Édito du mois de février - Les vaccins : un bien commun de l’humanité

D’après les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé, 2,5 millions d’enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de maladies qui pourraient être évitées par la vaccination.

Les vaccins ont permis d’éradiquer la variole, de réduire de 99% l’incidence mondiale de la poliomyélite depuis 1988 et de faire reculer de façon spectaculaire des maladies comme la rougeole, la diphtérie, la coqueluche, le tétanos .

Or, des millions de personnes sont encore privées d’une couverture vaccinale. Des maladies potentiellement mortelles les menacent chaque jour. Les conséquences de ces inégalités sont dramatiques : réémergence de maladies auparavant maîtrisées, propagation de maladies dans des pays où elles avaient été éliminées, lourd tribut que continuent de payer des millions de personnes – en termes de maladies, d’incapacité et de mortalité – dans les pays les plus pauvres ou dans des pays en guerre.

Ces morts, comme ceux dus à la faim, au non accès à l’eau potable ne sont pas des catastrophes « naturelles » inévitables, ils sont la conséquence d’un monde à deux vitesses et des inégalités à l’échelle planétaire que le MRAP dénonce.
Depuis un an, l’humanité doit faire face, avec la Covid 19, à une crise sanitaire mondiale qui a déjà fait plus de 2 millions de victimes. Tous les discours parlent de l’indispensable solidarité internationale, comme le Président Joe Biden : « les États-Unis sont prêts à travailler en partenariat et de façon solidaire pour soutenir la réponse internationale à la pandémie de Covid 19. » Mais la réalité est tout autre : les pays les plus riches ont mis la main sur l’écrasante majorité des premiers stocks de vaccins. En septembre, 51% de ces doses avaient déjà été commandées par les pays les plus riches représentant à peine 13% de la population mondiale.

Cette situation révèle, de façon criante, les inégalités du monde. Dès les premières annonces, les stocks de vaccins contre la Covid-19 se sont arrachés à coups de milliards par les pays les plus riches . Paniqués à l’idée de voir leur économie continuer de sombrer dans un gouffre, ils se sont rués sur les vaccins et ont surstocké. Des pays comme les États-Unis, le Canada et l’Europe ont acheté suffisamment de doses pour vacciner leur population avec des marges considérables : certains disposent jusqu’à cinq fois plus de doses que nécessaire. Pendant ce temps, les pays pauvres ou émergents, devront se passer de vaccin.

Ce qu’Oxfam craignait en septembre est devenu réalité : un système à double vitesse qui laisse des millions de personnes sans accès aux vaccins. Si l’on continue, les pays les plus pauvres ne pourront tout simplement pas vacciner leurs populations avant 2022.

Or, l’accès aux vaccins pour tous n’est pas seulement une question de justice et d’équité, c’est un impératif sanitaire. L’émergence de nouvelles souches de virus, comme au Royaume-Uni et en Afrique du Sud en est la preuve : tant que le virus perdurera dans certains pays, la menace d’une reprise épidémique sous de nouvelles formes est un risque pour le monde entier. Comme l’a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS : « plus longtemps nous attendrons pour fournir des vaccins, des tests, des traitements à tous les pays, plus vite le virus prendra le dessus avec l’émergence de nombreux variants potentiels, avec le risque que les vaccins d’aujourd’hui deviennent inefficaces ». Le COVAX, organisme auquel collabore l’OMS, a pour objectif « d’accélérer la mise au point et la fabrication de vaccins contre la Covid 19 et d’en assurer un accès juste et équitable, à l’échelle mondiale ». Il ne doit pas rester lettre morte.

« Les profits de l’industrie pharmaceutique doivent être mis de côté pendant cette pandémie sans précédent. Il en va de la survie de l’humanité et de l’économie », affirme Oxfam.

Le MRAP affirme avec force que la santé et, en l’occurrence, les vaccins doivent constituer un bien commun de l’humanité. Aucun laboratoire ne pourra fournir les milliards de doses nécessaires. Les sociétés pharmaceutiques, les instituts de recherche qui œuvrent actuellement à la mise au point d’un vaccin doivent partager les connaissances scientifiques, le savoir-faire technologique et la propriété intellectuelle de leur vaccin afin que suffisamment de doses sûres et efficaces puissent être produites dans le monde entier. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe va d’ailleurs dans ce sens en votant, mercredi 27 janvier, une résolution visant à faire du vaccin « un bien public mondial » et demandant de surmonter « les restrictions découlant des brevets et des droits de propriété intellectuelle, afin d’assurer leur production et leur distribution à grande échelle ».

Il y a urgence, aucun pays ne pourra sortir seul de cette pandémie ; l’égoïsme des pays riches doit céder la place au partage des connaissances et à la solidarité.

Renée Le Mignot, Co-présidente du MRAP