L’accord UE-Turquie : l’accord de la honte

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« Le MRAP tient à exprimer son indignation face à l’accord signé au Sommet UE-Turquie. »

Accord de la honte quant au sort des réfugiés : l’accord entre le premier ministre turc Davitoglu et les chefs d’États ou de gouvernements de l’UE vise à renvoyer en Turquie tous les migrants, syriens compris, présents aujourd’hui en Grèce, et venus, au péril de leur vie, chercher un refuge en Europe.
En contrepartie, l’UE s’engage à faciliter l’obtention de visas pour tous les États membres aux citoyens turcs, à accélérer le versement des 3 milliards déjà promis, à ajouter 3 milliards supplémentaires et à favoriser la reprise des négociations pour l’adhésion de la Turquie à l’UE. Peu importe que les droits de l’homme et la démocratie soient violés mais les états de l’UE sont prêts à fermer les yeux sur tout pour être "débarrasser" des migrants. C’est une honte !
De son côté, la Turquie s’engagerait à reprendre les réfugiés expulsés d’Europe, à organiser, selon le principe de "un pour un", le passage vers la Grèce de Syriens, uniquement dans le cadre de mesures contrôlées et sécurisées, avec le concours de l’OTAN.
La Turquie n’est pas partie prenante à 100% de la convention de 1951 sur le statut des réfugiés. Elle a conservé un régime particulier : en vertu de la clause d’exception géographique, seuls les demandeurs d’asile originaires des pays européens peuvent se voir accorder la qualité de réfugiés. La Turquie n’offre donc pas de garantie selon la convention elle-même. Or, l’Union Européenne dans une directive d’application qui date de 2013, a déclaré qu’elle ne renverrait des personnes que dans les pays qui appliquent les normes de la convention. Quand à la Turquie « pays sur », il n’y a qu’à voir le sort réservé aux démocrates kurdes ou turcs pour comprendre le scandale d’une telle affirmation. D’autant qu’Ankara n’a pas ratifié les textes de la convention de Genève en matière de protection des réfugiés.

L’Europe se transforme en bunker, sourd et aveugle à la détresse des réfugiés. Pire, l’UE organise leur expulsion, leur refoulement avec l’aide de la Turquie, niant leur droit à choisir un pays d’accueil où déposer leur demande d’asile, la Grèce étant dans l’impossibilité de les accueillir malgré l’extraordinaire élan de solidarité de son peuple.

Que la Turquie ait pu ainsi être investie, grâce à un chantage politique et financier, du rôle de partenaire indispensable auprès de l’UE ne peut que provoquer colère et indignation.

Accord de la honte parce que pas un mot n’est dit sur la chasse aux sorcières organisée par le régime autoritaire turc contre les démocrates, les journalistes, les avocats, les universitaires, les élus qu’ils soient kurdes ou turcs pour peu qu’ils osent tenir un discours différent de celui qui se prend pour un nouvel empereur ottoman . Erdogan, qui cite Hitler comme référence, ose déclarer « les terroristes ne sont pas seulement ceux qui brandissent des armes mais aussi ceux qui ont un stylo entre les mains ». Un stylo n’était-ce pas l’arme des journalistes de Charlie sauvagement assassinés ? Une telle politique porte un nom : cela s’appelle le fascisme !

Accord de la honte parce que le gouvernement turc mène sur son territoire une guerre sans merci contre les Kurdes, intervient en Syrie contre les Kurdes syriens qui combattent Daesh que la Turquie n’a cessé depuis des années de soutenir et d’utiliser pour ses intérêts de puissance régionale.

Cet accord honteux se fait, une fois de plus, en sacrifiant le peuple kurde. Celui-ci n’est pas une monnaie d’échanges que l’on peut troquer à sa guise ; c’est un peuple qui, comme tous les peuples du monde, a des droits légitimes.
Or, Erdogan a rompu les négociations en vue d’une solution politique au Kurdistan et livre une véritable guerre contre le peuple kurde : les villes kurdes sont bombardées, assiégées ; le nombre de victimes civiles se chiffrent par centaines ; 1,5 millions de personnes vivent un blocus en vivres, eau, électricité, médicaments. 250 000 civils ont été poussés à l’exode. La Turquie est au bord de la guerre civile. Les témoignages qui nous parviennent de la délégation française qui s’est rendue à Diyarbakir à l’occasion du Newroz (Nouvel an kurde) sont terribles.

Il est urgent d’arrêter cet engrenage de violences destructrices, de faire cesser le silence qui les entoure, de revenir au processus de dialogue, unique voie permettant de créer les conditions d’une paix immédiate et durable en Turquie. Cette voie est indissociable de la reconnaissance des droits légitimes du peuple kurde dans ce pays. Pour cela, il faut cesser de considérer Erdogan comme un partenaire légitime. C’est indigne de la France

A la prochaine réunion du Sommet européen, la France doit exiger le rejet de cet accord.
Paris le 22 mars 2016