Édito du mois d’octobre : Séparatisme : une manipulation politique !

Dans une société qui affronte une crise sanitaire, sociale et économique, le président Macron a choisi de mettre en scène un débat sur « le séparatisme ». Son intervention est explicite : ce sont bien spécifiquement les dérives de l’islamisme qui sont visées. Les déclarations du Ministre de l’Intérieur, porteur du projet, ne laissent aucun doute.

 Le premier problème est déjà la mise à l’ordre du jour de cette question à l’agenda politique de la France. Tout le monde comprend bien que cet affichage, voulu avec entêtement depuis des mois, est avant tout lié au calendrier politique. Son objectif est de séduire une fraction de l’électorat, de la disputer à l’extrême droite. En réalité, la législation actuelle apporte des réponses à la plupart des problèmes évoqués et le discours présidentiel dresse même paradoxalement un bilan élogieux de l’action déjà menée.
 
 Toutes les précautions oratoires n’y changeront rien : ce discours cautionne de fait l’idée que l’islam serait le terreau naturel des dérives extrémistes susceptibles de miner la société. Il ne s’agit pas de nier que des dérives peuvent exister ici ou là, mais toutes les religions et idéologies connaissent cette tentation, chez certains, d’imposer leur volonté à l’ensemble de la société, ou à défaut, de vivre en marge du contrat social. Le président Macron a longuement mis l’accent sur l’éducation : les familles musulmanes sont loin d’être la majorité de celles qui aspirent à éduquer leurs enfants séparément des autres, en dehors de l’école publique. Ne cibler qu’une de ces dérives, c’est ouvrir la porte à un amalgame qu’on sait très bien être latent dans une partie trop importante de l’opinion publique.
 
 Il ne suffit pas non plus d’affirmer élégamment que « nous avons-nous-mêmes construit notre propre séparatisme » et que la République doit « respecter ses promesses d’égalité et d’émancipation ». La ghettoïsation de certains quartiers (qui ne sont pas que les quartiers dits "populaires"), les problèmes sociétaux qui sont le terreau des dérives, les injustices sociales, les discriminations, voilà les vrais problèmes qu’il faut traiter et affronter ! Comment faire qu’une partie de la jeunesse ne se sente pas rejetée, avec un avenir compromis, à l’intérieur d’une société qui n’arrive pas considérer tous ses enfants comme égaux ? Ce sont sur ces questions-là qu’il faut proposer un vrai combat et des mesures concrètes.
 
 Le MRAP est sans complaisance avec les idéologies qui confondent séparation et libération et qui rêvent d’un repli communautaire. Mais il dénonce avec force ceux qui jouent politiquement avec ces questions et, de fait, alimentent la montée des haines. Il continuera à travailler dans la proximité, tous les jours, avec toutes les populations, à construire le « vivre ensemble » qui est la vraie réponse aux dérives dites "séparatistes".
 
Jean-François QUANTIN, co-président du MRAP