c'est bien l'empire de la honte qui s'est mis subrepticement en place sur la planète. Mais c'est précisément sur la honte qu'est fondé le ressort révolutionnaire, comme nous l'ont appris les insurgés de 1789. Cette révolution, elle est en marche : insurrections des consciences ici, insurrections de la faim là-bas. Elle seule peut conduire à la refondation du droit à la recherche du bonheur, cette vieille affaire du XVIII" siècle. Jean Ziegler, qui témoigne ici d'une connaissance ~xceptionnelle du terrain, y appelle sans réserve en conclusion. le Togo, de l'esclavage au libéralisme mafieux Gilles Labarthe Editions Agone Pionnier des indépendances, riche en matières premières, le Togo fut longtemps surnommé « la Suisse de l'Afrique " ; Les projets de développement concoctés par les anciennes puissances coloniales l'ont vite fait crouler sous le poids de la dette. Soumis ensuite aux programmes de privatisation sauvage dictés par la Banque mondiale, ce minuscule Etat devint un espace off-shore où s'activent milices privées américaines, agents secrets français, coopérants allemands, hommes d'affaires sans scrupules, politiciens corrompus et avocats véreux. Autant de réseaux qui se concurrencent au service d'une passion commune : arracher leur part du butin en détournant les fonds publics, participer au pillage des ressources naturelles pour leur propre compte ou pour celui de multinationales prédatrices. En réponse aux thèses persistantes qui voudraient attribuer la responsabilité du marasme aux Africains eux-mêmes, ce livre démonte les principaux mécanismes et jeux d'influence étrangers qui ont contribué à ruiner l'équilibre économique et social d'une jeune nation. Le coup d'Etat militaire et les pressions diplomatiques qui ont immédiatement suivi la mort de Gnassingbé Eyadéma, le 5 février 2005, après trente-huit ans d'un règne sans partage, l'ont encore confirmé: les chancelleries occidentales ne cessent d'interférer pour imposer leur candidat à la succession du dictateur et garantir leurs intérêts dans la région. Laurent Mucchielli Le scandale des «tournantes» Dérives médiatiques, contrc.enqu<?:tc soçj( )log:ique le scandale des Il tournantes Il Laurent Mucchielli Editions La Découverte Entre 2001 et 2003, un thème a brutalement envahi les médias : les viols collectifs, rebaptisés« tournantes". A l'instar d'autres manifestations de l', insécurité ", qui dominait alors tous les débats, ces comportements ont été présentés comme un phénomène nouveau, en pleine expansion et imputable aux seuls " jeunes issus de l'immigration " habitant les " quartiers sensibles ". La dénonciation de ces " nouveaux barbares" a fait alors l'objet d'un consensus médiatico-politique d'autant plus fort que le lien a rapidement été fait avec les thèmes de l'oppression des femmes et de l'islam. Au terme d'une contre-enquête mobilisant toutes les données empiriques disponibles et s'appuyant en outre sur l'étude de dossiers judiciaires. Laurent Mucchielli fait la lumière sur ces comportements juvéniles. Il en conteste la nouveauté autant que l'aggravation et réfute, preuves à l'appui, la liaison fondamentale faire entre les viols collectifs, origine maghrébine et religion musulmane. L'auteur montre que la mise en scène médiatique des « tournantes' participe en réalité d'une peur et d'un rejet croissants des jeunes hommes français issus de l'immigration maghrébine et d'une banalisation contestable de l'interprétation des problèmes économiques et sociaux en termes « culturels " voire « ethniques ". Ce livre est donc autant une contribution à la sociologie de la délinquance juvénile qu'une analyse des nouveaux habits de la xénophobie. « Différences , - Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples - n° 255 - ]uillet-Août-Septembre 2005 19 20 Education Edito International Dossier Immigration Discrimination Education Kiosqut Semaine d'Education Contre le Racisme 2005 A l'occasion de la journée du 21 mars 2005, la CNCDH a rendu son rapport annuel. Il est alarmant, notant une progression du racisme et plus particulièrement du passage à l'acte: en 2004, en France, 1 565 violences et menaces racistes ont été dénombrées augmentant de 132,5 % porrapport à 2003, Y compris en milieu scoloire(+ 17 %). Et pourtant, des lueurs d'espoir pointent dans le rappon, montram l'efficacité de la lutte contre te racisme. En effet, si 38 % des Français jugent encore. lrop im(Xlnant • le nombre d'étrangers en France, cc chiffre baisse de 4 points; d'au tre part, 40 % (contre 36 %) estiment· enrichissante· la présence de personnes étrangères ou d'origine étrangère ou d'une autre religion. Enfin, 67 % pensent qu'il faut agir avec les associations pour faire reculer ce fléau . DaIl5 une école primaire avec le a de Nîmes (30). Ces résultats nous encouragent, nous montrent que nous agissons dans la bonne direction, mais que beaucoup reste à faire. Le rôle de l'FAlucation à la citoyenneté, moyen de prévention , est fondamental pour faire reculer l'incompréhension, l'ignorance, la peur de l'Autre par le développement des échanges mutuels au qUOlidien. Bien entendu. I"Education contre le racisme se pratique toute l"année, mais les Semaines d·Education contre le Racisme (SECR) autour du 21 mars, restent des moments fons dans les Cl. Celle année, nous avons nOlé une progression significative de la demande de documents (+ 33 %) ct dïnterventions. L'équipe de militants du secteur Education a envoyé 40 000 documents du comité de pilOiage national de la SECR ainsi que du MRAP. Au quatre coins de la France, durant ces semaines de mars, A Roiwnes, plus de 350 éIbvu IMJC Didier Daeninch et Jean-doude Dulieu. les militanL~ des CL sont intervenus des centaines de fois (voir le site). Ces actions, de la maternelle ?I l'Université, dans les JUF/'.!, le monde du travail sont multifo rmes, juridiques tournant autour de la Loi et des discriminations, déconstruisant les stéréotypes racistes, montrant le rôle de la mémoire, analysant l'articulation entre le particulier et l"universel. Elles sont très souvent intercuhurelies et festives. Le MRAP agit avec de très nombreux partenaires, ceux de la SECR bien sûr, et plus particulièrement la Ligue de l'Enseignement, la WH, les Centres .sociaux, I"UNEF, la Fer E, les syndicats, mais aussi les municipalités, les associations, les bibliOlhèques locales. etc. Le 18 juin 2005 est organisée, au MRAJl national, une journée de globalisation des actions Educa· tion des CL afin de réfléchir sur de nouve'.lUX documents et envisager les prochaines perspectives d'interventions les plus efficaces possible, sans oublier que l"Education à la citoyenneté est avant tout un appel à s'engager pour l'égalité des droits et le mieux vivre ensemble. Monique Lelouche • Diff.:n:ncn . - Mo, ... emem contre Je racisme et pour t·ami{i~ des peuples - no 255 - Juillei-Août~Sep(embre 2005

Notes

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